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Full text of "Le roman du renart, publ. d'après les MSS de la Bibliothèque du roi des xiiie, xive et xve ..."

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JZ ^. P/f.o, 



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l'on ne cuide, 

I poi de pluie. 

Icuz encore, 
Éit, autre ore; 
fctaisir , 

il taisir. 

mit voiseii: 

aoiseus , 

paingnou : 

•.u prenon 

ement , 

■leni 



ledit, 

r mesdii 



LE 



Emnan î^u Emart. 



TOME I. 



On peut aussi se procurer cet Ouvrage a Paris: 

Chez MM. AiLLAUD, quai Voltaire, n** ai bis. 

AiME-ÀND&ii y quai des AugustiDs , n® 59. 
PoNTRiEu, Palaift-Royal y n® a5a. 
Ret et Gravier y quai des Angustins, n* 55. 
M"« V* RoTEE , rue du Pont de Lodi. 



DE l'imprimerie DE GRAPELET, 
me de Tanglrard » no 9. 



LE 



Hmnan Itn Ucmti , 



PUBLIE 



WapxltB les Miannicrita ie la Hiblxcftï^écpxt in Eoi 



PAR 



M. D. M. MÉON, 

ÉDITEUR DU ROMAN DE LA ROSE , DE LA DEUXIEME ÉDITIOlT DES FABLIAUX 

ET CONTES DE BARBAZAN, etc., CtC. 



TOME PREMIER. 







A PARIS, 



CHEZ TREUTTEL ET WURTZ, LIBRAIRES, 

RUE DE BOUaBON, N° I7; 

A Strasbourg et à Londres, même Maison de Commerce. 



M. DCCC. XXVI. 



i'iO 



AVERTISSEMENT 



DE L'EDITEUR. 



JLb Roman du Renard a été célèbre dès le com-* 
mencement du xiii* siècle , et la preuve en existe 
dans ce qu'en a dit Gautier de Coinsi , prieur de 
Vic'^'Sur^Aisne 9 mort en ia36. Dans plusieurs des 
contes dévots qu'il a traduits , ou composés en 1 233 ^ 
sous le titre de Miracles de la Vierge^ il cite le 
Roman du Renard comme un ouvrage très ré- 
pandu , puisqu'en parlant de ses contes il dit que 

Plas delitout sont si fait conte 
As bones gens ' par Saint Orner , 
Que de Renart ne de Romner, ^ 
Ne de Tardiu le limecon. 

Il dit ailleurs que le succès de ce Roman étoit 
déjà tel, que plusieurs personnes en faisoient 
peindre les aventures dans leurs appartemens. 11 
reproche même à certains provoires d'employer 
plutôt leur argent à orner leurs chambres de ces 
représentations profanes qu'à placer dans leurs 
églises une image de la Vierge : 

En lenrs monstiers ne font pas faire 
Sito!it l'image Nostre Daine 
Com font lâangrin et sa famé 
En leur chambres où il reponnent. 

■ * Personnes pieuses. 
* Ce personnage n*est pas dans le Roman. 



vj AVERTISSEMENT 

La réputation dont a joui louvrage de Pierre 
de Saint-Gloud , auteur de la première branche de 
ce Roman a excité la verve de plusieurs de nos an- 
ciens poètes , qui ont imaginé d'autres tours pour 
y faire suite ; mais en gardant l'anonyme , Richard 
de Lison est le seul qui se soit fait connoître. 

L'ordre des branches n'étant pas le même dans 
les' douze manuscrits sur lesquels j*ai collationné 
ce Roman , j'ai cherché à en étabUr un qui les liât 
ensemble de manière à en former un tout ; je désire 
que la classification que j'ai adoptée soit jugée la plus 
convenable. Autant qu'il m'a été possible, j'ai pro- 
fité des variantes que m'offroient quelquefois ces 
différens manuscrits, et j'en ai augmenté mon texte. 

A la suite de l'ancien Renard, j'ai cru devoir 
donner une pièce ayant pour titre le Couronnement 
de Renard y dont il n'a élé fait aucune mention 
jusqu'aujourd'hui. Il est dédié par l'auteur à Guil- 
laume , jadis comte de Flandre * , ce qui fixe 

' Ce comte Guillaume étolt fils aîné de Marguerite ii , 
comtesse de Flandre en 1344» P^^ 1^ mort de Jeanne sa sœur, 
qui n'avoit pas laissé d'enfant; et de Guillaume de Dampierre^ 
second fils de Gui 11 de Dampierre, et de Mathilde, héritière 
de Bourbon. Les éditeurs de JoinyiUe se sont trompés dans 
la table des matières en supposant qu'il y ayoit deux Guil- 
laume , père et fils , comtes de Flandre. Guillaume de Dam- 
pierre étoit mort depuis trois ans , lorsque Marguerite devint 
héritière de ce comté. Guillaume , son fils ai^é ^ ayant été tué 
eu laSi, ainsi qu'il est dit plus haut, ce fut Gui, son second 
fils, qui lui succéda lorsqu'elle mourut en laSo, et l'auteur 
du Couronnement en parle sous le titre de marquis de Namur, 
dont il dit que les sentimens étoient les mêmes que ceux do 
son Crère Guillaume. 



DE L'ÉDITEUR., vij 

l'époque de sa composition après le milieu du xiii* 
siècle. Ce seigneur, qui aVoit accompagné Saint- 
Louis dans sa première croisade en 1248, et qui 
avoit reçu à la journée de la Massoure , en laSo , 
plusieurs blessures dangereuses , prit congé du 
roi le lendemain de la délivrance des prisonniers 
pour revenir en France. Cependant Joinville, qui, 
toutes les fois qu'il a occasion d'en parler , le qua- 
lifie de comte de Flandre , dit que le roi le con- 
sulta encore plusieurs fois depuis cette époque. 
S'il ne revint pas en France immédiatement après 
avoir pris congé du roi , il y étoit certainement de 
retour dans le commencement de l'année i25i , 
puisque le 6 juin de cette même année , il fut tué 
dans un tournoi à Trasegnies eu Flandre '. Ce 
fait est rapporté par Fauteur du Couronnement, 
vers 78 et suivans ; il donne même à entendre que 
ce fut par trahison. 

Mais quel est l'auteur de cette pièce ? Je suis 
très porté à croire que c'est Marie de France. Elle 
a dédié ses fables à un comte Guillaume qui étoit , 
suivant elle , le plus vaillant du royaume de France ; 
car elle dit positivement qu'il en étoit *. Elle ré- 
pète dans le Couronnement les mêmes éloges de 

' Voyez y Art de vérifier les dates, article des comtes de Flandre, 
^ Marie ai num, si soi de France, 



Par amur le cnmte Willaume , 
Le plus Taillant de cest royaume , 
M'entremis de cest livre feire. 

{Épilogue de ses Fables.) 



Tiij AVERTISSEMENT 

ce comte Guillaume , qu'elle désigne plus particu-^ 
lièrement en le qualifiant de comte de Flandre, 
et Joinville ne l'appelle pas autrement, quoique- 
Marguerite sa mère vécût encore. EUle annonce sa 
mort tragique dans un tournoi , et on vient de lire 
comment cette nâort est décrite dans le Courons 
nement de Renard. Elle se nomme, il est vrai, à 
la troisième personne vers la fin de la pièce qu'elle 
termine par annoncer les fables d'Esope, et ces 
fables suivent effectivement le Couronnement dans 
le seul manuscrit qui en existe à la Bibliothèque 
du Roi , et qui est du xiii' siècle : il est remar- 
quable qu'elle s'exprime de la même manière dans 
le lai de Gugemer. D'ailleurs dans le Roman du 
Renard y Pierre de Saint-Gloud, Richard de Li* 
son , etc. , en ont fait de même , et un grand nombre 
de nos anciens trouvères ont suivi la même mé« 
thpde. * 

Dans aucune de ses pièces , Marie n'a parlé de 
sa patrie ; elle s'est contentée de dire qu elle étoit 
de France ; msds dans les nouveaux regrets qu'elle 
exprime vers la fin du Couronnement sur la mort du 
comte Guillaume, il y a quelques vers qui pour* 
roient faire présumer qu'elle étoit Flamande '. Elle 
dit au vers Sa 58 : 

Argent, pour toi pierdu avons 
No bon singnour qui tant yaloit. 

' J'ignore d*après quelle autorité il est dit , dans le tome xvf- 
de V Histoire littéraire de France, page 309 , que Marie étoit Bre- 
tonne; ce ne peut être, je crois, qu'une induction tirée de- 
ses lais y dont presque tous les sujets sont Bretons. 



DE L'ÉDITEUR. ix 

et aux vers 33o2 et suivans : 

Mors, de çou, sachîés, ne dout mie 
Que puis que ti mUns sire est mors, 
Ses nons encor n'est mie mors. 

Je n'ai rien trouvé de plus sur cette femme célèbre , 
si ce n est au vers 182., qui pourroit faire soup- 
çonner cju elle étoit mariée avec quelqu'un qui ne 
la rendoit pas heureuse : 

Et dont puis qu'il vaut mius tous mors 
I C'uns vilains njis à cui sui omors, 

Jacquemars Giclée , de Lille en Flandre , est au- 
teur de Renart le Notwel qu'il composa vers la 
fin du xiii" siècle. Je n'en ai vu que quatre manu- 
scrits dont la date est différente ; on lit celle de 1 288 
dans celui de Lancelot, n** 38; celui de La Vallière, 
n° 2736, porte la date de 1289 ; le n® 761 5 , celle 
de 1290 , et celui de Gange , n° 69, celle de 1292 : 
la musique n'a pas été notée dans le manuscrit de 
Lancelot , et dans les autres elle est différente. 

Quoiqu'à sa naissance ce poëme ait eu presque 
autant de succès que l'ancien , il ne fut jamais pu- 
blié. Jean Tenessax l'a traduit en prose dans le xv^ 
siècle , sous le titre : Le liseré de maistre Regnard et 
de dame Hersant sa femme , Iwre plaisant et face'- 
tieuxj contenant maintz propos et subtilz passages 
couvers et celiez pour moustrer les condiions et 
meurs de plusieurs estatz^ et offices, comme sera de-- 
claré^y après. Paris, Philippe Le Noir, in-4° ^n& 
date. 

Cette traduction est diviisée en deux Livres 



X AVERTISSEMENT 

comme Toriginal; le premier contient vingt-trois 
chapitres , et le second cinquante. A la suite de la 
plupart des chapitres , il en a tiré une moralité 
sous le titre d'exemple. Prosper Marchand ne con- 
noît que trois éditions de cette traduction, une 
du XV* siècle , et les deux autres du xvi*. Paquot , 
dans son Histoire littéraire des Pays-Bas y en an- 
nonce davantage; mais il paroit confondre l'ancien 
avec le nouveau Renard. 

, Les manuscrits de celui-ci sont terminés par une 
grande figure allégorique dont Prosper Marchand 
donne ainsi la description : « Geste figure dernière 
« est une grande roue maniée par fortune , sus le 
« hault de laquelle siet maître Regnard, adextré 
« d'orgueil, et asenestré de dame Guille, qui l'as- 
« surent que jamais ne cherra , ayant pour con- 
« seiller deux sortes de gens dé religion , lors fort 
<c haïs et mal-voulus , pour les entreprises qu'ils 
« faisoient sur toutes sortes d'estats. » On en veut 
là , sans doute , aux Dominicains et aux Francis- 
cains , dont les maximes et les dissensions scanda- 
lisoient dès-lors toute la chrétienté. 

Henri d'Alcmaer, qui étoit probablement de la 
ville dont il porte le nom, fut maître d'école , et 
choisi pour précepteur du duc Antoine, fils de 
ReQé II, duc de Lorraine. Il mit, vers 147O5 le 
Roman du Renard en vers basrsaxons , et en tira 
des moralités pour l'éducation de la jeunesse; 
mais son ouvrage ne fut imprimé qu'en 149S9 à 
Lubeck , in-4°^ 

Ce Roman a eu une telle réputation en AUema- 



/ 



DE L'ÉDITEUR. xj 

gne, que,. grâce à Tobligeance de M. Van-Praët, 
je pourrois en citer au moins vingt-quatre éditions 
différentes tant en prose quen vers, sans com- 
prendre le charmant poëme de Jean Wolfgang 
Goethe qui la divisé en douze chants» 

Gérard Leeu Timprima en prose flamande à 
Goude en i479i in-4° ; cinq autres éditions dans 
la même langue ont suivi celle-là. 

Guillaume Caxton le traduisit du hoUandab en 
anglais, et le mit sous presse dans l'abbaye de 
Westminster, en i48i , in-folio; et depuis cette 
première , il en parut quatre autres à Londres. 

Deux éditions ont été publiées en danois, une 
à Lubeck en 1 5 5 5 , et Tautr e à Copenhague en 1 6 5 6 , 
toutes deux in-4°* 

11 en a été donné cinq de la traduction faite 
par Hartman Schopper , dont la première fut im- 
primée à Francfort-sur-le-Mein en 1 367 , in-8**, 
et réimprimée quatre fois depuis dans la même 
ville. 

Indépendamment de ces différentes traductions^ 
la Bibliothèque du Roi possède un manuscrit 
du XIV* siècle , ayant pour titre : Dialogus Isengri^ 
num inter et Renardum versibus elegicLcis , qui qid" 
dem Dialogus satjricus Jacobo Merlandro tribuUur 
a Steph. Baluzio. Ce. dialogue renferme plusieurs 
branches du Roman du Renard, 

Une chose très remarquable sur ce Roman , c'est 
.qu'il a été traduit et imprimé dans plusieurs lan- 
gues y et qu'il n'a jamais été publié dans sa langue 
originale ; car on ne peut regarder comme des édi- 



xij AVERTISSEMENT 

tions de cet ouvrage , ce qui a été imprimé en fran- 
çais. Si on excepte les traductions du Nouveau Re- 
nardy le reste n ofiEre que des extraits fort imparfaits. 
Il existe encore à la Bibliothèque du Roi deux 
manuscrits , ayant pour titre le Renart Contrefait , 
c'est-à-dire imité. Le premier, sous le n® 7680 (4), 
fonds de La Marre , contient environ 3 2,000 vers. 
L'auteur anonyme dit qu'il s'est livré à cet ouvrage 
pour éviter l'oisiveté. Il l'a commencé en iSao ; 
s'est souvent levé du matin pour consulter les au- 
teurs tant en roman qu'en latin : aussi en cite-t-il 
beaucoup d'anciens , même la Bible , pour prou- 
ver qu'autrefois les animaux parloient. Après avoir 
rendu compte d'un conseil tenu par les animaux , 
et dans lequel Renard est d'avis que le pauvre doit 
être foulé ; l'auteur vient au roman d!Atis et Pro- 
^lias» Il dit , en parlant de la bataille de Bouvines , 
que Ferrand avoit fait voiturer des cordes pour 
lier et garrotter les Français , et qu'elles servirent 
à le lier lui-même. Après avoir rapporté l'histoire 
d'Alexandre , il donne une chronologie des empe- 
reurs , des rois de France et des papes. La dernière 
date que j'y ai trouvée est i368. 

L'autre manuscrit, dans le fonds de Lancelot, 
n° 6985 (3), est également d'un auteur anonyme qui 
étoit de Troyes. Il contient environ 19,000 vers. 
Le Grand d'Aussi en a fait un extrait assez étendu , 
qui a été imprimé dans le cinquième volume de 
la Notice des manuscrits de la Bibliothèque du RoL 
Il y a quelque ressemblance avec le précédent, A 
la page 36 , il rapporte un conseil donné par Pierre 



DE L'ÉDITEUR. xiij 

Alphonse de se méfier de ceux qu'on ne connoît 
pas. Enfin , on lit à la page 83 : 

Cellui qui ce rommant escript , 

Et qui le fist sans faire faire , 

Et sans prendre aultre exemplaire , 

Tant y pensa et jour et nuit 

En Tan mil trois cent vingt et huit y 

En ayalant y mist sa cure , 

Et continua Tescripture , 

Plus de treize ans y mist au faire 

Ainçois qu'il le péust parfaire. 

On lit dans le premier volume du Ménagiana 
larticle suivant: 

J'ai eu en communication pendant deux jours 
un roman manuscrit in-folio ancien de près de 
quatre cents ans , intitulé : Le Renard Contrefait , 
c'est-à-dire le Renard représenté^ parce que l'auteur 
y suppose que le lion , roi des animaux , les ayant 
tous mandés à sa cour, le renard s'y. rend des pre- 
miers. Que là pour se faire de fête \ après l'avoir 
entretenu de quelques moralités , il n'entreprend 
pas moins que de lui déduire ensuite l'histoire uni- 
verselle tant profane que sacrée , le tout en vers 
de quatre pieds , qui occupent les 3 1 2 premières 
pages du Livre; les 121 dernières sont en prose, 
et contiennent le reste de l'histoire depuis l'empire 
d'Auguste jusqu'à la première année du règne de 
Philippe de Valois. L'auteur , dont on ne sait pas 
le nom, s'est contenté de nous apprendre qu'il 
étoit de Troyes, qu'il a commencé son ouvrage 
en i3i9, et qu'il l'a fini en iSaS. Il se qualifie 



xiv AVERTISSEMENT 

clerc en plus dun endroit, c'est-à-dire homme 
de lettres, et non pas d*église; sur quoi il s'expli- 
que avec beaucoup de naïveté en ces termes, 
page 4S , col. 2. 

Nouvel écrit et nouvel fait 
Que cil Clerc a encores fait, 
Clerc non , car coronne n'ot point , 
Par femme perdit-il ce point : 
Le grand Diable ait de celui Tame 
Qui premier établit bigame. 
Et m*en tais, n'en puis autrement. 
Et poise moi certainement. 

Il y a nombre de traits cyniques , quelques uns 
de piquans contre les moines , des raisonnemens 
ingénieux, quoique bruts et sans ornemens : ce 
petit conte , par exemple , dont La Fontaine au- 
roit fait un chef-d'œuvre. Il se trouve pages 47 
et 48. 

Un baut bom , Cbevalier étoit , 
Qui une damoiselle amoit 
Plus assez qu'il ne fut raison. 
Ce Cbevalier fut très-laid bom , 
Laid fut de corps et de tout membre , 
Comme Tbistoire le ramembre. 
Saiges étoit parfaitement 
Fors que d'amer tant seulement. 
.La Damoiselle qu'il amoit, 
Bestiaux , sote et nicbe étoit ; 
Mais elle étoit belle à devis 
De façon, de corps et de vis. , 

Plus belle ne pourroit-on querre 
Par le pays , ne par la terre. 
Le Cbevalier veut celle avoir 
Qu'il ama plus que nul avoir, 



DE L'ÉDITEUR. xv 

Pour ce que belle lui sembla. 

Tous ses amis en assembla, 

Et leur dit ; je veuil avoir cette , 

Nulle autre femme ne me haite. 

Lors ses amis luy répondirent , 

Et tretous proprement lui dirent : 

Sire , vous savez sa manière. 

Je sais bien que belle et sote iere. 

Si TOUS dirai qu'en ayendra , 

Véoir le peut qui l'entendra : 

Pour voir, enfans aura de moi , 

Et savez-Tous que je y voi ? 

Très beaux pour cause de la mère, 

Et saiges pour cause du père , 

Si qu'ils seront e.t bel et saige, 

Avoir ne peuvent mendre usaige. 

Sur cAorts et sur cet espoir 

Veut cil la Damoiselle avoir. « 

Ensemble en mariage furent , 

Enfans eurent tels comme ils durent 

Laids et hideux de par le père , 

Sots et niches de par la mère, 

Tretout le contraire lui vint 

De ce que pour vérité tint. 

D après ce quon vient de lire, on peut conclure 
que ce dernier manuscrit contient le même roman 
que celui de Lancelot ; mais beaucoup plus étendu. 
Ménage ne donne aucun renseignement sur son 
propriétaire, de sorte quon ne sait ce quil est 
devenu. 



xvj AVERTISSEMENT 

PROVERBES QITI SE TROUVENT DANS LE ROMAN 

OU RENARD. 

39 A des«nor muert à bon droit 
Qui u*aime liyre ne ne croit. 

177 Le fei liez ne sera 

Le jor qu*autrui n*engingnera. 

i85 Envie est teUe racine 

Où touz li max prenent orine. 

783 Ce qui est fet n'est mie à fere. 

83i .... Moult a entre fere et dire. 

1 1 86 Cil qui tôt coyoite tôt pert. 

161G .... Fox ne crient tant qu'il soit pris. 

1679 N'est si sage qui ne foloit. 

ao58 Encontre yezié recuit. # 

a 160 •. . . . Cil en porte la colée 

Qui s'entremet d'autre engingnier. ^ 

2\yS .... Il est viz et mal yenuz 

Qui de riens ne se puet aidier. 

a 284 Moult vaut un poi d'afaiteroent 
Que ne fet assez vilanie 
Ne plain un y al de lécher ie. 

3714 Moult vaut hons qui set de baraz. 

4077 Entre bouche et quillier 

Ayient sovent grant enconbrier. 

4100 De pecheor miséricorde. 

4905 Besoing si fet yielle troter. 

5i5o Tant grate chievre que mal gist. 

5466 Biau chanter anuie 

Et nuit aucune foiz ensemble. 

599a .... Moult anuie qui atent. 

6070 .... Qui bien voit, et mau prent, 
S'il s'en repent , c'est à bon droit. 

61 65 .... Cil reprent la meillor voie 
Qui par autrui sens se chastoie. 



DE L'ÉDITEUR. xvii 

6485 .... En cest monde n'a si sage 
Qui à la foiz n'ant au folage. 

65i I ....... n feit malyès atendre 

En leu où l'en ne puet riens prendre. 

7121 Selon les eures et le tens 

A bien mestier folie et sens. 

7280 La maie garde pest le Leu. 

744'^ Cil dit moult bien qui set conter 
G'une foiz doit le pot verser. 

7734 Nus n'amende s'il ne mesf^it. 

8410 .... De tel seigneur tel louier. 

88a 8 ..... Grant yent chiet 9 poi de pluie. 

10456 .... A enyis ou yolentiers 

Convient au sene aler le prestre. 

ii63i .... Puis <pie hom est entrepris 
Et par force liez et pris , 
' Bien puet-1'en véoir au besoing 
Qui l'aime et qui de lui a soîng. 

ia8o4 Bien escorche qui le pié tient. 

ia853 Feme mesprent à foiée. 

i3o6o Qui merci crie |iura pardon. 

13598 De deus max prent-en le menor. 

i36o9 Fortune secort les hardiz. 

i3648 Après grant joie vient grant ire, 
Et après Noël vente bise. 

i365o Tant va pot à l'eve que brise. 

13701 James uns prodons n'ert amez, 
Li plus loiax est plus blasmez. 

i4i6o .... Tex ne pèche qui encort. 

x444a Qui mal chace , mal li avient. 

i5oo6 Poi sont de famés sanz boisdie. 
Par famé est plus noise que pais. 

i5566 Qui aise atent, aise le fuit. 

15574 Trop est cil fol qui fol afole. 

ï. b 



xviij AVERTISSEMENT 

i5594 Eschaudez eye crient. 

15730 Qui ayient nne, n*avîent seolle. 

iSqSo Un jor de respit cent sols vaut. 

iSgSs Après le doil vient la grant joie. 

x594s Vilain ment volontiers toz tens. 

16078 .... Il ne set qu*à Toil li pent. 

16260 II n'est si grans max qui n'ait , 
Ne bien qui ne nuise par eures. 

16438 Si est-il et raison et droit 

Del engigniere qu'en l'engint. 

16959 .... Qui ne trove, ne prent. 

18363 Fox est qui vers seignor estrive. 

18438 .... Tel quide son duel vengier 

Moult bien qui son anui porcbace , 
Et son domage quiert et chace. 

18455 Droiz est qui mal vieut faire autrui, 
Que-le mal s'en vaingne par lui. 

3 06 16 Tex est febles qui devient fort. 

20618 Au besoing voit-on son ami. 

20864 Tex cuide gaignier qui pert. 
Et autre enborse le gaain. 

21334 • • • • Cil n'abat pas qui ne luite. 

31975 Toz jors siet la pome el pomier. 

37783 Foux est qui croit sa foie pense , 

Moult remaint de ce que foux pense. 

37805 ..... Qui pou emprunte, pou rent. 

37819 .... Qui euvre selonc reson, 
Ne l'en puet venir se .bien non. 
Moult est fox qui meine posnée 
De chose qui li est prestée. 

37839 Ou tost ou tarty ou près ou loing 
A li fort du foible besoiog. 

27949 N'est, pas tôt or ice qui luist. 

Et tiex ne puet aidier qui nuist. 



DE L'ÉDITEUR. xix 

i 

DU COURONNEMENT. 

i58 Don fust 

Cou kint, sovent est-on batu. 

177 Ja nus ne baera à chose 

Qu'il n'i vigne cornent qu'il chose. 

377 .... Fox est cil qui bien esta , 
S'il se remue et il Ions va 
Seur espérance d'ayoir mieus. 

399 .... Teus cuit iestre moult sénés 
Qui tost se croke sor le nés.' 

4o5 D'escoufle puet-on bien savoir 
Que hairon n'en puet-on avoir. 

1288 Teus au main sue 

Qui à vîespre a froit. 

j354 Mius vaut engins que ne fait forche. 

a3ai .... Se barbes le sens en usent, 

Bouch et chèvres moult sage fusent. 

3i65 L'oume qui dou Renart ne seit. 

Ne doit-on tenir à seneit. 
3i83 .... Il est voirs que mius moult vaut 

Uns mors cortois c'uns vilains vis. 

DU RENART LE NOUVEL, 

I Ki le bien set , dire le doit. 

680 En poi d'eure à home mesciet. 

807 Par traiteur sont decéu 
Maint preudomme. 

io34 • • • . Mauvaise haste n'est preus. 

1840 De privé laron 

Se puet nus à paines gaitier. 

aoo5 Par mauvais consel mains hosteus 

Est hounis. 
s 008 Onques ne fai ton conseillier 

D'orne ki ne soit de boin non. 



XX . AVERTISSEMENT , etc. 

30x8 Nus n'est sour qui on ne mesdie. 

1035 Ne puet durer 

Larges cuers por riens à Tayer. 

2087 Kiconques fait dou sierf signor. 

Lui et son règne en grant dolour 

Met. 
ao43 Pas ne folie 

Hom ki par autrui se castie. 

Sires ki mauvais conseil croit, 

Lui méismes ayant déçoit. 
ao49 Onques princes escars n'ayers 

A bien ne yient. 
3391 Sages est ki fait de son tort 

Son droit. 
3870 .... On dist souvent que grans pais 

Gist en bien grant gerre à le fie. 
3797 Ausi grant cop fiert uns yilains 

C'uns qnens fait, u c*uns castelains. 

3s53 Cascuns ne set c'a l'oel li peut. 
3537 .... On dit qui a mal yoisin 
Que il a souvent mal matin. 

3750 .... On voit souvent avenir 

Ke teus kiet souvent entre pies 
Ki puis vient deseure tous liés. 

3913 Teus est tous haitiés au jor d'ui , 

Espoir ne vivera demain. 
4539 Se cascuns punis 

Estoit de ses meffais, avis 

M'est qu'il n'est nus, ne haus, ne bas , 

Ki bien ne péust dire hélas ! 

* 5s3o Je di que souvent de ses droits 
Retolt norreture è^ nature. 

5478 Vivre ù monde n'est mie fieste. 

5895 . . . . Li mors prent tout à son kius , 
Sitost les joueiies com les vins. 

6344 Mauvais fait croire quanc'on ot. 

65i4 II s'essauce ki s'umelie. 



ROMAN 



€'tet la brancl)^ îr^ Eenart tt Vt)fi^tnffcxn ctm il 

xmxetA ie la mer* 

Seigwor , oï avez maint conte 
Que maint conteres vos aconte , 
Coment Paris ravi Helayne , 
Les max qu'il en ot et la paine , 
De Tristram qui la chievre fist ' , 
Qui assez bêlement en dist 
Et fables et chançons de gestes : 
Romanz du leu et de la beste 
Maint autre conte par la terre ; 
lo Mais onques n'oïstes la guerre 
Qui tant fu dure de grant fin 
Entre Renart et Ysengrin , 
^ Qui moult dura et moult fu dure. 
Des deus barons ce est la pure , 
Onques ne s'entr àmerent jor , 
Mainte mellée et maint estor 

' Episode du Roman d^ Tristan, sur lequel Marie de France 
a fait un lai. 

I. r I 



ROMAN 

Ot entr'aus deus , ce est la voire : 
Dès or comencerai l'estoire 
Et de la noise et del content. 

20 Or orrez le commencement 

Par qoi et par quel mesestance 
Fu entre eus deus la deffiance. 
Or oez , si ne vos anuit , 
Je vos conteré par déduit 
Conment il vindrent en avant, 
Si con je l'ai trové lisant , 
Qui fu Renart et Ysengrin. 
Je trovai jà en un escrin 
Un livre , Aucupre avoit à non : 

3o Là trovai-je mainte reson 

Et de Renart et d'autre chose 
Dont l'en doit bien parler et ose. 
A une grant letre vermoille 
Là trovai-je mainte mervoille ; 
Se je ne la trovasse el livre , 
Je tenisse celui por yvre 
Qui dite éust tele aventure; 
Mes Ten doit croire l'escripture. 
A desenor muert à bon droit 

/io Qui n'aime livre ne ne croit. 
Aucupre dist en celé letre 
( Bien ait de Diex qui li fist mètre ! ) 
Come Diex ot de paradis 
Et Adam et Evain fors mis 



DU RENART. 

Por ce qu'il orent trespassé 
Ce qu'il lor avoit conmandé. 
Piliez l'emprist, si lor dona 
Une verge , si lor mostra 
Qant il de riens mestier auroient , 

5o De cete verge en mer ferroient. 
Adam tint la verge en sa main , 
En mer feri devant Evain : 
Sitost con en la mer feri , 
Une brebiz fors en sailli. 
Lors dist Adam, dame, prenez 
Geste brebiz , si la gardez ; 
Tant nos donra let et fromage , 
Assez i aurons compenage. 
Evain en son cuer porpensoit 

60 Que s'ele encor une en avoit, 
Plus belle estroit la conpaignie. 
Ele a la verge tost saisie , 
En la mer feri roidement : 
Un Leus en saut, la brebiz prent, 
Grant aléure et granz galos 
S'en va li Leus fuiant au bos. 
Qant Eve vit qu'ele a perdue 
Sa brebiz , s'ele n'a aïue , 
Bret et crie forment , ha ! ha ! 

70 Adam la verge reprise a, 

En la mer Sert par mautaLent , 
Un chien en saut hastivement. 



ROMAN 

Quant vit le Leu , si lesse corre 

Por la brebiz qu'il velt rescorre. 

H li resquest : moult à enviz 

L'a laissé li Leus la brebiz ; 

Si feroit-il encor demain 

S'il la tenoit n'a bois n'a plain, 

Por ce que mesfet ot li Leus , 
80 Au bois s'en foui tôt Iionteus. 

Quant Adam ot son chien et sa bestc , 

Si en ot grant joie et grant feste. 

Selonc la sentence del livre 

Ces deus bestes ne puent vivre 

Ne durer mie longement, 

S'eles n'estoient avec gent. 

Ne savez beste porpenser 

Miex ne s'en puisse consiévrer. 

Toutes les foiz c'Adam feri 
90 En la mer, que beste en issi, 

Celé beste si retenoient , 

Quele que fust, et aprivoient. 

Celés que Eve en fist issir, 

Ne pot-il onques retenir ; 

Sitost con de la mer issoient, 

Après le Leu au bois aloient. 

Les Evain asauvagisoient , 

Et les Adam aprivoisoient. 

Entre les autres en issi 
100 Le Gorpil , si asauvagi : 



DU RENART. 

Rous ot le poil conme Renart , 
Moult par fu cointes et gaingnart : 
Par son sens toutes decevoit 
Les bestes qanqu'il en trovoit. 
Icil Gorpil nos senefie 
Renart qui tant sot de mestrie : 
Tôt cil qui sont d'engin et d'art 
Sont mes tuit apelé Renart. 
Por Renart et por le Gorpil 

iio Moult par sorent et cil et cil. 
Se Renart set gens concilier ; 
Le Gorpil bestes engingnier. 
Moult par furent bien d'un lignage 
Et d'unes meurs et d'un corage. 
Tôt ensement de l'autre part 
Ysengrin li oncles Renart, 
Fu , ce sachiez , moult fort roberre , 
Et par nuit et par jour fort lerre. 
Icelui Leu senefia , 

1 20 Qui les berbiz Adam roba , 
Tôt cil qui sorent bien rober, 
Et par nuit et par jor embler , 
Sont bien à droit dit Ysengrin. 
Cist furent bien endui d'un lin , 
Et d'un pansé et d'un corage , 
Larron furent tuit d'un aage , 
Et Ysengrin apele-l'on 
Le Leu par iceste acoison. 



ROMAN 

Dame Hersent resenefie 

i3o La Louve qui si est haïe, 

Que si par est aigre d'anbler, 

Bien puet celé Hersent senbler. 

Celé Hersent la lentilleuse, 

Qui famé ert Ysengrin espeuse , 

La Gorpille le senefîe , 

Car moult set d art et de murtrie ; 

Se Tune iert mestre abaeresse , 

Et l'autre mestre lecharesse , 

Moult furent bien les deux d'un cuer, 

140 L'une fu l'autre. '. . . . suer 
Por Richout la famé Renart 
Por le grant engin et por l'art 
Est la Gorpille Richeut dite , 
Se l'une est chate , l'autre est mite. 
Moult a ci bone conpaignie , 
Et l'une et l'autre senefie. 
Gist quatre furent bien asanblé , 
Cinz ne furent mes tel trové. 
Se Ysengrin est mestre lerre , 

i5o Ausi est li rous forz roberre : 
Si Richeuz est abaiaresse , 
La Gorpille est fort lecharesse, 
Por ce qu'erent si d'un train , 
Estoit Renart niés Ysengrin; 

' Il y a ici un mot illisible. 



DU RENART. 

Por ce que si bien s'entr'amoient 
Et qu'ansanble sovent aloient , 
Li Leus dou Gorpil fait neveu , 
Et li Gorpiz oncles doii Leu. 
Si faitement con je vos di , 

160 Sont entre eus parent et ami ; 
Ne s'apartienent autrement 
Se mes bons livres ne me ment , 
Por ce que le Gorpil disoit , 
Qant il avec le Leu aloit , 
Biaus oncles , que volez- vos fere ? 
Le voloit à s'amor atrere. 
Li Leus disoit par amor fine 
Au Gorpil vers qui n'ot haine , 
Par amitié s'entr'apeloient 

170 Oncle et neveu qant se véoient. 

A Renart puet-Fen bien aprendre 
Grant sens qui bien i velt entendre : 
Car cil Renart nos senefie 
Cens qui sont plain de félonie , 
Qui ne finent del agaitier 
Con puissent autrui engingnier ; 
Ne jà le fel liez ne sera 
Le jor q'autrui n'engingnera. 
Al engingnier li sont onni 

180 Privé , ou estrange ou ami : 
Jà un sol n'en espargnera , 
Jà si chier ami ne sera ^ 



8 ROMAN 

Et avec celé félonie 

A-il le cuer toi plain d'envie , 

Et envie est tele racine 

Où touz li max prenent orine. 

Avec félonie et envie 

Escharsetez est lor amie, 

Et escharsetez est tel chose 

190 Que toz tens a la borse close. 
Escharsetez est une vice 
Qui forment aime avarice : 
Avarice a le mont sorpris , 
Cil est clamez dolent , chaitis , 
Ne rente n'a , se il n'usure. 
Or ai parlé outre mesure , 
Que cil qui les granz rentes ont , 
Ce sont cil qui grant mal en font ; 
Moult en puet-l'en vilment parler, 

aoo Mes je n'ai soing de plus conter. 
Une riens vos voil acointier, 
Ne vos devez esmerveillier 
Se j'ai mis en cëst mien traitié 
Que de Renart ai coramencié , 
Si con l'en parole d'autrui , 
Con vos porroiz oïr encui 
De dant Renart et d'Ysengrin , 
Car ce content nostre voisin 
Que une anesse parla jà 

aïo Que un prophète chevaucha ; 



DU RENART. 

Balaam Toi apeler, 
Por ce le sai ici nomer. 
Bellaac un roi l'ot mené , 
Tant li ont pramis et doné 
Par mautalent et par grant ire , 
Tout le pueple Israël maudire. 
Nostre sire nel' volt soufrir. 
Son ange fist devant venir, 
A une bien tranchant espée 

aao La voie a à celui véée. 

Cil point lasne del aguillon 
Par derrière sor le crespon , 
Des espérons le destraingnoit , 
Et du chevestre le feroit. 
L'asne n^osoit avant aler, 
Par force le covint parler, 
Et Diex le volt qu'ele parla , 
Et le Profête raconta : 
Diva ! fait-il , lesse m'ester , 

a3o Diex^ne me lesse avant aler. 
Cil DicK si li vient à plaisir, 
Puet encore bien consentir 
A parler les bestes sauvages , 
Et les usuriers fere larges. 

Or avez bien oï atant 
Conment il sont venu avant 
Renart et Ysengrin li Leus ,, 
Or redevez oïr des deus , 



ROMAN 
Si vos conteré de lor vie 
Ce que j'en sai une partie. 

Toz malades ptaïn de raoncle 
Vint Renart un jor à son oncle : 
Dist Ysengrin , biaus niés , q'as-tu ? 
Moult te voi ore confondu. 
Ce dist Renart , malades sui. 
Voire , biau niez , menjas-tu hui ? 
Nenil , sire , ne n'ai talent. 
Levez-vos sus , dame Hersent , 
Fêtes li un petit de haste 
De deus roignons et d'une rate. 
Renart se séoit toz enbrons , 
Pensoit qu'il éust fet bacons : 
Un petitet leva la teste , 
Troi bacons vil pendre à la Teste ; 
En sorriant as bacons dist , 
Moult par est fox qui là vos niist. 
Haï ! biax oncles Vsengrin , 
Jà sont-il tant malvez voisin , 
Tiex puet là voz bacons véoir 
Qui en voudra sa part avoir. 
Isnelement les despendez , 
Dites qu'en les vos a emblez, 
Dist Ysengrin, n'en goustera 
Tiex , con je cuit , qui les verra , 
Dont conmença Renart à rire. 
Nel' porrez , dist-il , cscondire , 



DU RENART. ii 

Tiex hons vos en porroit rover. 

Dist Ysengrin , lessiez ester, 

Je n'ai frère , neveu ne nièce 
270 A qui j'en douasse une pièce ; 

Por lui le dist et por son père ^ 

Et por sa famé et por sa mère. 
Ne demora mie granment 

Que Renart vînt tôt coiement 

En sa meson qant il dormi , 

Tout coiement la descovri 

Par tel vertu i seut ses cors , 

Les trois bacons en sacha fors ; 

En sa meson les enporta , 
a8o Et par pièces les despeça, 

En son lit les mist en l'estrain. 

Ysengrin est levez par main, 

Il vit sa meson descoverte 

Et de ses troi bacons la perte : 

Ahi ! dist-il , dame Hersent , 

Gonchié somes laidement. 

Ele saut sus conme desvée 

Toute nue et esçhevelée ; 

Diex! dist-ele, qui a ce fait? 
290 Ci a estout , domage et lait. 

Ne le sevent sor qui souchier, 

N'a entre eus deus que corocier. 

Conme ce vint après mengier, 

Renart s'en vint esbanoier 



la ROMAN 

En la meson moult liéement, 
Son oncle trove moult dolent. 
Oncles, dist-il, que avez-vos? 
Pensis vos voi et corouços. 
Biaus niez , dist-il , bien sai de qoi , 

3oo Perdu sont mi bacon tuit troi , 
S'en ai au cuer dolor et ire. 
Oncle , dist-il , or devez dire , 
Se vos dites aval la rue , 
Que celé char aiez perdue , 
Fuis ne vos en rovera mie 
Parent , ne ami , ne amie. 
Biax niez , fet-il , por voir te di , 
Perdu les ai , ce poise mi. 
Renart respont , ainz n'oï tâl , 

3 10 Tiez se plaint n'a mie de mal : 
Bien sai qu'en sauf les avez mis 
Por voz parenz, por voz amis. 
Diva ! fet-il , es-tu gabere , 
Foi que tu doi l'ame ton père , 
Et ne croiz-tu ce que je di ? 
Toz tens dites , dist Renart , si. 
Renart , or dist dame Hersens , 
Je cuit vos estes fors du sens ; 
Se nos nés eussions perduz , 

320 Jà escondit n'en fust renduz. 
Dame, dist-il, je le sai bien 
Que moult savez d'art et d'engien ; 



DU RENART. i3 

Nequedent tant i a de perte y 

Yo meson avez desco verte , 

Or dites par là en sont tret. 

Par Dieu , Renart , si sont-il fet. 

Renart respont, ce devez dire. 

Renart , n'en ai talent de rire ; 

Ce poise moi qu'il sont perdu , 
33o Grant domage i avon eu. 

Atant s'en va Renart joianz , 

Et cil remestrent tuit dolenz : 

Ce fu des enfances Renart. 

Tant aprist puis d'engin et d'art , 

Que il en fîst puis maint anui 

Et à son oncle et à autrui. 
Cil plet fil atant definez , 

Et Renart s'est acheminez , 

Et s'en vet par le bois fendant ; 
340 Par une roche en un pendant 

S'en vet Renart les saus menuz , 

Ses amis a bien confonduz, 

Car bien est des bacons délivre. 

Fuiant s'en vet tôt à délivre , 

One ne fina et tant s'esgaie , 

Qu'il s'enbati en une haie 

Par desus une fosse oscure. 

Là il avint une aventure 

De qoi il li anuie et poise , 
35o Qar par ce conmença la noise 



i/i ROMAN 

Par mal pechié et par déable 
Vers Ysengrin le conestable. 
Qant il vit la cavée roche , 
Ne set que est , avant s'aproche 
Et por enquerre et por savoir 
Où il péust repos avoir. 
Ainz n'en sot mot que il s'avale , 
Qu'il se trova enmi la sale 
Dant Ysengrin son bon ami. ' 

36o Quatre Loviax gisent enmi 
Et ma dame Hersent la Love 
Qui ses loviax norrist et cove. 
Novelement est acouchie , 
A chascun donoit sa bouchie, 
Mes n'avoit pas son chief covert. 
Garda , si vit l'uis entr'overt , 
Et la clarté qui trop li griéve ; 
Por regarder sa tête liéve 
Por savoir qui là ert venuz. 

370 Renart fu grelles et menuz, 
Muciez estoit derier la porte : 
Mes Hersent qui moult s'en conforte , 
Le conut bien à la pel rouse , 
Ne pot muer que ne s'escouse , 
Si li a dit tout en riant , 
Renart , qu'alez vos espiant ? 

* Àl. Son ennemi. 



DU RENART. i5 

Qant Renart sot qu'il ert véuz 

Et qu'il estoit aparcéuz , 

Adont fu-il toz desconfiz , 
38o De honte avoir est-il toz fiz ; 

N'ose mot dire tant se doute , 

Que laienz ne véoit^l'en goûte. ' 

Hersent saut sus, lieve son chief , 

Si le rapele de rechief , 

Et aceue à son grelle doit , 

Renart, renart, ce que ce doit, 

Que soiez fel et deputaire , 

One ne me vosistes bien faire , 

Ne ne venistes là où g'iere , 
3go Je ne sai riens de tel conpere 

Qui sa conmere ne revide. 

Renart a grant péor et hide , 

Ne puet muer ne li responde. 

Dame , fet-il , Dex me confonde , 

S'onques ppr mal ne por haine 

Ai eschivé vostre gesine , 

Ainz i venisse volen tiers ; 

Mes qant je voi par ces sentiers , 

Si m'espie dant Ysengrins 
400 Et par voies et par chemins , 

Por ce si ne sai que je face , 

Tant con vostre sires me hace : 

• AL Qar Yseogrin*ne Taîme goûte. 



»6 ROMAN 

Moult fet grant pechié qui me het , 
Mes li miens cors ait mal dahet 
S'onques li fis chose nis une 
Dont me déust porter rancune : 
Por ce n'os vers vos reperier, 
Si m'en puis moult forment irier. 
Je vos ains , dist-il , par amors , 

410 Si en a fait maintes clamors 
Par ceste terre à ses amis , 
Et si lor a avoir pramis 
Por moi fere laidure et honte. 
Mes dites moi , à moi que monte 
De vos requerre tel folie ? 
Certes je nel' feroie mie , 
Ne tel parole n'est pas bêle. 
Qant Hersent entent la novele , 
De mautalent tressue et art : 

420 Conment, fet-el , sire Renart , 
En est dont parole tenue ? 
Gestes mar i fui mescréue. 
Tel cuide sa honte vengier 
Qui porchace son enconbrier. 
Ne m'est or pas honte nel' die , 
Ainz mes ne pensai vilanie ; 
Mes por ce qu'il s'en est clamez , 
Voil-ge certes que vos m'amez , 
Si revenez sovent à mi , 

43o Et je vos tendrai por ami. 



DU RENART. i 

Âcolez moi, si me besiez , 
Or en estes bien éésiei , 
Ci na qui encuso* nos doie. 
Renaît en demaine gnnt jme 
Et vient avant, si la besîe. 
Hersent a la coisse hancie 
A qui moult {ilesmt cel ator. 
Puis s'est mis Renart d retor 
Qui n'a cure de cel bargaigne , 
A 40 Qu'il crient que Ysengrin ne viengne; 
Mes neporqant ainz qu'il s'en isse 
Vient as loviaus, si les con|HSse 
Si con il ierent arengié : 
Si a tout pris et tôt mengié , 
Et fors gité ce qu il i trueve , 
Tote la viez char et la nueve , 
S'es a de lor liz abatuz 
Et laidengiez et bien batuz 
Autresi con s'il fust lor mestres , 
45o S'es a clamez avostre et questres 
Privéement conme celui 
Qui ne se doute de nului , 
Fors que dame Hersent s'amie 
Qui ne l'en descoverra mie. 
Les Loviax a lessiez plorant. 
Dame Hersent lor vint devant , 
Si les a blandiz et proiez : 
Enfanz , dist-ele , ne soiez 
I. 2 



iS ROMAN 

En vostre cuer si fel ne sot 
460 Que vostre père en sache mot, 
Ne j à ne li soit connéu 
Q'aiez eéenz Renart véu. 
Qoi , déable ! nos cèlerons 
Renart le rous que tant haons 
De mort , qu'avez d recéu , 
Et nostre père decéu 
Qui en vos avoit sa fiance ! 
Jà , se Dieu plest , tele viltance 
Dont nos somes si laidengié 
470 Ne remaindra ne soit vengié. 
Renart les oï gorgocier 
Et vers lor mère corecier, 
Si s'est tantost mis à la voie 
Le col bessié que nus nel' voie , 
Si va porchacier son afere. 
A tant este-vos que repère 
Dant Ysengrin à sa raesnie 
Qui soz la roche est entesnie. 
Tant a coru et porchacié , 
480 Et tant porquis et tant tracié , 
Que toz est chargiez de vitaille. 
D'autrui domage ne li chaille , 
Si a trovée sa mesniée 
Que Renart ot estoutoiée. 
Si fil se sont à lui clamé 
Que batuz sont et afamé , 



DU RENART. 19 

Et eompissiez et traînez 

Et iaideTigiez et puis clamez 

Fil à putain , bastart , avoùtre , 
490 Et encore dist-il tôt outre 

Certes que vos estiez cous. 

Lors s'est Ysangrin tfire estous 

Qant de sa famé 01 le blasme ; 

A bien petit qu'il ne se pasme , 

Il uUe et bret come desvez. 

Hersent , or sui-je malmenez ; 
* Pute orde vis , pute mauvese , 

Je vos ai nôrrie à grant aise 

Et bien gardée et bien péue , 
5oo Et un autre vos a croissue. 

Moult est tes corages muanz 

Qant Renart cil rons , cil puanz , 

Cil viz lecbierres , cil garçons 

Vos monta Onques es arçons. 

Par les iaus Dieu mar i fui cous , 

Honi m'avez tout à estrous ; 

James ne gerrez à ma coste 

Qdnt recéu avez tel oste , 

Se ne faites tôt mon voloir. 
5io Jà se péust Hersent doloir 

Se ne Téust acréanté 

Tôt son bon et sa volenté. 

Sire, fait-ele, vos diroiz 

Corociez estes , n'est pas droiz 



22 ROMAN 

Qant vit Dame Hersept s'anoie 
Qui vers lui vint si enbramie , 
Et de lui nVil mie garde; 
Là fist Hersent que trop musarde. 
Après Renart eu la fosse entre 
De plain eslais de ci au ventre, 
Li chastiaus estoit auques fort , 
Et Hersent par si grant effort 
Se feri dedenz la taisniere 

58o Que ne se pot retraire arrière. 

Qant Renart vit que ele est prise , 
Ne volt laissier à nule guise 
Que il ne voille à lui gésir, 
Et faire de lui son plaisir. 
Par un poi que Hersent ne crieve , 
Que la fouse et Renart li grieve . 
La fosse de desus l'estraint , 
Et Renart qui dedenz l'enpaint. 
Il n'est ileuc qui la resqeue, 

590 Mes que seulement de sa qeue 
Que ele estraint si vers les rains 
Que des deus pertuis daarains 
N'en per); un defors ne dedenz. 
Et Renart prist la qeue as denz 
Et li reverse sor la crope, 
Et les deus pertuis li cstope, 
Puis li saut sus liez et joianz y 
Si li fait tôt ses iauz véapz , 



DU E£NART. a3 

Ou bien li poist, ou il Ti plaise, 
600 Tout à laisir et à grant aise. 

Ele dist que qu'il la croissoit , 

Renart, c'est force, et force soit. 

Sire Renart tel li redone 

Que toute la fosse en estone. 

Ainz que la chose soit fenie, 

Li dist Renart par félonie, 

Dame Hersent, vos disiez 

Quç jk ne m'en prieriez, 

Et quejamès nel' vos feroie 
610 Par seul itant que m'en ventoie. 

Jà voir ne m'en escondirai , 

Se jel' fis , encor le ferai ; 

Fis et ferai , dis et redis 

Plus de sept Ibiz , voire de dis , 

Et l'afaire ont recommencie 

Ainz qu'il énssent partancie. 

Ez-vos poignant parmi les broces 

Ysengrin qui s'enbat as noees : 

Ne se pot mie tant tenir 
620 Que il poïst à aus venir 9 

Ainz s^'escria moult hautement , 

Ahi ! Aenart, pr bêlement, 

Par les Sa^nz Die,i;i m^r l'a^ausites. 

Repart fa r^muenz et yites, 

S^ li a dit tpt en alant, 

Sire Y^ongrin^ cest .mai^alant 



24 ROMAN 

Ai-ge conquis par biau servise, 
Véez con Hersent est ci prise ; 
Se je l'aîde à desserrer 
63o Et dou pertuis à destouper , 
Por ce si estes esfraez. 
Por Dieu, biau sire, nel' créez 
Que nule riens i aie faites, 
Ne dras levez ne braies traites , 
Ains par cest cors ne par ceste ame 
Ne forfis riens à vostre famé , 
Et por moi et por lui desfandre 
Tôt par là où le vodrez prendre. 
Un sairement vos aramis 
640 Au los de voz meillors amis. 
Sairement! traîtres provez. 
Voir por noient l'escondirez 
N'i controverez jà mançonge , 
Ne vaine parole , ne songe , 
N'i convient nule coverture, 
Tote est aperte l'aventure. 
Avoi, ce dist Renart, biau sire, 
Vos porriez assez miaux dire : 
Ice maintenir ne devez. 
65o Comment ai-ge les iauz crevez ? 
Quidiez que je ne voie goûte? 
En quel lieu enpaint-1'en et boute 
Chose que l'en veut à soi traire 
Come je vos vi Hersent faire ? 



' \ 



DU RENÂRT. 2i 

Par Dieu, sire, ce dist Renart, 

Vos savez bien engin et art ; 

Si vaut à la chose bornir ' . 

C'on ne puet par force fornir. 

Ma Dame est prise en celé fouse 
660 Qui moult est voir espese et grouse ; 

En nul sens traire ne l'en puis 

A reculons par cest pertuis. 

Ele i est jusqu'au ventre entrée, 

Et la fosse a petite entrée , 

Mes elle est de lonc auques graindre , 

Por ce la voloie enz enpaindre. 

Por noient à moi la sachasse, 

Que j'oi l'autrier la jambe qasse. 

Or en avez oï la voire , 
670 Si m'en devez à itant croire. 

Se vos controyer ne volez 

Achoison si com vos solez. 

Et qant la Dame ert de ci traite , 

Je ne cuit clamors en soit faite , 

Ne jà, s'ele ne velt mentir, . 

Ne l'en orrez un mot tentir. 

A icest mot s'est entesniez 

Qant assez se fîi deresniez. 

Ysengrîn fu de l'autre part, 
680 Si voit Renart qui prent et part, 

' AL Si yaut à chose mainburnir. 



a6 KOBfAN 

Qui Ta hom ses eulz voiaat , 
Puis si le gabe et va moqaut. 
Mes il n'a or soiag de plaidier, 
Aioz se redresce por aidier 
Sa £uile qui va maie voue ; 
Si l'a saisie par la quoue. 
De tel vertu à soi la tire 
Que Hersent est eu tel martire. 
Que il li covint par angoisse 

690 Que le pertuis derrière croisse. 
Ysengrin voit qu'elle se vuide. 
Or l'aura-il si con il cuide. 
Un petitet s'est tret arrière , 
Il voit qu'ele est en la chariere, 
Si s'est un petit alaschie. 
Hersent ne pot estre sachie ; 
S'il ne la tret, il^est dolenz. 
Il n'est pas pereceus ne lenz, 
As ongles s'est pris et si grate, 

700 Tret la terre fors à la pâte; 
Grate de là , et puis deçà , 
Déables l'auront s'il ne l'a. 
Qant il en a assez oste 
Et sus et jus et au costé, 
Vint à Hersent , si la soufache , 
Et qant il la trove un peu lasche, 
Empaint et tire et sache et boute, 
A poi la qeue ne ront toute , 



DU RENART. 27 

Mè$ ele çstoît l>ien atachie. 

710 Tapt l'a emp^iote et fors saehie, 
Que merci Di^u bien s'est tenue 
Tant que Hersept est fors issi^e. 
Traite l'en^ à moult grant peine, 
A poi que ne U faut l'alaine. 
Il voit Renart qui poi le doute, 
C^r il s'est mis dedenz sa croûte. 
Quant Ysengrin la vit délivre , 
Haï ! fet'il , piUe ordc vivre , 
Pute serpent, pute coleuvre, 

720 Bien ai véue toute l'uevre; 
Bien me set Renart acupir , 
Je le vis sor voz rains gésir, 
Ne vos en povez escondire. 
Par poi Hersent n'enrage d'ire 
Por Ysengrin qui si la chose ; 
Mes nequedent toute la chose 
De chief en autre li raconte , 
Sire, il est voir qu'il m'a fet honte, 
Mes n'i ai mie tant meffet 

730 Endroit ce que force m'a fet : 
Lessiez ester tôt cest contrere , 
Ce qui est fet n'est mie à fere. 
C'est outré , à, el entendez , 
Jà cest meffet n'ert amendez 
Par chose que nos en dion. 
A la Gort Noble le Lion 



a8 ROMAN 

Tient-on les plès et les oiances 
De mortiez guerres et de tences y 
Là nos irons de lui clamer , 
740 Bientost le porrez amender, 
Se ce puet estre à Gort porté. 
Gest mot a tôt reconforté 
Dant Ysengrin le corrocié. 
Certes , fet-ii , ai trop groucié , 
Moult iere fox et poi savoie, 
Mes cest conseus m'a mis à voie : 
Mar vit Renart son grant desroi 
Sel' puis tenir à Gort de Roi. 



DU RENART. 



Si cmvxe IXetmt mm\a ie ])0i^n am 

c^atrttievB. 

Seigivor , ce fu en cel termine 
75o Que li doz tens d'esté define 
Et yver revient en saison , 
Que Renart fu en sa maison. 
Sa garison a despendue , 
Ce fu mortel desconvenue : 
N'ot que doner ne que despendre , 
Ne ses detes ne pooit rendi*e ; 
N'a que vendre ne qu'acheter, 
Ne s'a de coi reconforter. 
Par besoing s'est mis à la voie , 
760 Tôt coiement que nus nel' voie 
S'en vet parmi une jonchiere 
Entre le bois et la rivière. 
A tant fet et tant a erré , 
Qu'il entre en un chemin ferré : 
£1 chemin se croupi Renarz, 
Si coloie de toutçs parz ; 
Ne set sa garison où querre , 
Et la fain li fet sovent guerre, 
Ne set que.fere, si s'esmaie. 
770 Lors s'est couchiez lez une haie, 



^9 



3o ROMAN 

Uec atendra aventure. 
Atant ez-vos grant aléure 
Marchéanz qui poisson menoient, 
Et qui de vers la mer venoîent. 
Harenz frès orent à plenté, 
Que bise avoit auques venté 
Trestoute la semaine entière; 
Et bons poissons d'autre manière 
Orent assez granz et petiz 

780 Dont lor paniers furent garniz. 
Que de lamproies et d'anguilles 
Qu'il orent acheté as villes 
Bien fu chargie la charrete. 
Et Renart qui le siècle abete, 
Fu bien loing d'eus près d'une archie , 
Qant vit la charrete chargie 
Et d'anguilles et de lamproies. 
Fichant musant parmi ces voies 
Cort an devant por els deçoivre, 

790 Ainz ne* s'en porent aparçoivre. 
Lors s'est couchiez enmi la voie ; 
Or oez conment les desvoie. 
En un gason s'est ventrilliez, 
Et conme mort apareilliez 
Renart qui tôt le monde engingne , 
Les eulz clôt et les denz rechingne , 
Si tenoit s'alaine en prison. 
Orstes mes tel traïson ! 



DU RENART. 3i 

llleques est f emèâ gesanz. 

800 Atant es-Tos les marchéanz , 
De ce ne se prenoient garde. 
Le premier le yit , si l'esgarde , 
Si apela son compaignon , 
Vez là ou.Gorpil ou Tesson. 
Li uns le "voit, si s'escria, 
C'est un Gorpil , va , sel' pren , va , 
Filz à putain , gart ne t'escliat. 
Or saura-il trop de barat 
Renart s'il ne Icsse l'escorce. 

810 Lî marchéant d'aler s'esforce, 
'El ses conpains venoit après. 
Qant il furent de Renart près , 
Le Gorpil trovent enversé , 
De toutes parz l'ont reversé, 
Pincent le col et puis la coste , 
Il n'ont pas péor de tel oste. 
lii uns a dit, quatre sols vaut, 
Li autre a dit, assez plus vaut, 
Ainz valt cinc sols à bon marchié. 

820 Ne somes mie trop chargié , 
Jetons le en nostre charete; 
Vez con la gorge a blanche et nete. 

A cest mot se sont avancié. 
En la charete l'ont chargié, 
Et puis se sont mis à la voie. 
Li uns à l'autre en fait grant joie 



32 ROMAN 

Et dient ja n*en feront el , 
Mes enquenuit à lor ostel 
Li reverseront la gonele. 

83o Or ont-il auques la fa vêle. 

Mes Renartiu'en fet que sourire, 
Que moult a entre fere et dire. 
Sor les paniers se gist adenz 
Si en a un overt as denz , 
Et si en a, bien le sachiez, 
Plus de trente harenz sachiez. 
Auques fu vuidiez li paniers, 
Qu il en menja moult volentiers. 
Onques n'i quist ne sel ne sauge, 

S/|0 Encor ançois que il s'en auge 
Getera-il son ameçon , 
Il n'en ert mie en soupeçon. 
L'autre panier a asailli, 
Son groig i mist , n'a pas failli 
Qu'il n'en traisist fors des anguiles. 
Renart qui sot de tantes guiles , 
Troi hardiaus mist entor son col , 
De ce ne fist-il pas que fol. 
Son col et sa teste passe outre , 
85o Les hardeilions moult bien acoutre 
Desor son dos que bien s'en cuevre 
Dès or puet-il bien lessier trêve. 
Or li estuet enging porquerre 
Conment il vendra jus à terre; 



DU RENART. 33 

N'i trove planche ne degré. 

Agenoilliez s'est tôt de gré 

Por esgarder à son plaisir 

Conment il puisse jus saillir : 

Lors s'est un petit avanciez , 
860 Des piez devant s'estoit lanciez 

De la charete enmi la voie , 

Entor son col porte sa proie. 
Après qant il ot fet son saut , 

As marchéanz dist , Diex vos saut ; 

Cil hardel d'anguilles sont nostre, 

Et li remanant si est vostre. 

Et qant li marchéant l'oïrent, 

A merveilles s'en esbaïrent, 

Si escrient, vez le GorpiL 
870 Cil saillirent au charretil 

Où il cuiderent Renart prendre, 

Mes il ne volt pas tant atendre. 

Li premier dist, qant ce regarde, 

Si m'aïst Diex, mauvese garde 

En avomes pris, ce me semble. 

Tuit fièrent lor paumes ensemble. 

Las! dist li uns , con grant domage 

Avons eu par nostré outrage ! 

Moult estion fol et musart 
880 Trestuit qui créion Renart. 

Les paniers a bien soufaichiez. 

Si les a auques alegiez , 

3 



I. 



3', KOMAN 

Que deus granz anguilles enporte : 
La maie passion le torde ! 

Ha ! font li marchéant , Renart , 
Moult par estes de maie part : 
Mau bien vos puissent-eles fere! 
Et Renart lor prist à retrere , 
Vos dites ce qu'il vos plera , 

890 Je sui Renart qui s'en taira. 
Li marchéant vont après lui^ 
Mes il nel' bailleront mes hui , 
Car il ot trop igiiel cheval. 
Ainz ne fina parmi un val 
Tant que il vint à son plaissié. 
Lors Tont li marchéant lessié 
Qui por mauves musart se tienent , 
Recréant sont et si s'en vienei\t , 
Et cil s'en va plus que le pas, 

900 Qui passé ot maint mauves pas , 
Et vint à son ostel tout droit 
Où sa mesnie l'atendoit 
Qui assez avoit grant mesese. 
Renart i entre par la hese , 
Encontre lui sailli sa famé 
Hermeline la preude dame. 
Qui moult estoit cortoise et franche, 
Et Percehaie et Malebranche 
Qui estoiént ambedui firère. 

910 Cil se lie vent contre lor père 



DU RENART. 35 

Qui s'en venoit les menuz sauz , 
Gai et joienz et liez et bauz , 
Les anguilles entor son eol; 
Mes qui que le tiegne por fol , 
Après lui a close la porte 
Por les anguilles qu'il enporte. 



36 ROMAN 



fSi covmt nenart (idt tj^engcin moitu. 

Or est Renart dedens sa tor , 
Si filz li font moult grant ator ; 
Bien li ont les genbes torchies , 

920 Et les anguilles escorchies, 

Puis les coupèrent par tronçons, 
Deus hastiers firent d^ plançons 
De codre, et enz les ont boutez, 
Et li feus fu tost alumez, 
Qu'il orent bûche à grant planté , 
Puis l'ont de totes parz venté. 
Lors les ont mises sor la brese 
Qui des tisons lor fu remese. 
Endementiers que il cuisoient 

930 Les anguilles et rostissoient , 
Es-vos mon seignor Ysengrin 
Qui erré ot dès le matin 
Jusqu'à celé heure en mainte terre. 
Et onques n'i pot riens conquerre. 
Lors s'en torna en un essart 
Droit devant le chastel Renart , 
Et vit la cuisine fumer 
Où il ot fait feu alumer, 
Où les anguilles rostissoient 

940 Que si fil es hastes tornoient. 



DU RENART. 39 

Ojr me lessiez dont demander , 

Venistes-vos por truander? 

Naie^ âniz ving véoir vostre estre. 
1000 Renârt respônt, ce ne puet estre. 

Et porqoi dont , ce dis*t li Leus ? 

Et dist Reftatrt, n'est ore leti&. 

Or me dites, rtieiïgiez-vos char? 

Et dist Renaft , ce est éschar 

Que' Yoâ mé dites, biau compères; 
' Qajït nos recevrons a confrères, 

Premiercîment otriera 

Que jamais char ne mengera. 

Que menguent donc vostre moine? 
loio Jel' vos dire saniz nul essoine. 

Ne menjuent fi-omages mos , 

Mes poisson qui eèt cras et gros , 

Saint Benéoist le nos coninaside 

Que nos li'aion péor viande. 

Dist Ysengrin , ne m'en gardoié , 

Ne de toi ce mot n'en sa voie; 

Mes car me fêtes osteler , 

Huimès ne saroie oii aler. 

Renart r)ȣ^pont, mes ne le dites, 
1020 Nus, s'il n'est moines bu bermites^ 

Ne pùet céenz avoir ostel , - 

Mes àtlet outre, il n'i a eh 

. Ysengpifi ot et entent bien 

Qa'en. la meson iietï»rï par rifen 



40 KOMAN 

Qu'il puisse dire, n'enterra, 
Et que volez? si souferra, 
Et neporqant il li demande 
Un seul morsel de sa viande , 
Car m'ep donez un sol tronçon , 

io3o Nel' di se por essaier non , 

Mes bon fussent-eles peschies 
Les anguilles et escorchies , 
Se vos en daingniez mengier. 
Renart qui bien sot losengier, 
Prist d'une anguille deus tronçons 
Qui rostissent sor les charbons. 
Tant fil cuite que toute esmie, 
Et dessoivre toute la mie. 
L'un en manja , l'autre en aporté 

1040 A celui qui est à la porte : 

Lors dist, compère, ça venez 
' Un poi avant , et si tenez 

Par charité de la pitance 
A ceux qui bien sont à fiance 
Que vos serez moines encore. 
Dist Ysengrin , je ne sai ore 
Qu'il me sera, bien porra estre; 
Mes la pitance, biau doz mestre^ 
Car me bailliez isnelement. 

io5o Renart li baille, et il la prent 

Qui moult tost s'en fii délivrez ,, 
Encor en menjast-il assez^ 



DU RENART. 4x 

Ce dist ilenart , que vos en semble ? 
Li lechierres fremist et tranble , 
De lecherie esprent et art : 
Certes , fet-il , sire Renart , 
Cist vos ert bien guerredonez. 
Encore un seul car m'en donez , 
Biau doz conpere , por amordre 

1060 Tant que je fusse de vostre Ordre. 
Par vos botes , ce dist Renart 
Qui moult fu plains de maies ars , 
Se vos voliez moines estre, 
Je feroie de vos mon mestre, 
Que je sai bien que li seignor 
Vos esliroient à Prior 
Âinz Pentecoste , ou à Âbe. 
Avez me vos ore gabé ? 
Renart respont, naie, biau sire, 

1070 Par mon chief je vos os bien dire 
En vos aroit bêle persone 
Qant auriez vestu la gone 
Par desus la pelice grise : 
N'auroit si biau moine en l'Iglise. 
Auroie-ge poisson assez 
Tant que je fusse respassez 
De cest mal qui m'a confondu ? 
Et Renart li a respondu , 
Mes tant con vos porrez mengier. 

1080 Donques me faites rooignier. 



4îi ROMAN 

Et Renart dit, mes rere et tondre. 
Ysengrih conmença à grondre 
Qant il oï parler de rere : 
Or n'i a plus, fet-il, compère, 
Mes réez moi isnelement. 
Renart respont hastivement , 
Aurez corone grant et lée 
Ve mes que l'cve soit chaufée. 
Oïr poez ici biau gieu ; 

1090 Renart mist l'iave sor le feu , 
Et la fist trestote boillant , 
Puis li est rerenuz devant, 
Et sa teste en^oste de Fuis 
Li fet bouter par un pertuis. 
Et Ysengrin estent le col. 
Renart qui bien le tint por fol , 
L'ère boillant li a gitée 
Desus la teste et reversée : 
Moult par a fet que maie beste. 

1100 Et Ysengrin escout la teste 

Et rechine et fet lede châere, 
A reculons se tret afiere, 
Si s'escria, Renart, mort sui, 
Maie aventure aiez-vos hui ! 
Trop grant corone m'avez faite. 
Renart li a la langue traite 
Bien demi-pié fors de la geule, 
Sire, ne l'avez mie seule, 



DU RENART. 43 

Que autres! l'a li Govenz. 

XI KO Dist Ysengrin , je cuit que menz. 
Kon faz, sire, ne vos anuit, 
Mes iceste première nuit 
Vos covient-il mètre en esprove, 
Que la sainte Ordre le vos rove. 
Dist Ysengrin moult bonement , 
Ferè ce que à l'Ordre apent , 
Jà mai' en serez en dbutance. 
Renart en a prb la fiance 
Que pai lui mal ne lor Tendra, 

1 1 20 Et à son k>s se maintendra. 
Tant a fet et taùt a àyxé 
Renart ^ que bien l'a asoté , 
Et vint à YsengHn tôt droit 
Qui durement se conplaingnoit 
De ce qu'il estoit si près rès 
Que cuir ne poil n'i est remès. 
N'i ot plud dit nQ sejorné , 
Andui se sont d'ilec torné 
Benart devant et^il après, 

ii3o Tant qu'il vindrent d'un vivier près. 



44 ROMAN 



iSii covmt nrtunrt Gst p^rt)ûr à ïjfitnfgcin les 

Ce fil un poi devant Noël 
Que l'en metoit bacons en sel , 
Li ciex fii cler et estelez , 
Et li vivier se fii gelez 
Où Ysengrin devoit peschier , 
Qu'en pooit par desus treschier , 
Fors tant c'un pertuis i avoit 
Qui des vilains faiz i estoit, 
Où il menoient lor atoivre 

X 140 Chascune nuit juer et boivre : 
Un séel i orent lessiez. 
Là vint Renart toz eslessiez, 
Et son compère regarda. 
Sire , fet-il , traiez-vos çà : 
Si est là planté de poissons 
Et li engin où nos peschons 
Les anguilles et les barbiaus 
Et autres poissons bons et biaus. 
Dist Ysengrin , sire Renart , 

1 1 5o Or le prenez de l'une part , 
Sel' me laciez bien à la qeue. 
Renart le prent et si li neue 
Entor la qeue au miex qu'il puet : 
Frère , fet-il , or vos estuet 



DU RENART. 4^ 

Moult sagement à maintenir 
Por les poissons avant venir. 
Lors s'est en un buisson fichiez, 
Si mist son groing entre ses piez 
Tant que il voie que il face ; 

1 160 Et Ysengrin est sor la glace , 
Et li séaus en la fontaine 
Plains de glaçons à bone estraine. 
L'iaue conmence à englacier, 
Et li séaus à anlacier 
Qui à la qeue fii noez ; 
De glaçons fu bien serondez. 
La qeue est en l'eve gelée 
Et en la glace séellée. 
Cil se conmence à soufachier, 

1170 Le séel quide amont sachier; 
En mainte guise s'i essaie, 
Ne set que fere, moult s'esmaie. 
Renart conmence à apeler, 
Qu'ileuques ne volt plus ester, 
Que jà estoit Taube crevée. 
Renart a la teste levée. 
Si le regarde et les elz ovre : 
Sire , fet-il , qar lessiez ovre , 
Alons nos ent , biax doz amis , 

II 80 Assez avons de poissons pris. 
Et Ysengrin li escria, 
Renart , fet-il , trop en i a ; 



46 ROMAN 

Tant en ai pris ne sai que dire. 
Et Renart conmença à rire , 
Si li a dit tôt en apert, 
Cil qui toi covoite , tôt pert. 
La nuit trespasse, l'aube criéve, 
Li souleux par matin se liéve, 
De noif furent les voies blanches , 

1190 Et mesire Costant Desgranges, 
Un vavassor bien aaisié, 
Qui sor l'estanc fu herbergié, 
Levez estoit et sa mesnie 
Qui moult estoit joiant et lie. 
Un cor a pris, ses chiens apele, 
Si conmande à mètre sa sele , 
Et sa mesnie crie et huie. 
Renart l'oï, si torne en fuie 
Tant qu en sa tesniere se fiche. 

1200 Tsengrin remest en la briche, 

Qui moult s'esforce et sache et tire, 
A poi la pel ne li descire ; 
Se d'ilec se veut départir, 
De sa qeue l'estuet partir. 

Que qu'Isengrin aloit tirant 
Estes-vos un garçon corant, 
Deus lévriers tint en une lesse, 
Voit Ysengrin, vers lui s'eslesse 
Sor la glace tôt engelé 

1210 A tôt son hasterel pelé. 



DU RENART. 4^ 

Cil l'esgarde, puis li escrie, 
Ha ! ha ! le Leu ! ahie ! ahie ! 
Li venéor, qarit il l'oïrent, 
Tantost de la meson saillirent 
A toz les chiens par une haie : 
Adonc Ysengrin nioult s'esmaie, 
Car Dant Costant venoit après 
Sor un cheval à grant eslès, 
Qui moult s'escrie à l'avaler , 

1220 Lesse , va tost, les chiens aler. 

li hraconier les chiens descopient , 

Et li brachet au Leu s'acoplent, 

Et Ysengrin moult se herice. 

Li venéor les chiens atice 

Et amoneste durement , 

Et Ysengrin bien se deffent. 

As denz les mort : qu'en puet-il mes ? 

Assez amast-il miex la pcs. 

Dant Costant a l'espée traite , 

i23o Et por grant cop ferir s'afaite. 
A pie descendi en la place, 
Et vint au Leu devers la glace ; 
Par deriere l'a asailli , 
Ferir le cuida , si failli , 
Le coup li cola en travers , 
Et Dant Costant chaï envers, 
Si que b haterel li saine. 
Il se releva à grant paine, 



48 KOMAN 

Par grant aîr le va requerre. 

1240 Or orez jà moult fiere guerre, 
Ferir le cuida en la teste, 
Mes d'autre part le cop s'areste, 
Vers la qeue descent l'espée , 
Tôt rés à rés li a coupée 
Près de l'anel , n'a pas failli ; 
Et Ysengrin qui a senti , 
Saut en travers et si s'en tome, 
Trestoz les chiens mordent à orne 
Qui sovent le tienent as naches. 

laSo Mes la qeue remest en gages 

Dont moult li poise et moult li griève , 
A poi que li cuers ne li criève. 
Ne pot plus fere , torne en fuie 
Tant que à un tertre s'apuie : 
Li chien le vont sovent mordant , 
Et il s'en va moult desfendant. 
Qant il furent el tertre amont, 
Li chien sont las, recréu sont, 
Et Ysengrin point ne s'atarge , 

1260 Fuiant s'en va, si se regarde. 
Droit vers le bois grant aléure. 
Atant s'en va et dist et jure 
Que de Renart se vengera 
El premier lieu qu'il le verra. 
Ici prent ceste branche fin, 
Mes encore i a d'Isengrin. 



DU RENART. 49 

Si cmmt lUnart ptiA €t)aitterUr U C0c. 

Il avint chose que Renart 
Qui tant est plain d'engin et d'art , 
Et qui môult set de mainte guile , 

1270 S'en vint corant à une vile. 
La vile séoit en un bos, 
Moult i ot gelines et cos, 
Anes, nialarz et jars et oes; 
Et mesire Gostant Desnoes , 
Uns vilains qui moult ert garniz, 
Manoit moult près du plaiséiz. 
Plentéive estoit sk mesons 
De gelines et de chapons : 
Bien avoit garni son ostel , 

1 280 Assez i avoit un et el , 

Char salée, bacons et fliches, 
De ce estoit li vilains riches; 
Moult par estoit bien herbergiez , 
Tout entor estoit li plaissiez. 
Moult i ot de bones cerises , 
Et plusors fruiz de maintes guises, 
Pomes i ot et autre fruit : 
Renart i va por son déduit. 
Cest cortil fut moult très bien clos 

1290 De piez de chesne aguz et gros : 

I. 4 



5o ROMAN 

Hordez estoit d'aubes espines. 
Dedens avoit mis ses gelines 
Dant Costant por la forteresce , 
Et Renart celé part s'adresce : 
Tout coiementy le col bessîé 
S'en va tôt droit vers le plessié. 
Moult fu Renart en grant porchaz, 
Mes la force des espinaz 
Li destorbe de son afere 

1 3oo Si qu'il n'en set à quel chief trere ; 
Ne por Initier ne por saillir 
As gelines ne puet venir. 
Acroupiz s'est enmi la voie, 
Moult se doute que l'en nel' voie. 
Porpense soi que se il saut 
As gelines et il i faut, 
Il ert véuz , et les gelines 
Se repondront soz les espines, 
Si porroit estre tost sorpris 

i3io Ainz qu'il éust gueres conquis. 
Moult par estoit en grant effroi, 
Des gelines velt trere o soi 
Qui devant lui vont pasturant , 
Et Renart va le col baissant : 
El retor del paliz choisist 
Un pel froissié, dedenz se mist; 
Là où li palis fu desclos 
Avoit li vilain planté chos. 



DU RENAKT. 5i 

Benart i viot, outre s'en passe, 
i3io Ghaoir se laisse à une niasse 

Por ce que la gent ne le voient, 

Mes les gelines s'en effiroient 

Qui l'ont oi à sa chéoite, 

Ghascune de foîr s'esploite. 

Qant sire Chantecler li cos 

En une sente lez le bos, 

Entre deus piex en la raiere 

Estoit aie en la poudrière. 

Moult fièrement lor vint devant , 
i33o La plume el pié, le col tendant, 

Si demande par quel reson 

Eles s'en fuient en meson. 

Pinte parla qui plus savoit , 

Gelé qui les gros oés ponnoit ; 

Et près du Goc juchant à destre, 

Si li a conté tout son estre 

Et dist paor avons eue. 

De quoi ? avez chose véue ? 

Oil* Et quoi ? Beste sauvage 
i34o Qui tost nos puet fere domage 

Se ne vidions le porpris. 

Ce est naienz, jel' vos pie vis, 

Ge dist li Gos, n'aiez peur, 

Mes soiez trestoute aséur. 

Dist Pinte, par ma foi jel' vi , 

Et loiaument le vos afi 



52 ROMAN 

Que je le vi tout à estrous. 
Et conment le véistes-vous ? 
Gonment? Je vi la soif branler 

i35o Et la fueille du chol trembler 
Où cil se gist qui est repost, 
Qui tout domageroit les noz. 
Tais, sote, ce respont li Cos, 
Jà Renart n^aura si dur os 
Que céens s'ost mucier ne mètre , 
Ne s'en oseroit entremetre : 
Nostre paliz n'est pas si viez 
Jà par Renart soit despeciez. 
Trêves avez, jeF vos otroi, 

i36o Que par la foi que je vos doi 
Je ne sai Putois ne Gorpil 
C'osast entrer en cest cortil , 
N'est se gas non , tornez ariere. 
A tant se trait en sa poudrière, 
Mes il n'est mie aséurez, 
Sovent regarde de toz lez. 
Moult se contient or fièrement , 
Mes il ne set c'a l'oil li pent ; 
Il se doutast d'aucune chose, 

1370 Mes la cort ert si bien enclose, 
Riens ne douta , si fist que fox 
L'un oil overs et l'autre clox , 
L'un pie crànpi et l'autre droit , 
S'est apoiez delez un toit. 



DU RENART. 53 

Là. où li Cos est apoiez 

Come cil qui ert anoiez 

Et; de. chanter et de veillier, 

Si conmenca à sonmeillier. 

OÙ sonmeillier que il fesoit, 
i38o Et el, dormir qui li plesoit, 

Gonmença li Cos à songier , 

( Ne m'en tenez à mençongier , 

Que il^sojiga^ ce est Ja. voire, 

Trover le poea en l'estoire ) 

Que il véoit ne sai.quel chose 

Qui iert dedenz la cort enclose, 

Qui li venoit enmi le vis, 

Einssi con li estoit avis; 

Si en avoit moult grant friçon , 
1890 Et avoit un ros peliçon 

Dont li. ourlet estoient d'os, 9 

Si li vestoit à force el dos. 

Moult fu Ghantecler en grant paine 

Del songe qui si Je demaine 

Endementiers que il someille , 

Et du peliçon. se merveille 

Dont. la chevesce ert en, travers, 

Et si li vestoit à. en vers. 

Estroite en estoit la chevesce 
1400 Si qu'il en ert en. grant destresce, 

Et de péor s'est esveilliez ; 

Mes de ce est plus merveilliez 



58 ROMAN. 

Ça sui venuz desconseilliez. 
1460 Pinte, ne vos en mer veilliez 

Se li cors me fremist et tremble, 
. Mes dites moi que vos en semble. 
Moult sui par le songe grevez, 
Par cele foi que me devez 
Savez- vos que il senefie ? 
Pinte respont où moult se fie. 

Dit m'avez, fet-ele, le songe. 
Mes, se Dieu plet, ce ert mençonge; 
Neporqant jel' vos voil espondre, 

1470 Que bien vos en sauré respondre. 
Cele chose que vos véistes 
El someilUer que vos féistes , 
Qui le rous peliçon portoit 
Qui einsi vos desconfisoit , 
C'ert li Gorpiex, jel' sai de voir, 
Bien le poez aparcevoir 
Au peliçon qui rous estoit 
Et que par force vos vestoit. 
Les goles d'os crent les denz 

1480 A qoi il vos metra dedenz; 

La cbevesce qui n'estoit droite, 
Qui si vos ert maie et estroîte, 
Ce est la goule de la beste 
Dont il vos estraindra la teste : 
Par ileuques i enterroiz , 
Sauz faille que vos le verroiz^ 



DU RENART. , 5? 

Lors sera la qeue deseure, 
Einssi ert^ se Diéx me secéure* 
C'iert li Gorpil qui vos prendra 

1490 Parmi le col qant il vendra, 
Ne vos garra argent né ors, 
Et le poil ert tomez defors : 
C'est voir que tôt jors porte enverse 
Sa pel qant il plus pluet et verse. 
Or avez 01 sanz faillance 
Du songe la senefiance; 
Tôt séurement le vos di 
Que ainz que soit passé midi 
Vos avendra, ce est là voire; 

i5oo Mes se vos me voliez croire, 
Nos retornerions ariere , 
Car il est muciez çà deriere 
En cel buisson, jel' sai de voir, 
Por vos traïr et décevoir. 
Qant il ot 01 le respons 
Del songe que celé ot espons. 
Pinte, fait-il, moult par es foie, 
Moult as dite foie parole : 
Guidiez que je soie sôrpris 

i5io Et que la beste est el porpris 
Qui par force me conquerra? 
Dahez. ait cil qui le croira ! 
Ne m'as dit riens ou ge gaaingne. 
Je ne croi mie mal m'en viengne. 



5g ROMAN 

Jà n'auré mal por itei songe. 
Sire, fet->ele, Diex le donge! 
Mes s'ainsi n'est con je vos dit, 
Je vos otroi sans contredit 
Que ne soie mes vostre amie. 

i52o Bele, fet-il, ce n'i a mie, 

A fable ert le songe tornez. 
A cest mot s'en est retornez 
En la poudrière au souleil, 
Et conmença à cliner l'oil , 
Ne doute que Gorpil s'i mete. 
Mes Renart qui le siècle abete, 
Sitost con il oï la noise , 
Besse la teste , si s'acoise ; 
D'une pierre a fait orillier, 

i53o Si conmença à someillier. 
Chantecler s'est aséurez. 
Moult fu Renart amesurez 
Et veziez à grant merveille , 
Et qant il voit que cil someille, 
De lui s'aprime sanz demeure 
Renart qui tôt le mont aqeure 
Et qui moult sot de mavès tors : 
Pas avant autre, sanz escors, 
S'en va Renart le col bessant. 

i54o Se Ghanteder par atent tant 
Que il le puisse as denz tenir , 
Il H fera son gieu partir. * 

' AL Puir. 



DU RENART. 59 

Qant Henart choisi Chaa^ecler, 
Il le vodra , s'il puet , haper ; 
Renaît sailli qui est legiers, 
Et Chantecler saut en travers, 
Renart choisi, bien le conut, 
Desor un' fîimier s'arestut. 
Qant Renart vit qu'il ot failli , 

i55o Forment se tint à mal-bailli; 
. Lors se conmence à porpenser 
Conment il porra Chantecler 
Engingnier, qar s'il se remue 
Dont a-il sa proie perdue. 
Dant Chantecler, ce dist Renart, 
Ne fuîez pas , n'aiez regart , 
Moult par sui liez qant tu es sains , 
Que tu ies mes cosins germains. 
Chantecler lors s'aséura, 

i56o De la joie un sonet chanta. 
Ce dist Renart à son cosin 
Membre^-vos mes de Chanteolin 
Le bon père qui t'engendra? 
Onques nus Cos si ne chanta; 
Tele voiz ot et si cler ton 
Que d'une liue l'ooit-on , 
Et moult chantoit à longue alaine 
Les deus eulz clos et la voiz saine ; 
D'une grant lieue l'en l'ooit 

1670 Qant il chantoit et refrenoit. 



6o ROMAN 

Dist Chantecler, Renart cosin, 
Volez me prendre par engin. 
Certes, ce dist Renart, non voil , 
Mes or chantez , si clingniez l'oil ; 
D'une char somes et d'un sanc, 
Miex vodroie estre d'un pie manc 
Que vos mesface tant ne qant , 
Que tu es trop près mon parent. 
Dist Chantecler , pas ne te croi , 

i58o Un poi detrai en sus de moi. 
Et je dire une chançon ; 
N'aurai voisin ci environ 
Qui bien n'entende mon fauset. 
Lors s'en est souriz Renardet , 
Et dist Renart, chante, cousins. 
Je sauré bien se ChantecHns 
Mes oncles s'il vos fu noient. 
Lors enconmence hautement, 
Lors chanta Chantecler un vers , 

1590 L'un oil ot clos et l'autre overs. 

Car moult forment cremoit Renart , 
Sovent regarde celé pai't. 
Ce dist Renart, ce n'est noient , 
Chanteclin chantoit autrement 
A un lonc tret à eulz cligniez , 
C'on l'ooit d'outre lès plessiez. 
Chantecler cuide que voir die, 
Lors conmence sa mélodie 



DU RENAKT. 6i 

Les eulz cligniez par grant air. 

1600 Lors ne volt plus Renart sofirir, 
Par.de desus un rouge chol 
Le prent Renart parmi le col , 
Fuiant js'en va et fet grant joie 
De ce qu'il a encontre proie. 
Pinte voit que Renart l'eàporte, 
Dolente est, moult se desconforte, 
Moult se conmence à dementer 
Por Ghantecler qu'en voit porter, 
Et dist, sire, bien le vos dis, 

1610 Et vos me gabiez tout dis. 
Et si me teniez por foie ; 
Mes ore est voire la pairole 
Dont je vos avoie garni : 
Yostre orgoil si vos a traï. 
Foie fui qant je vos apris, 
Que fox ne crient tant qu'il soit pris. 
Renart vos tjent qui vos enporte. 
Lasse dolente ! con sui morte ! 
Qant je ainssi pert mon seignor , 

1620 Trestoute ai perdue m'amor. 
La bone dame del mesbil 
A overt l'uis de son cortil. 
Que vespres ert , et si voloît 
Ses gelines mètre en son toit. 
Pinte apela , Bisse et Roùsete , 
L'une ne l'autre ne recepte. 



62 ROMAN 

Qant voit que venues ne sont, 
Moult se merveille qu'eles font : 
Son Coc rehuche à longe alaine , 

i63o Renart voit qui si mal le maine; 
Avant passe por lui rescorre , 
Et Renart conmença à corre. 
Qant el voit qu'el ne rescorra, 
Porpense soi qu'ele fera. 
Harou! s'esçrie à plaine goule. 
Et vilains qui sont en la coule, 
Qant il oent que celé bret , 
Tantost se sont celé part tret, 
Si li demandent que ele a. 

1640 En soupirant lor aconta, 

Lasse ! trop m'est mesavenu. 
Gonment, font-il , c'avez perdu ? 
Mon Coc que cil Gorpil enporte. 
Ce dist Costant, pute vielle orde, 
C'avez-vos fet que nel' préistes? 
Sire, que est-ce que vos dites? 
Par les Sains Dieu je nel' poi prendre. 
Ne il ne me volt pas atendre. 
Sel' ferissiez? je n'oi de qoi. 

i65o De cel baston : et je ne poi , 
Car il s'en va le grant troton , 
Nel' prendroient deus chien breton. 
Par où s'en va ? Par ci tout droit. 
Li vilain corent à esploit, 



DU RENART. 63 

Et tuit crient , or ça , or ça ! 

Renaît l'oï qui devant va : 

Qant Renart l'ot , si sailli sus , 

Si qu'à terre ne fiert li eus. 

Le saut c'a fait ont cil oï , 
1660 Tuit s'escrient, oci , oci. 

Costant lor dist,or tost après, 

Les vilains corent à eslès. 

Costant apele son mastin 

Que l'en apeloit Mal- voisin. 

Au corre c'ont fait l'ont véu , 

Et Renart ont aparcéu. 

Tuit s'escrient, vez le Gorpil. 

Or est Renart en grant péril 

Et le Coc se il ne set d'art. 
1670 Gonment, fet-il, sire Renart? 

N'oez-vbs quel honte il vos dient 

Cil vilain qui si fort vos huient ? 

Costant vos siut plus que le pas, 

Car li lanciez un de vos gas 

A l'issue de celé porte, 

Qant il dira Renart l'enporte 

Maugré vostre , ce poez dire , 

Jà nel' porrez miex desconfire. 
N'est si sage qui ne foloit. 
1680 Renart qui tôt le mont déçoit, 

Fu decéuz à ceste foiz , 

Car il cria à haute voiz , 



6/» ROMAN 

Maugré Yostre, ce dist Renart, 
Enpor-ge de cestui ma part, 
Maugré vostre en ert-il portez. 
Li Gos qui ert touz amortez, 
Qant il senti laschier la bouche, 
Bâti ses êles, si s'en touche. 
Et vint volant sor un pomier, 

1690 Et Renart fîi seur le terrier, 
Grains et marriz et trespensez 
Du Goc qui li est eschapez. 
Ghantecler a gité un ris, 
Renart, fet-il, que vos est vis? 
De cest siècle que vos en semble ? 
Li lechierres fremist et tremble , 
Si li a dit par félonie, 
La bouche, fet-il, soit honie 
Qui s'entremet de noise fere 

1700 A Teure qu'el se devroit tere. 
Fait Ghantecler, et je le voil, 
La maie goûte li criet loil 
Qui s'entremet de someillier 
A l'eure que il doit veillier! 
Gosin Renart, dist Ghantecler, 
Nus ne se doit en vos fier : 
Dahez ait vostre, cosinage! 
Il me dut torner à domage ; 
Renart traître, alez vos ent, 

17 10 Se vos estes ci longement, 



DU RENART. 65 

Vos i lerez celé gonele. 
Renart n'a soing de la favele. 
Ne volt plus dire, ainz s'en retorne, 
Que ileques plus ne séjorne. 
Besoingneus est , s'a le cuer vain , 
Par une broce lez un plain 
Renart s'en va toute une sente, 
Moult est dolent , moult se démente 
Du Goc qui li est eschapez, 
1720 Que il ne s'en est saoulez. 



> 



66 ROMAN 

€tet U b^ptitntinit ï^e la itlf6an0e anec 

Kmart. 

Renart se leva par matin , 
Si s'estoit mis en son chemin, 
Qar la fain durement l'estraint, 
Si se démente et se conplaint. 
Que qu'il se plaint de la losenge , 
A tant es-vos une Mesenge 
Sor la branche d'un chesne crues 
Où ele avoit repost ses oés. 
Renart la voit , si la salue , 

1780 Conmere, bien soiez venue, 
Qar descendez, si me besiez. 
Renart, fet-ele, or vos taisiez, 
Voirement estes mes conperes, 
Se vos ne par fussiez si lerres , 
Qar vos avez fait mainte guiche 
A maint oisel, à mainte biche, 
C'on ne se set à coi tenir ; 
Et que cuidiez-vos devenir? 
Maufé vos ont si déserté 

1740 Qu'en ne vos puet prendre en verte. 
Dame , ce respont li Gorpil , 
Si voirement con vostre fil 



DU RENART. 67 

Est mes filleus en droit baptesme , 
Onques semblant ne fis ne esme 
De riens qui vos déust desplere : 
Savez por quoi je neF doi fere? 
Droiz est que nos le vos disons. 
Si a danz Nobles li Lions 
Novelement la pès jurée , 

lySo Se Diex plaist, qui aura durée. 
Par sa terre l'a fet jurer 
Et à ses barons afier 
Qu'ele ert gardée et maintenue. 
Grant joie en ont la gent menue, 
Par tout iront en plusors terres, 
Que partout charront mortiez guerres , 
Et les bestes granz et petites , 
La merci Dieu , seront bien qui tes. 
La Mesenge respont atant : 

lyGo Renart, or m'alez-vos gabant, 
Mes s'il vos plet, besiez autrui 
Que moi ne beseroiz vos hui! 

Qant Renart ot que sa conmere 
Ne fera rienç por son conpere, 
Dame, fet-il, or m'escoutez, 
Por ce que vos me redoutez , 
Les eulz cliniez vos beserai. 
Par foi, fet-ele, gel' ferai, 
Cliniez donques. Il a clinié , 

1770 Et la Mesenge a empoingnié 



68 ROMAN 

Plain son poing de raouse et de foille : 
N'a talent que besier le voille , 
Les grenons li conmence à terdre , 
Et quant Renart la cuide aerdre, 
N'a trové se la mouse non 
Qui li fu remese el grenon. 
La Mesenge li escria, 
Ahi ! Renart , quel pès ci a ! 
Tost eussiez la pès enfrete 
1780 Se ne me fusse arrière trete. 
Vos disiez que afiée 
Estoit la pès et bien jurée , 
Et jurée l'avoit vo sire» 
Renart li commença à rire , 
Si li a geté un abai, 
Certes, fet-il, je me gabai, 
Ce fis-ge por vos péor fere : 
Vos qui chaut ? Or soit à réfère , 
Je reclinneré autre foiz. 
«790 Or dont, fet-ele, ce est droiz. 
Cil cline qui moult set de bole, 
Celé li vint près de la gole 
Renart , mes ne vint pas dedenz , 
Et Renart a gité les denz, 
Prendre la cuide , mes il faut. 
Renart, îet-ele, ce que vaut? 
Ce n'iert que jà croire vos doie, 
En quel manière vos croiroie ? 



( - 



DU RENART. 69 

Se mes vos croi , le maufé m'arde ! 
1800 Ce dist Benart, trop les coarde^ 

Ce fis-ge por toi esmaier , 

Einsi te voloie essaier : 

Qar certes je n'i entent mie 

Ne traïson ne félonie. 

Mes or revenez autre foiz , 

Tierce foiée , c'est li droiz , 

Par non de sainte charité , 

Par bien et par estaubleté , 

Bêle comere , sus levez , 
1810 Par celé foi que me devez 

Et que devez à mon fiUuel 

Que j'oi chanter sor cel tilluel , 

Si refaisomes ceste açorde , 

De pechéor miséricorde. 

Guidiez- vos donc que je vos morde ? 

Or a Benart auques la borde, 

Mes celé fet oroille sorde 

Qui n'est mie foie ne lorde , 

Âinz siet sor la branche du chesne. 
1820 Que que Benart si se deresne, 

Atant es-vos les venéors , 

Et bons lévriers et coréors 

Qui sor lui se sont enbatu. 

Et qant Benart a ce \éu , 

Forment s'en est esmerveilliez ,. 
De fouir s'est apareilliçz^. 



7© ROMAN 

Que qu'il s'apreste de l'aler, 
Li uns s'escrie à l'avaler, 
Vez le Gorpil ! vez le Gorpil ! 

i83o Or est Renart en grant péril, 
Il drece la qeue en l'arçon , 
Qar moult doute mors de gaingnon. 
Sonent grelles et menuiax , 
Et Renart trousse ses peniax 
Qui moult petit en eus se fie, 
Et la Mesenge li escrie : 
Renart , cist bans est tost brisiez 
De la pès que me disiez ; 
Âtendez moi , o vos irai , 

}84o Et par amors vos beserai. 
Où fuiez-vos ? car revenez, 
Renart fu cointes et senez , 
Si li a tret une mençonge. 
Que qu'il parole si s'esloinge , 
Dame , les trives sont jurées 
Et plevies et afiées 
De pès fere de tôt en tout, 
Et est jurée tout à bout : 
Icil chael qui ici viengnent, 

i85o Qui la pès que lor père tiengnent 
N'ont encor pas aséurée 
Si con lor père l'ont jurée, 
Encore estoient-il trop jane 
Au jor que lor père et lor dame 



DU RENART. 71 

Jurèrent la pès à tenir, 

Que l'en les i fist lors venir. 
Certes or estes- vos mauves, 

GuidieZ'Vos qu'il fraingnent la pès ? 

Quar retornez , si me besiez. 
1860 Je n'en sui pas or aaisiez, 

Ce dist Renart li desloiaux : 

Atant s'en torne les granz saux. 
Renart s'en fuit, ne volt plus dire, 

Parmi le bois trestot à tire, 

Gon cil qui bien sot les travers. 

Atant estes-vos un convers 

Qui deus viautres encheanez 

Avoit lez la voie amenez : 

Li gars qui maine les lévriers , 
1870 Si aparçut Renart premiers , 

Voit le convers , si li escrie , 

Deslie, va, les chiens deslie. 

Renart l'oï, si soupira, 

N'est merveille s'il s'esmaia : 

Rien set que il est mal venuz 

Se il pooit estre tenuz ; 

Que tele gent entor lui voit, 

N'i a celui, s'il le tenoit, 

Yolentiers n'en ostast la pel 
1880 • A la pointe de son costel. 

Péor a de perdre s'escorce. 

Se plus n'i vaut engin que force , 



72 ROMAN 

Moult doute à perdre sa gonele, 
Que riens , ce dist , n'i vaut favele. 
Li convers de toutes parz muse , 
Et Renart qui pas ne réuse , 
Bien set que il ne puet guenchir, 
Ne nule part ne puet fouir 
Ne retorner en nule guise. 

1890 Es-vos le convert qui l'avise, 
Devant lui vient toz aïrez, 
Ha ha ! cuivert , n'i garirez. 
Sire, fait-il, por Dieu ne dites. 
Vos estes preudons et hermites , 
Ne devriez en nul endroit 
A nul home tolir son droit : 
S'ore estoie ci arestez, 
Ne par v»z chiens point destorbez, 
Sor vos en seroit li péchiez , 

1900 Et j'en seroie corrociez, 

Qar miens en seroit li domages , 
Si en seroie en mavez gages. 
Entre moi et ceste chienaille 
Moult à grant chose en la fermaille. 
Cil se porpense qu'il dist bien , 
A Dieu et à saint Julien 
L'a conmandé, si s'en retorne. 
Renart s'en va, pas ne séjome, 
Si esperone son cheval , 

igio Par unes broches lez un val 



DU RENART. 73 

S'en va fuiant par une plaine.^ 
Li criz qui après lui engraingne 
Le fist aler plus que le pas. 
Lez un buisson à un trespas 
A un grant fossé tressailli. 
Ileuques l'ont li chien guerpi, 
N'en sevent mes ne vent ne voie , 
Et Ren^rt qui bien se desvoie, 
N'i atent pèr ne conpaignon , 

1920 Qàr moult doute mort de gaignon. 
N'est merveille s'il est lassez, 
Qar le jor ot coru assez , 
Si a eu mauvez éur , 
Mes qui chaut ? or est aséur. 
Assez a grant travail eu 
De ce dont li est meschéu 
De qant qu'il s'estoit entremis; 
Moult menace ses anemis. 

Que qu'il se plaint de s'aventure, 

1980 Garda parmi une costure, 
Si voit Tybert qui se déduit 
Sanz conpaignie, sanz conduit; 
De sa queue se vet jouant, 
Et entor soi feste fesant. 
A un saut qu'il fist , ce regarde , 
Et vit Renart que Mau-feu arde ! 
Si le conut bien au poil rous : 
Sire, fet-il, bien veniez-vous. 



7/i ROMAN 

Renart respont par félonie, 
1940 Tyberty je ne vos salu mie, 
Jà mar vendroiz là oîi je soie , 
Qar par mon chief je vos feroie 
Volentiers mal s'en avoie aise. 
Or covient que Tybert se taise , 
Que Renart est moult corrociez. 
Et cil se r est vers lui dreciez 
Tôt simplement et sanz grant noise 
Li dist, biau sire , moult me poise 
Que vos estes vers moi iriez. 
1960 Et Renart iu moult enpiriez 
De géuner et de mal traire , 
N'a ore soing de noise faire , 
Que moult a jéuné le jor. 
Et T^ert fîi plain de sejor , 
Si ot toz les grenons chanuz 
Et les denz trenchanz et aguz , 
Et les ongles granz por grater. 
Se Renart le voloit mater , 
Je cuit qu'il se vodroit deffendre , 
■990 Mes Renart ne volt mie enprendre 
Envere Tybert nule mellée 
Que en maint lieu ot desirrée : 
Les moz retorne en autre guise , 
Tybert , fet-il , je ai emprise 
Guerre moult dure et moult amere 
Envers Ysengrin mon conpere , 



DU RENART. 75 

S'ai retenu maint sodoier , 

Et vos en voil-je moult proier. 

O moi remeingniez en soudées, 
1970 Car ainz que soient acordées 

Les trives entre moi et lui , 

Li cuit*je fere grant anui. 

Tybert li chaz si fist grant joie 

De ce que dant Renart li proie , 

Si li a retorné le vis , 

Tenez, fet-il, ge vos plevis 

Que jà nul jor ne vos faudré , 

Et que volentiers assaudré 

Dant Ysengrin qui m'a meffet 
1980 Sovent et en dit et en fet. 

Or l'a Renart tant amusé 

Que ambedui sont acordé. 

Ândui s'en vont par foi plevie^ 

Renart qui fu de mâle vie , 

Nel' lessa onques à haïr, 

Ainz se pena de lui traïr , 

En ce a mis toute s'entente. 

Il garde en une estroite sente , 

Si a choisi en une ornière , 
1990 Entre le bois et la cariere 

Un broïon de chesne fendu 

C'uns vilains i avoit tendu ; 

Il fu recuiz , si s'en eschive , 

Mes dant Tybert qui pas n'estrive , 



76 ROMAN 

S'il le puet au broion atrere , 
Volentiers li fera contrere. 
Renart li a jeté un ris , 
Tybert , fet-il , dire vos puis 
Que vos estes et preuz et biax, 

2000 Et vostre cheval moult igniax : 

Mostrez-moi comment il set corre, 
Par ceste voie a moult grant podre , 
Corez toute ceste sentele , 
La voie i ert auques plus bêle. 
Tybers li chaz fu eschaufez , 
Et Renart fu uns vis maufez 
Qui le volt à folie joindre. 
Tybert s'apareilla de poindre, 
Cort et recort les sauz menuz 

aoio Tant qu'il est au broion venuz. 
Qant il le vit , s'aparçut bien 
Que Renart i entent engien , 
Mes il n'en fet semblant ne chiere , 
En eschivant se trait ariere, 
En sus se trait bien demi pie, 
Et Renart l'a bien espié. 

Tybert, fet-il, ce n'est pas jus, 
Vostre cheval est trop eschius, 
A réfère est, or repoingniez. 

ao2o II s'est un petit esloigniez , 
Et let corre col estendu 
Tant qu'il est au broion venu ; 



DU RENART. 77 

Ne guenchi onques , ainz tressaut. 
Renart qui a yéu le saut , 
Voit bien qu'il s'est apercéus , 
Et que il n'iert pas decéus ; 
Porpense soi que il dira 
Et coment il le décevra. 
Devant lui vint et si li dit 

ao3o Par maltalent et par despit : 

Tybert, fet-il , ne sai que dire, 
Vostre cheval est assez pire , 
Es por vendre en est mains vaillanz 
De ce qu'il est ainssi saillanz. 
Tybert li Chaz forment s'escuse 
De ce dont Dant Renart l'acuse, 
Forment a son cors engraingnié 
Et maint estor reconmencié. 
Que qu'il s'esforce , es- vos atant 

2040 Deus mastins qui vienent bâtant ; 
Renart voient , s'ont abaié. 
Andui se sont moult esmaié , 
Par la sente s'en vont fuiant , 
Li uns va à l'autre apuiant 
•"Tant qu'il vindrent au leu tôt droit 
Où li broions tenduz estoit. 
Renart le voit, guenchir cuida, 
Mes Tybert qui trop l'angoissa, 
L'a si féru dou pie senestre , 

2o5o Que Renart estraint dou pie destre , 



7» 



ROMAN 

Si que la clef en est saillie. 
Li engins clôt qu'il ne faut mie. 
Si serrent li buisset andui , 
A Renaît ont fet grant anui , 
Le pie li ont bien enserré. 
Or a Tybert moult bien ouvré 
Qant el broion l'a embatu , 
Où il aura le dos batu. 
Ore est mauvese conpaingnie, 
•Aortu Que Tybert a sa foi mentie. 

Renart remaint , Tybert s'en touche , 
Si li escrie à plaine bouche, 
Renart, Renart, vos remanez 
Et je m'en vois touz délivrez : 
Sire Renart , viez est li Chaz , 
Petit i vaut vostre bai'az , 
lleques demorez anuit , 
Encontre vezié recuit. 
Or est Renart en maie trape , 
Que li chien durement le hape , 
Et li vilains qui vint après 
Leva la hache qant vint près. 
Son coup rua de grant aïr. 
Poor ot Renart de morir. 
Si a oslé moult effréez. 
Mes II ix>x est jus desvale/ 
Si>r le bixiiou , si la fendu. 
RtMKU t a son piô esteudu , 



lt»'M» 



DU RENART. 79 

A soi le tret , moult fu blecié , 
ao8o Et liez qu'il n'ot le pie trenchié. 
Qant il senti qu'il fu délivres, 
Ne fil pas estordiz ne yvres, 
Moult tost se r'est mis à la fiiie. 
Et li vilain forment le huie 
Qui moult se tient à engingnié. 
Li chien ont lor cors engraingnié, 
Si reconmencent à glatir, 
Et Renart ne s'osa tapir 
Devant qu'il ot le bois passé. 
2090 Illuec fiirent li chien lassé , 
Recréant sont torné ariere. 
Renart s'en vet une chariere , 
Moult se démente et moult s'esmaie , 
Forment li delt et cuit sa plaie ; 
Ne set li las que fere puisse, 
A poi qu'il n'a perdu la cuisse 
Qui el broion fu fi*oisie. 
Grant péor ot de la coingnie 
Dont le vilain le volt ocirre. 
De l'un et de l'autre martire 
Fut Dant Renart moult esmaiez 
Et en son cuer moult corouciez. 

Renart qui moult sot de treslue , 
Et qui avoit grant fain eue, 
Se met baaillant au frapier. 
Si con il aloit son sentier 



2100 



8o ROMAN 

Et s'en aloit à moult grant paine 
Si con aventure le maine, 
Poingnant de ce qu'il se doloit , 

2 1 1 o Choisi Tybert qui s'en aloit , 
Qui el broion l'avoit lessié. 
Vers lui s'en va le col bessié, 
Crient soi que Tybert ne s'en voise , 
Si lesse son plet et sa noise, 
Vers lui s'adresce pas por pas 
Conme cil qui moult estoit las. 
Ainz n'en sot mot Tybert li Chaz 
Tant qu'il fu chaoit en ses laz. 
Renart le voit , si li fremie 

21 20 Tote la char de lecherie ; 

Grand talent a de lui mengier , 
Mes il se voudroit revengier 
Por ce qu'el broion le bouta , 
Mes jà semblant ne l'en fera 
Que il H voille se bien non , 
Lors l'a mis Renart à raison. 

Tybert, fet-it, quel vent vos guie? 
Et Tybert se met à la fuie, 
Avoi! Tybert, ce dist Renart, 

!ki3o Ne fuiez ne n'aiez regart, 
A restez-vos , parlez à moi , 
Soviengne-vos de vostre foi : 
Cuidiez-vos donc que je vos hace? 
Ne doutez pas, jà Dieu ne place 



DU RENART. 8i 

Que jà nul jor ma foi vos mente, 
Je n'entrasse hui erï ceste sente 
Se ne vos cuidasse trpver, 
Que ma foi voJoie aquîter. 
Dant Tybert , -de la vostre foi 

2 1 4 o N'estes- vos mie en tel effroi. 
Tybert retorne, si s'areste. 
Vers Renart artorné la. teste, 
Et va ses cmgles aguisant. 
Bien s'apareille par. semblant 
Que forment se voudra deffendre 
Se Renart li volt le doi tendre ; 
Mes Renaît qui de faîn baaille, 
N'a cure de fere bataille ; • »* 
Tôt autre chose a empensé, 

2i5o Moult a Tybert aséuré, . 

Tybert,. fet-il, estrangement 
A en ce&tsiede maie gent; 
Li un «ne volent l'autre aidier; 
Ainz se' painent de baréter 
Son conpaingnon à ^on pooir : 
Par foi je le vos di por voir, . 
L'en ne trove mes vérité . 
En nul home de mère, né , 
Et si est bieii chose pi^ôvée - 

a 160 Que ciji en porte la colée 

Qui s'entremet d'autre «engingnier. 
Gel' vos di por un sermonier, 

6 , 



I. 



b9 ROMAN 

C\»st vostre compère Ysengriii 
Qui de novel a Ordre pris. 
N'a encor gueres qu'il cuida 
Tel engingnier qui l'engingna ; 
Por ce ne voit estre traître, 
Que tuit en ont maie mérite. 
De losengier ne de mal fere 
•il 70 Ne voi-ge nul à bon chief trere : 
Mau chief praingnent li traïtor 
Que il n'aront jamès m'amor. 
De tant me sui aparcëuz 
Que il est viz et mal venuz 
Qui de riens ne se puet aîdier : 
Tost vos meistes au frapier 
Hui main qant véistes ma mort ^ 
Et neporqant si ai-ge tort, 
Que celles il vos en pesa. 
iivSo Honiz soit qui le mescrera 

Que vos n'en fussiez corouciez, 
Et moult durement aïriez; 
Mes nepor€|ant en loiauté 
Me conoissiez la verilé. 
N'éustes vos grant marrement 
Qant fui chaùz en cel torment, 
Et chevilliez ena el broion 
Où me destraintrent li gaingnon, 
Et U vilain avoit haucie. 
•AI 1)0 Por moi ocirre la coingnie? 



DU KENART. 83 

Bien me cuida à mort livrer, 

Mes il failli au coup ruer ^ 

Encor pdrt-ge sor moi ma pel. 

Tybert rèspoiit, ce fti'est modlt bel. 

De ce sui , dist Reiïàrt , tôt cert , 

Que pot ce e^tre, Dant Tybert ? 

Vos m'i botasites tôt de gré, 

Mes or vos soit tôt pardoné. 

Je fiel' di pas par félonie, 
2200 Certes vos nèl' déissiez mie, 

Ne cuit que nus le péust fere , 

Ne fet ore mie à rétrere. 

Tybert s*esctise molemént. 

Que vers lui corpable se sent; 

Mes Renart où il voille ou non , 

Le conduit par gi*âtit traïson. 

Tybert ne set que il li die , 

Renart d^rechief li afie 

Foi aporter d'ore en avant , 
22 10 Et Tybert refait son créant : 

tien ont la chose confermée , 

Mes n'aura pas longue durée. 

Jà Kénart voir ne li tendra, 

Ne Tybert si fox ne sera 

Que il croie ce! vif maufé 

Qui n'a ne foi ne loiauté ; 

Mes Tybert bien se gaitera 

Que de riens ne li mesfera. ' 



84 ROMAN 

Ândui s'en vont par une sente , 
2220 N'i a celui qui son cuer sente. 
Que fain avoient fort et dure ; 
Mes par merveilleuse aventure 
Une grant andoille ont trovée 
Lez le chemin en une arée. 
Renart Ta premerains saisie, 
Et ïybert a dit, Diex aïe, 
Biax conpains Renart, g'i ai part. 
Gonment dont , ce a dit Renart , 
Qui vos en velt tolir partie? 
223o Ne vos ai-ge ma foi plevie ? 
Tybert moult poi s'i aséure 
En ce que Dant Renart li jure. 
Conpains, dist-il, qar la menjons. 
Avoi! dist Renart, non ferons. 
Se nos ici demorion , 
Jà en pais n'i mengerion : 
Porter la nos covient avant. 
Et dist Tybert, je le gréant, 
Qant vit qu'autrement ne puet èstre. 
22/io Renart fu de l'andoille mestre. 
Par le mileu as denz le prent , 
Que de chascune part li pent 
La droite moitié égaument , 
Ne la viaut porter autrement. 

Qant Tybert voit que il l'enporte , 
Moult durement s'en desconforte : 



DU RENART. 85 

Volentiers la voudroit avoir, 
Qar il set bien trestout de voir 
S'ele est à partir à Renart, 
aaSo 11 en aura mauvese part. 

Un poi s'est de lui aprimez, 

I 

Dist Tybert, or voi mauvestiez, 
Gonment portez vos celé andoille ? 
Ne véez-vos con ele soille ? 
Par la poudre la traînez , 
Et à vos denz la debavez, 
Toz li cuers m'en va ondéant ; . 
Mes une chose vos créant , 
S'ainssi la portez longement , 

.2260, Je la vos 1ère quitèment : 

Moult la portasse ore autrement. 
Et dist Renart , et vos conment ? 
Mostrez \e çà. Si le verroiz, 
Ce dist Tybert, car il est droiz 
Que je vos en doie alegier. 
Que vos la véistes premier. 
Renart ne li quiert ce véer , 
Et si se prent à porpenser 
Que s'il estoit auques chargiez , 

2270 Tant seroit-il plus tost plesiez 
Et miex le porroit-il reprendre, 
Por ce li fet Tandoille prendre. 
Tybei^t ne fu pas petit liez , 
L'andoiHe prênt con afattiez ^ * 

' AL Afamez. 



86 ROMAN 

L'un des chiés en met en sa bouche, 
Puis la balance, si la couche 
. Desor son dos conme senez , 
Si s'en est vers Renart tornez. 
Conpains , fait-il, si porteroiz 

2280 L'andoille qant vos la rauroiz, 
Qar ele à la poudre n'atouche. 
Ne je ne la soille à ma bouche ; 
Ne la port pas vilainement. 
Moult vaut un poi 4'afaitement 
Que ne iet assez vilanie 
Ne plain un val de lecherie ; 
Et tout einssi nos en irons 
Tant que en tel tertre vendrons 
Où ge Yoi celé croiz fichie. 

2290 Là soit nostre andoilJiç mengie, 
Ne voil que aillors la portons, 
Mes illeques la mengerons. 
Là ne poons-nos riens cremir, 
Que de partot verrops venir 
Toz ceus qui nos vodront mal fere , 
Por ce nos i fait-il bon trere. 
Ren^art de tôt ce n'éust cure. 
Mes Tybert moult grant aleure 
Se met d^van^t lui au chemin, 

23oo Onques de corre ne prist fin 

Tant qu'il est à la crpiz venuz. 
Renart en est moult irascuz, 



DU RENART. 87 

Qu'il s'afMtrçut de la voisdie. 
A plaUie boche U e»crie, 
Gonpaias, dist-U, quar m'ateodcz. 
Renart, dist-il, oe vos doutea, 
Jà n'i aura rien se bien non , 
Mes sui^z moi à ç^ero» r 
Jà mar de riens &er^z en doute. 

23 10 Renard à. met sa force louW t. 
Et $on ^an€ avee avaler, 
Mèi4 ava^nt fM^ent à e«^i|^r 
Tybert qiM $'en va k. gratnt pas , 
Qu'est«r<^6 ,. ne m'atende^*vos pas ? 

Ëin&i s'en va Tyberl devant, 
Et Renart va après corant* 
Tybert ne fu nue à aprendre , 
Bien ao4 monter et bien descendre ; 
As ongles à .Ia croiz se prent , 

2320 Si rampa sus raauU vistement, 
O^Uft \k\k des braz s'est assis. 
ReoArt fi* dolen« et pensis^ 
Qui de voir set que rm^xm l'a : 
Tyberl, faîtH^, q»e (|ue sesa? 
N'est rien, diat Tybent, se bj^ii. non, 
Mes montez sus^. si mengm'oo^. 
Ce sei'oit , 4i&i Reftai tf 9 grant- mal , 
Mes vos Tybert, vèrtei^ aval,' 
Vos déussicA moult J^en- saAfoir 

2330 Qu oesie asidoillir doit avoir. 



88 ROMAN 

Que c'est chose saintetiée. 
Si ne doit pas estre mengiée 
Devant que ele soit partie. 
Si m'en jetez jus ma partie, 
Que trop me feriez grever 
Se lasus m'estovoit monter; 
Mes fêtes ore que cortois, 
Si mengerez tant con voudroiz, 
Si serez de vostre foiz qui tes. 

2340 Renart, que est-ce que vos dites? 
Il semble que vos soiez yvres , 
Je nel' feroie por cent livres. 
Vos déussiez moult bien savoir 
Que tele chose à grant pooir , 
Ce est chose saintefiée, 
Si ne doit pas estre mengiée 
Desoz croiz ne desoz mostier, 
Moult la doit-I'en bien essaucier. 
Biau sire Tybert, ne Vos chaut, 

235o Car poi de place a là en haut, 
N'i porrions ensemble ester, 
Mes or le faites conme ber, 
Puis q'aval venir ne volez. 
Conpains Tybert, bien le savez 
Que vos m'avez vo foi plevie 
De porter loial compaingnie : 
Gonpaingnon se il sont ensemble 
Et il trovent rien , ce me semble y 



I 



DU H EN ART. 89 

Ensemble doivent bien partir 

!k36o Se lor foi ne veulent mentir. 
Partez celé andoille lasus , 
Si m'en getez ma part ça jus^ 
J'en prendre le peschié sor moi. 
Non feré, dist Tybert^ par foi :. 
Conpains Renart , qu'est-ce que dites ? 
•Pires estes que sodomites^ 
Qui me rovez chose jeter 
Que l'en ne doit desenoren 
Par foi jà n'auré tant béu 

2370 Que à la terre le vos ru, 
Moult empireroie ma foi , 
Ce est saintisme chose en loi. 
Andoille avon, bien le savez, 
Conter l'avez 01 assez, 
Or vos dire que vos feroiz : 
Vos souferroiz à ceste foiz, 
Et je vos en doing' ci le don , 
La première que troveron 
Si sera vostre sanz partie, 

2880 Jà mar m'en donrez une mie. 

Tybert , Tybert , ce dist Renart , 
Tu charras encore en mes laz, 
Se tu vels si m'en giete un poi. 
Et dist Tybert, merveilles oi , 
Ne poez-vos dont tant atendre 
Cas poins vos en viengne une tendre 



go ROMAN 

Qui sera vo&tre aanz doutance ? 
N estefi pa$ de boae atendance* 
Tybert a kssié le pledier, 

2^90 Si aqeut l'aBdoUk à mefigier, 

Qani Renart vit qW\\ la meiijue, 
Si U troble aucfues la véue : 
Renart, fet Tybert , moult sui liez 
Qant vos ploi^es por vos peebiex ; 
Diex qui connoist sa repealance , 
Le vos atort à penitance. 
Ce dist Renart, or ni a plus, 
Mes tu vendras encior ça jus , 
A toi le maiiiis qant auiras $oi 

ifioo T'en coAvendra vejoir par moi. 
Ne savez pas, ce dÂ$t Tyberl, 
Gonme Di&x me^i aow ap^r^, 
Encore a tel crues delesi hiqî 
Qui m'estaindra nxoittU bÂen mjx soi ; 
N'a eoicor giieref» cjuie il plut , 
Et de l'eve 038^2 i estu^t 
Ou plus 0» nmm dliWie jaloie 
Que je bevrai eonme la motfi. 
Toute voies,, ee diad ftenart, 

2/|io YeBdr€arvos jii^ oiii tc^t ou tart. 

Ce n'crt, ce difit Tybert,. des mois. 
Si sera, dist Renarl , aiaçois 
Que set anz* soient trespassé , 
Eb qar l'eussiez* vos juré. 



DU RENAIT. 9] 

Et dist ^çn^rt , jje jur le siège 
T^Qt que jç t'auré en mon piage. 
Or serez , c)ist Tybert , déables y 
Se Ge3t $erem0n( n'eat esUbles ; 
Mais à Is^. crpi?^ qar l'afiez , 

2420 Si sera donp mie^ s^kvm^i. 
Ce dist Rçtp^rt , et je l'afi 
Que ]k ne me mpvrai de ci 
Tant que U termes soit venus, 
Si en ^stçré miex créuz : 
Assez eii ^ve^ , dist-il , fait , 
Mes d'^^^ cbo»^ 19e destiait 
Ç,t si, eji ai moult grant pitié , 
Qiie yos n'ayez encycur lYVÇVigié , 
Et set anz d^vez jéw^QV : 

a43o Porrezrvps dpjiQ t3t^t endurer ? 
Ne \ç^ en pp^ rpspçtir , 
Le seremei^t GQvi^t teniiC 
Et la foi que pleyie avç2(. 
Ce dist Renarl , ne yo$ tajnez. 
Et d^^t Tyb^rl , et je m'e» tais , 
Cer^s jà li^'en. parlerai miii$., 
Tere m'çn doi et » est droiz , 
A^ g9Pd^% que lie yos moYOÎs. 
Tyb^t se tafist et si menjue , 

2440 Renart frej(QJM elj si, tressue 
De mautalient et d^ fine ire. 
Qve qvie il ert en cel martire 



97. ROMAN 

Si oit tel noise qui l'esmaie , 
Car un mastîns de loing l'abaie 
Qui en avoit senti la trace. 
Or H covient guerpir la place 
Se il ne velt lessier la pel , 
Car après yienent li chael , 
Et li venieres les seniont. 

i/^So Renart regarde contremont, 

Tybert, dist-il, qu'est-ce que j'oi? 
Atendez, dist Tybert, un poi , 
Et si ne vos remuez mie : 
C'est une douce mélodie , 
Par ci trespasse une compaingne 
Qui vient parmi ceste champaingne ; 
Par ces buissons , par ces espines 
Vont chantant messes et iiiatines, 
Après por les mors chanteront 

2460 Et ceste croiz aoferont : 

Or si vos i covient à estre , 
Ausi fiistes-vos jadis prestre. 

Renart qui set que ce sont chien , 
S'aparçoit qu'il n'est mie bien , 
Mètre se volt as desarez. 
Qaiït Tybert voit qu'il s'est levez , 
Renart, fet-il, por quel mestier 
Vos voi-ge si apareillier? 
Que ce est que vos volez faire ? 

2/, 70 Je me voil, fet-il , en sus traire. 



DU RENART. 93 

En sus ! por quoi , et vos coninent ? 

Soviengne-vos del serement 

Et de la foi qui est plevie, 

Par certes vos n'en irez mie : 

Estez illec , je le conmant , 

Par Dieu se vos alez avant , 

)|ps en rendrez, ce est la pure, 

En la cort Dant Noble droiture , 

Que là serez-vos apelez 
2480 De ce dont vos vos parjurez, 

Et de plus que de foi mentie , 
Si doublera la félonie. 
Set anz est li sièges jurez , 
Par foi pleviz et afiez , 
Con mauves vos en deduiez 
Qant au premier jor en fuiez : 
Moult par sont bien de moi li chien , 
Se vos jà les doutez de rien. 
Ainz que vos fêtes tel outrage 
2490 Donroie-ge por vos mon gage , 
Et vers eus trives en prendroie. 
Renart le let , si vet sa voie ; 
Li chien qui l'ont aparcéu , 
Se sont après lui esméu , 
Mes por noient , que le pais 
Sot bien , que Renart n'ert jà pris , 
Ainçois s'en va grant aléure. 
Moult menace Tybert et jure 



94 ROMAN 

A lui se voudra acoupler 
'25oo Se jamès le puet encontrer. 

Esforciez est vers lui la guerre , 
Ne vell mes trives ne pès querre. 



DU RÉWART. gS 



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Cm d^ %t)bm le €i)dt et de!0 Irtùf jprmred* 

TyséAI- te chat dont je ai (Ht , 
Doftte Kenatt ài^se^ pértif! , 
Ne qniért ôvoir frères ne pès. 
Es-vos déus pi^estres à esiès 
Qui en aloient stn saint sane , 
Li uns ot uiie yiez baleane , 
Et li autres ôt desoz soi 

aS 1 o Un souef anblaÉrt palefroi. 
Cil alegue a Tybèrt choisi ^ 
Conpariis , dfet-il , esleî: ici , 
Quel béste est-ce q«re je voi là ? 
Cuîvért, disl li autres, esta, 
C'est uns meFvëiUetts chatz putois. 
Ha ! Ûiex î c&n je seroîe roi^ 
Se le pooie as points tenir 
A moti chiéf po* le froit courir, 
Poî* ee qtie il bône pel' a^! 

2620 Boft chape! et grant i a^tra: 

Certes- gÉ'ffM mestîer en aroie. 

Diex nos amena ceste voie 

Qui bien savoir le grant rtiestier': 

Or en feré apareiRier 

Tout à vôstre los un chapel , 

Et pôr agencier le plus bel 



96 ROMAN 

Me sui porpensez d'une rien , 
Se vos loez que ce soit bien , 
Que je voil sa qeue lessier 
2538 Por le chapel agrandoier, 

Et por mon col covrir deriere : 
Véez con est grant et pleniere. 
Dist li autres, or oi bon plet, 
Por amor Dieu q'ai-ge mesfet 
Ne mespris en nule baillie. 
Que doie perdre ma partie? 
Ce dist li autres , non avez , 
Mesire Turgiz, ne savez 
Con je en ai moult grant mestier , 
?54o Por ce cel me devez lessier. 

Lessier! fet-il, por quel servise? 
Quel bonté ai-ge de vos prise , 
Por quel chose, por quel mentes 
I^ vos leroie, ce me dites? 
En mal éur , dist Rufrangiers , 
Trop par estes adès maniers, 
Jà mar du vostre i aura rien : 
Or soit partie, jel' voil bien , 
Mes d'itant sui-je mal-bailliz 
a55o Conment il doit estre partiz. 

Je le sai moult bien , par ma foi , 
Jà mar en serez en efiroi. 
Que se fere en volez chapel , 
Nos en ferons prisier la pel , 



DU RENART. 97 

Et de la moitié le vaillant 

Ferez en après mon créant. 

Dist Rufrangiers , feson le bien , 

Le Chat voil-ge tôt quite mien 

Et nos alons au sane ensemble , 
a56o Et si mehgerons y ce me semble , 

Qiie ce ne poons-nos véer 

Que ne nos coviengne escoter , 

Por moi et por vos paierai > 

Par tôt vos en aquiterai , 

Et vos m'afiez loiaument 

Que vos nel' ferez autrement, 

Mes la pel quite me lairez 

Ne. jamès rien n'i clamerez. 

Honte ait qui vée, dist Turgiz, 
2.570 Tenez , sire , je vos pleviz 

Et loiaument le vos afi. 

Bien est , dist Rufrangiers , i$si , 

Mes liquex de nos la prendra? 

Ce dist Turgiz , qui el sera , 

Je n'i claim riens ne rien n'i ai , 

Ne jà ne m'en entremetrai, 

Ne par moi n'i aureps aie. 

Por ce ne remâindra«-il mie , 

Dist Rufrangiers , que il n'ert mien , 
258o Or vos en coviengne dont bien. 

Rufrangiers de la croiz aprocbe, 

Que riens plus au cuer ne li toche 

I- 7 



g» ROMAN 

Fors Tvbert le Chat trere à soi, 
Mes trop ot petit palefroi , 
Si n*i pot ataindre en séant, 
Sor la sele monte en estant. 

Qant Tybert vit qu'il est dreciez, 
Par mautalent est hericiez , 
Escopi Ta enmi le vis , 
aS^o Puis done un saut, sel' fiert des gris, 
La face li a gratinée , 
Jus Tabati teste versée. 
Si que le haterel derrière 
Li est cbaû en la chariere , 
Par pou que n'est escervelez. 
Deus foiées s'estoit pasmez , 
Li prestres jut en pâmoisons , 
Et Tybert sailli es arçons 
Qui vuidié furent du provoire , 
a6oo Et li chevax s'en torne en oire 
Qui avoit esté esfréez. 
Tant fuit par chans et par arez , 
S'a tant erré qu'il vint tôt droit 
A l'ostel dont tornez estoit , 
Et la famé au provoire estoit 
Enmi sa cort où buschetoit. 
Ne vit pas le cheval venir, 
Et il vint enz de grant air , 
Tel cop li done en la poitrine 
2610 Que il Ta jetée souvine. 



DU RENART. 99 

Bleciée fu , si ot péor 
Qant ele ne vit son seignor : 
En la sele où il seul séir * 

Vit dant Tybert desus cropir , 
Bien cuida ce fussent déable. 
Le cheval sailli en l'estable, 
Et dant Tybert toz jors en son, 
Qui bien conoissoit la roeson. 
Moult li estoit bien avenu. 

2620 Que ne l'ont mort et retenu. 
Le cheval lessa estraier , 
Puis s'en est aie ostoier. 
Li prestres qui jut contre terre , 
Ne sot bon palefroi oîi guerre , 
Son compaignon apele à soi , 
Amenez moi mon palefroi , 
Bian conpains, car le m'ensaigniez. 
Estes-vos, distTurgiz, bleciez? 
Bleciez , dist-il , ainz sui tuez , 

263a Ne fut pas chaz, einz fîi maufez 
Qui nos a fait ceste envaïe , 
Déables fu , n'en doutez mie : 
Ice sai-ge de vérité , 
Que nos somes enfantosmé , 
Ne jà de cest ost n'en istron , 
Ce sachiez, que nos n'i perdon. 
Ne sui pas aséur de moi 
Qant perdu ai mon palefroi. 



loo ROMAN 

Lors conmence une kyriele, 

:i64o Sa credo et sa miserele , 
Pater noster, sa letanie, 
Et sire Turgiz U aie. 
Sovent gardoient s'il véissent 
Ainz qu'à la voie se méissent, 
Tybert et le cheval ensemble , 
Mes nel' virent pas , ce me semble. 
Qant il nel' voient, si s'en vont, 
Ghascuns fet croiz enmi son fix>nt : 
Ore est li sanes respitié , 

a65o Que Rufrangiers est moult bleciez. 
A son ostel en est venuz , 
Moult fu dolenz et irascuz ; 
Sa famé li a demandé 
Quel vent vos mené et c[uel oré ? 
Pechié, dist-il, et enconbrier. 
J'encontrai hui un aversier 
Entre moi et mon conpaignon 
Seignor Turgiz de Lonc-Buisson y 
Qui nos à toz enfantosmez, 

a66o A paine en sui vis eschapez. 



DU RENART. loi 



M*M 



Bi rimtru Eenart cmpa h tqbart la cfome. 

Ce fîi en mai au tens novel 
Que il fesoit seri et bel, 
Tôt droit eutor l'AceusioD , 
Que Renart & en sa meson, 
Sanz garîson et sanz vitaiUe , 
Si a tel &in que il baaille , 
De la Mn li delt moult U cor$. 
De Malpertuis s'en issi fors 
Grant oire trestout eslessîé , 

2670 Si s'en' feri en un plessié : 
Moult ot le cuer vain et ire- 
Tybert U chaz a en<?ontré , 
Meintenant l'a à reson mis , 
Tybert , fet-il , biax doz amis , 
Quel vent vos medne , dites moi ? 
Sire , fi^t Tybert j par m^ foi , 
Je avoie enprise ma voie 
Ghiez un vilain lç;5 ceste haie 
Que vos véez là devant nos : 

2680 Li vilain a, foi qœ doi vos. 
Une famé qu'il aime tant , 
Que rieui qu'il voille tant ne qant 



loa KOMAN 

Ne li contredit , tant soit let. 
Cele a mucié plain pot de let 
En une huche, et là m'en vois 
Tôt eslessié parmi cel bois, 
Savoir s*i porroie avenir : 
Se tu en vels o moi venir. 
Je te métrai en la meson , 

2690 Mes par foi soies conpaignon , 
Gelines et chapons i a. 
Renart repont , et g'irai là , 
Je t'aséur, moult volentiers. 
Atant se metent es sentiers 
Grande alénre et le troton 
Tant qu'il vindrent à la meson 
Qui tote estoit close de piex. 
Dex, dist Renart, biau sire Diex^ 
CoAment porrons entrer dedens ? 

2700 Ces piex sont si entretenanz 

Que n'i porrons mètre les piez. 
Dist Tybert, ne vos esmaiez. 
Moult bien , ce croi , vos i metron. 
Lors s'en vont entor la meson 
Tôt bêlement, le pas soé. 
Si ont trové un pel froé : 
Enz se metent sanz atargier. 
Renart vet vers le gelinier 
Que plus ne volt sienre le chat. 

2710 Tybert qui moult sot de barat. 



DU RENART. io3 

S'apensa conment porra fere 
Privéement le son afere. 
Renart , ce dist Tybert li chaz , 
Moult vaut bons qui set de baraz ; 
Par b^rat nos covient ovrer , 
Car ne pômons recoyrer 
Geste perte, se là perdons 
Ce que entre nos mains tenons. 
Le vilain se dort finement y 

2720 Or nos contenons sagement : 

Ne poons pas tôt fere ensemble , 
Le miex à fere , ce me semble , 
Si est que li uns face avant ^ 
Et puis l'autre je vos* gréant. 
Et dist Renart, en toz endroiz 
Fet ert einsi con vos vodroiz. 
Et dist Tybert, sez que feras , 
En la meson o moi venras , 
Car se tu seus vas as chapons , 

11730 II a çaiens de tiex gaingnons, 
S'il te sentent, il t'assaudront 
Et moult tost retenu t'auront , 
Et se il t'avoient blecié , 
J'en seroie trop coroucié 
Se je perdoie mon afere ; 
Mes vien çà , se tu vels bien fere , 
Avecques moi tant qu'aie fet, 
Et se tu vels avoir du let , 



I04 ROMAN 

Tu en auras à grant plenté. 

1740 Renart dist, vostre volenté 
Feré, que que doie avenir, 
A Tostre los m'estuet tenir : 
Alez devant, g'irai après, 
. Sachiez je vos sieuré de près. 
Atant sont à l'ostel venu , 
Tybert qui plus vesiez fu , 
Si est dedenz entrez avant , 
Puis dist, Renart, se Diex t'avant, 
Gà vien , si susleve la huche , 

fi75o Du let i a plaine une cruche. 
Or soies mes amis entiers. 
Par foi, dist Renart, volentiers. 
LfOrs ne se volt plus atenir 
Renart, ainz va la huche ovrir. 
Et Tybert lors dedenz sailli , 
Au pot en vint , n'a pas failli , 
Dedenz a sa teste boutée , 
Au let boivre met sa pensée , 
Et Renart la huche sostient 

2760 Qui por le let fremist et gient. 
Il^sçmble la langue li arde , 
Et moult piteusement Fesgarde 
Tybert qui le let hume et boit, 
Et cil qui la huche tenoit , 
Estoit durement à malaise. 
Tybert, fait-il, es-tu aaise? 



DU BENA.RT. 
As-tu ce que tes eue» voloit ? 
Or as-tu ce dont te dolôt 
Tes eaen hui matin doreme&t. 
Soles cortois , se des t'amant , 
Si hume tost et si t'en is. 
Foi que je doi à isint Denis, 
Geste huche forment me grieve , 
Et par un poi que je ne crieve. 
Tybert entent tant à hmner 
C'oncpies ne U veut mot loiier. 
Autre foiz Va. à reaon uns , 
Tybert, Tybert, biax doK amis, 
For Dieu hume tost , haste4tH , 
Ou la huche dum stH* toL 
Tybert si entent moult petit 
A ce que daat Kenart U dîst , 
A humer a s'entente mise. 
Tant eu huma à sa devise j 
Qant ot humé tant con li plot, 
Si tresboscfaa tôt jos le pot 
Et fôpandi le let trestot. 
Renart h dîst, tu es trop glot » 
Por qoi as le pot abatu ? 
Miex vosisse que bien batn 
sréusses, et après bien point. 
Bien voit que dn let n'anré point , 
Et neptwqant bii, si sail hors 
Que trop gui traveillié du cors 



1 



io6 ROMAN 

De ceste huche sostenir , 
Il te convient hors à venir. 
Compains, fet-il, et je Totroi, 
Mes atent moi encore un poi. 
Je ne puis, dist Renart, por voir, 

2800 La huche lesseré chaoir 

Se ne viens hoi's hastivement, 
Que trop me grieve durement. 
Tybert se prent à soupirer 
Qant voit c[u*il ne puet endurer , 
Maintenant avoit fet un saut. 
Renart tint le covercle haut, 
Et Tybert saut hors de plain vol , 
Et Renart let chaoir si fort 
Le covercle , et si l'empaint , 

a8io Tybert en a la qeue ataint 

Si grant cop que ne fu pas gieus , 
Tronçonnée li a en deus , 
Que le covercle sus chaï. 
Tybert li chaz si s'esbahi , 
Tel douleur senti à son cuer 
Que ne se tenist à nul fuer, 
A terre le covint venir , 
Por riens ne se pooit tenir, 
Si a Renart araisonné : 

3820 Renart , tu m'as mal atorné 

Que tu m'as la qeue trenchie , 
Si en ai sofTert grant hachie. 



DU R£NART. 107 

Quoi , dist Renart , par ma vertu , 

Ce n'ai-je pas fet que dis-tu ; 

Tu saillisnde si grant aîr 

Que la huche féis chair. 

Je nou fis, par saint liénart, 

Jà n'est-il hons qui por musart 

Ne me tenist se fet l'eusse , 
383o Certes si corouciez ne fusse , 

Je te teni^se por musart. 

Diva, tès-toi, ce dist Renart, 

Tu en doiz avoir moult grant joie , 

Car tu sez bien , se Diex me voie , 

Que tu as le cors plus legier. 

De ce n'avoie-je mestier, 

Dist Tybert ; saches-tu de voir , 

Nel' vosisse por nul avoir 

Que tu n'as qui te croie lores. 
2840 Dist Renart, tôt est forelores. 

Que tu es certes trop musart, 

Ta qeue estoit un apesart 

Qui au cul t'aloit debatant : 

Or lessons de la qeue atant 

Qui ne puet estre recovrée , 

Di moi en vérité provée 

Se n'en vas plus legier assez. 

Et dist Tybert, vos me gabez. 

Gabé , dist Renart , à qoi fere ? 
a85o Que as-tu de cele qeue afere ? 



io8 ROMAN 

S'on te chaçoit , se Dex m'amant , 
Plus fuiroies legierement. 
Bien voi , si n'est pas gaberie , 
Foi que je doi Hersent m'amie , 
Et Hermeline et ses enfanz , 
La moie qui est einsi granz , 
Yodroie fust par mi coupée. 
Dist Tybert , bone Tas trovée , 
Mes or lessons atant ester , 

2860 Si en alons sanz demorer 

Tôt droitement sanz delaier 
Droit là où est li gelinier. 
Et dist Renart , par saint Richier , 
Je voil que aions à mengier. 
Atant s'en issirent de Tuis 
Tôt bêlement par un pertuis ; 
Droit as chapons en vont corant 
Que il ne se vont delaiant , 
Il sont au gelinier venu* 

2870 Tybert qui porpensé se fii 9 
En a Renart à raison mis , 
Renart, &t-il, biax douz amis, 
Li chapon sont ici dedenz , 
Mes se me créez par mes denz, 
As gelines ^e toucherez , 
Ainz vos dire conment ferez. 
Vos prendrez le coc tôt avant , 
Qui a le cors et gras et grant; 



DU R£NART. 109 

Et leasiez ester les gelines 
2880 Qui trop ont megres les eschines. 

Megres sont et entrepelées , 

Dures et vielles et crotées ; 

Le coc si est jones et tendres , 

Et si est des autres moult mendres , 

Et si i metroit jà dangier 

Qant vos vendrez au gelinier , 

Se les gelines perniez 

Et se vos les sesisiez , 

U s'escrieroit jà si haut 
2890 Que il esveilleroit Gombaut , 

Si vos feroit trop acheter, 

Se il vos povoit atraper, 

La pel i lairiez por voir. 

Renart quide qu'il die voir , 

Mes non fet, ainçois le gaboit : 

Lors sot Renart trop pou d'aguet. 

A Ghantecler tôt droit s'en vient, 

Qui son bec en sa plume tient : 

Delez Pintain estoit à destre , 
2900 Renart le prent parmi la teste , 

Qant il le tient grant joie fet. 

Tybert qui estoit en aguet, 

Qui moult le bée à engingnier , 

De la main se prent à seignier , 

Si U a dit , tien le tu bien ? 

Garde ne t'eschape por rien ; 



no ROMAN 

Ne le tiens-tu bien , di le moi. 
on, dist Renaît, par ma foi , 
Je le tieng par col et par cuisse , 

agio Ne m'eschapera que je puisse. 
Si con Renart ovri la goule , 
Celui qui tôt le monde boule , 
Le coc li sent lascher la bouq|ie, 
Bat ses êles et si s'en touche ; 
Si conmence à chanter si haut 
Que li vilain sire Gorobaut 
Qui se dormoit, s'en esveilla, 
Drece la teste, s'oreilla, 
Si a oï dant Renardier 

2920 Qui jà estoit au gelinier, 
Si cuida estre toz robez. 
De son lit saut tôt effréez , 
Ses chiens apele et sa mesnie , 
Du fuerre prent une bracie 
Et si Ta el fournier jeté ; 
Le feu est tantost alumé 
Si que parmi la n^eson voit. 
Au gelinier en va tôt droit, 
Et avec lui ses chiens en maine. 

2930 L'uis a overt à quelque paine , 
Et qant Tybert l'a entendu , 
Fuiant s'en va col estendu, 
Et tôt coiement s'en eschape , 
t Renart remest en la trape 



DURENA.RT.- m 

Qui moult fort à fouir s'atorne. 
Si ne remaint ne ne séjome , 
Les granz sauz se met à la fuie , 
Et li vilain après le huie. 
Ses chiens , sitost con Font véu y 

ûg^o Et qant il l'ont apercéu , 

Après se mistrent en sa trace , 
Et Renart durement menace 
Tybert, se il le puet ataindre , 
Il le fera crier et geindre , 
Qui tout ce li a esméu. 
Et que por fol l'a-il tenu , 
Et li vilains le va huiant. 
Tybert le chat s'en va riant , 
Grant joie fet et moult est liez 

2950 Que de Renart sVst bien vengiez , 
Qui par barat Tôt escoué , 
Et vient tôt droit au pel froé , 
Si est sailliz hors del porpris. 
Ne li chaut, puisque il n'est pris, 
Que à Renart huimès aviengne, 
Au miex que il porra se tiengne. 
Mes Renart le sieut plus de près 
Qu'il ne cuide , et li chien après 
, Vint au pertuis et au destroit 

âg6o Par là où il entrez estoit , 
Si se cuide parmi lancier. 
Li chien pristrent à avancier, 



113 ROMAN 

Si l'aerdent au peliçon , 

Bien li valut une friçon. 

Desoz lor piez l'ont abatu , 

Moult l'ont défoulé et batu , 

Moult l'ont atorné malement. 

Renart l'endure bonement , 

Bien voit n'en pot fere autre chose , 

2970 Car il ne pot ne fouir n'ose , 
Si con li chien le vont tirant. 
Renart qui moult va soupirant, 
En aert un par les narilles 
As denz qu'il a et fors et fines , 
Et si le fet crier et braire. 
Qant li chien voit n'en puet plus faire, 
Saut en travers , s'escost la teste , 
Et Renart qui fîi pute beste , 
Li a la nariile coupée , 

2980 Entre ses denz l'en a portée , 

Vint au pertuis, parmi s'en fuit, 
Nel' bailleront huimés, ce cuit. 
Fuit s'en Renart de grant randon 
Tant con il puet à esperon , 
Tant con piez le porent porter , 
Que dant Tybert cuida trover, 
Mes il ne l'a mie trové. 
Sachiez que moult li a grevé , 
Se Tybert l'eust atendu , 

2990 II li éust moult chier vendu 



DU RENART. îi3 

L'estrif que li chien li ont fet. 
Fuiant s^en va tôt un garet , 
Que grant péor ot des gaingnons , 
N'i atent per ne conpaingnons. 



114 ROMATi 



dt (mmt tUnaxt ftet prinuutt U firrrr 

Or escoutez une autre estoire, 
Si vos conteron d'un Provoire 
Qui passoit au travers d'un plain : 
Une boiste porte en son sain 
Qui toute estoit d'oublées plaine. 

3ooo Li Prestres passoit à grant paine 
Une soif que à passer ot , 
Et la boiste, qu'onques nel' sot, 
Li chaï qu'einz ne s'en parçut. 
Renart qui cele part corut 
Trove la boiste , si la prent , 
En son sain la mist justement, 
Onques n'en fist noise ne bruit , 
Toz en travers les chans s'en fuit 
Tant qu'il fu bien loin de la voie. 

3oio Lors dist Renart, se Diex me voie, 
Je verre jà que ici a. 
La boiste ovri , si i trova 
Moult bien cent oublées ou plus, 
Et il les menja sanz refus , 
Toutes fois quatre qu'il enporte. 
En tost aler moult se déporte : 



«> 



DU RENART. ,,5 

En sa bouche tient les oublées 
Qui furent en deus plois doublées. 
Âtant s'en monte un tertre haut, 

3o2o Garda avant, si vit Primant 
Le Leu qui fu frère Ysengrin, 
Qui s'en venoit tôt un chemin 
Et de tost aler s'esvertue. 
Si voit Renart, si le salue : 
Sire Renart , bien veniez-vos. 
Primant , Diex benéie vos , 
Fet Renart, et bon jor aiez: 
Dont venez- vos si eslessiez? 
Oii alez ? por chanter m'en vois 

3o3o A un moustier outre cel bois, 
Por mengier i sui aroutez; 
Mes que est-ce que vos portez ? 
Par foi , ce dist Renart, gastiax 
De mostier moult bons et moult biax. 
Gastiax! fet Primant, par Saint Gile, 
Oïl les préistes- vos, biax sire? 
Où ? par foi là 011 il estoient , 
Nul autre fors moi n'atendoient. 
Donez les moi, biax amis chiers. 

3o4o Par foi, sire, moult volen tiers, 
Fet Renart qui ne fu pas y vres , 
S'eles valoient cinc cent livres, 

Atant li a Renart douées 
A bêle chiere les oublées. 



ii6 ROMAN 

Moult furent bones à Primaut , 
Renart , fet-il , se Diex te saut , 
Oïl les préis? en as-tu mes? 
Nenil^ fet Renart, mes ci près 
Les pris-ge dedenz un moustier. 

')o5o Moult par sont bones à mengier, 
Fet Primaut , se plus en avoie 
Moult volentiers en mengeroie , 
Foi que doi à Tame mon père, 
Que je sent la fain trop amere 
Qui me destraint : par Saint Germain 
Ne menjai hui ne char ne pain, 
Ne poisson ne autre vitaille, 
Péor ai le cuer ne me faille. 
Tout ce, dist Renart, n'a mestier, 

3o6o Vien , si iron à un mostier 
Où il en a encor assez 
Tant que tu soies respassez 
De la fain qui si mal te trace. 
Tu en auras par Saint Romacle. 
Tele viande huimès auras, 
A ta volenté en prendras. 
Renart, fet-il, gari m'avez, 
Por Dieu se tant fere povez 
Que je peusse ma pance enplir, 

3070 Encor le vos porré merir 

Tele ore que besoing auroiz. 
Par mon chief et vos en auroiz , 



DU RENART. 117 

Fet Renart , se me volez croire , 

Tout maugré le nés au provoire : 

Le moustier si est ici près, 

Alez avant , g'irai après. 
Atant se metent à la voie 

Renart et Primaut à grant joie; 

Bien ont le droit chemin tenu 
3o8o Tant qu'il sont au mostier venu 

Dont li Prestres fu Chapelains 

Dont là boiste chaï des mains. 

Qant Primaut le vit , si fu liez , ^ 

Soz le soil as mains et as piez 

Font fosse desoz un degré; 

Tôt maintenant sont enz entré. 

A grant plenté i ont trovées 

Oublées bien envelopées 

Dedenz une blanche toaille. 
3090 Primaut qui durement baaille 

Por la fain qui si le destraint , 

La toaille prent , s'es ataint ; 

Si les ot plus tost desnoées 

Que l'en éust ses mains tornées, 

La boiste en a bien délivré. 

Renart , fet-il , bien as ouvré 

Que tu m'as ma volenté fête, 

Mes cist mengiers moult me deshaite , 

Car qant je plus en mengeroie, 
3ioo Et ge voir grenor fain aroie; 



DU RENAUT. 119 

Le pain, le vin et la char tenre, 
3i3o Et andui s'asient à terre", 

Si ont andui mengié ensemble 

Pain et vin et char, ce me semble, 

A grant plenté et à foison. 

Se il fussent en lor meson , 

N'éussent-il pas grenor joie. 

Renart dist souef qu'en ne l'oie , 

Primaut, moult es ore haitiez, 

Mes se Diex ait de moi pitiez, 

Ge métrai engin et entente. 
3j4o Primaut, fet-il, moult m'atalente 

Que si bien estes conréez , 

Versez du vin et si bevez, 

Et n'aiez péor de nului. 

Moult vos est bien avenu hui. 

Dist Primaut, sachiez sanz mentir, 

Assez en bevron par leisir. 

Car assez en avon , ce croi , 

Se estion encore troi , 

A grant foison et à plenté. 
3i5o Tant burent à lor volenté 

Qu'à Primaut le cervel bolut. 

Renart qui moult bien l'aparçut, 

Li dist, conpains, riens ne feson 

Qant du vin assez ne bevon , 

Car en bevez , sire Primaut , 

Et si soiez joiant et haut. 



I20 ROMAN 

Si faz-ge, dist-il, par ma foi; 
Et tu, Renart, verse, si boi. 
Si faz-ge, dist Renart, assez, 

3 160 Mes vos, biau doz amis, bevez, 
Que trop vos voi de boire lent , 
Bevez un poi plus durement : 
De boire vos voi recréu. 
Dist Primant, je boif plus que tu. 
Non fez, dist Renart, par ma foi , 
J'en ai bien béu plus que toi 
Qui vaut la monte d'un fer d'asne y 
Mes tien le henap, si di, bave, 
Conpaingnon, je te di guersai. 

3170 Par foi , dist Renart , je l'otrai , 
Or verrou qui est recréuz, 
Et par qui ert plus tost béuz 
Le vin, et le henap vuidiez. 
Renart , fet-il , vos me cuidiez 
De vin mater, mes non ferez, 
Or verrai conment vos bevrez. 
Vidiez le henap que tenez, 
Puis Templez, si le me rendez, 
Jà n'en ire à vos faillant. 

3 180 Renart fet de boire semblant, < 
Tout le vin giete en son sain. 
Cil qui n'a pas le cervel sain, . 
De rien nule ne s'aparçoit , 
Renart le remple , et cil boit 



DU RENART. isi 

A moult grant joie et à grant feste, 

Li oil lî luisent en la teste 

Autresi com un vif charbon. 

Noble cuide estre le Lion 

Et Renaît soit de sa mesnie. 
3190 Renart fet bêle chiere et lie. 

Et sovent à boivre li done , 

Por noient fiist delez la tone ; 

Et Primaut bevoit durement. 

Renart si li forre souvent 

Autresi con s'il fust à feste : 

Le vin est montez en la teste 

A Primaut , tant en a béù. 

Renart, fet-il, avez véu 

Que. Diex nos a amené ci , 
3200 Moult avon bien esté servi, 

La merci Dieu, à.cest souper 

Se nos ftison maior ou per. 

Ne péussons pas estre miex : 

Or vos di-ge bien par mes ieux 

Que je voii orendroit aler 

A cest autel messe chanter, 

Et je voi tôt prest sor l'autel 

Le vestement et le mesel. 

Por ce i furent mis sanz doutance , 
3210 Et je me recors de m'enfance, 

Apris à chanter et à lire , 

Jà m'en orrez del plus bel dire« 



Il» ROMAN 

Qant Renart la parole oi , 
Dedenz son cuer s'en esjoï 
Que asotez est vraiement. 
Primaut aura son paiement , 
Si que il sera moult dolenz 
Ançois qu'il isse de laienz , 
Tu porroies bien tel chant fere 

3220 Qui te torneroit à contrere; 

Chanter ne doit nus , bien le sez , 
Devant que il soit ordenez 
Ou soit prestres, ou chapelains, 
Ou il soit coronez au mains. 
Foi que je doi Saint Lienart , 
Vos dites voir, sire Renart, 
Fet Primaut qui ainz n'ot savoir, 
Je cuit et croi vos dites voir ; 
Jà por ce n'ert li dez changiez, 

323o Mes por Dieu car me conseilliez 
Qui me porroit corone faire. 
Ne voil pas lessier cest afaire , 
Ma parole m'estuet sauver, 
Vespres m'estuet ici chanter, 
Vigilles et messe sanz faille, 
Tôt ce feré ainz que m'en aille. 
Ses^-tu qui corone me face ? 
Dist Renart, se Diex bien me face, 
Se je puis un rasoir trover , 

3240 Je vos vodré bien coroner, 



DU RENART. ia3 

Et vos métré au col Festoie 

Tôt sanz le congié l'ApostoIe; 

Je méismes d'autorité 

Vos don de chanter poesté. 

Jà autre Evesque n'i arez, 

Maintenant coronez serez, 

Bien en puis estre vostre mestre, 

Autresi fui-je jadis prestre. 

Vos dites voir, ce dist Primaut, 
32 5o Tôt maintenant en estant saut, 

Et Renart et Primaut aussi 

Par le moustier s'en vont andui , 

Si cherchent angles et fenestres. 

Et Primaut qui volt estre prestres , 

Si s'en va par laiens chantant 

Et par ces piliers apoiant ; 

Et Renart qui moult sot de frape , 

Garde derrier l'autel Saint Jasque, 

Tantost a trovée une aumoire 
3260 Si oon nos trovons en l'estoire : 

Sachiez, c'est vérité aperte. 

Maintenant Ta Renart overte , 

S'a dedenz un rasoir trové 

Qui moult estoit bien afilé, 

Et uns cisiax et un bacin 

De laton bon et cler et fin : 

Maintenant l'a saisi Renart. 

Et Primaut dist , se Diex me gart , 



ia4 ROMAN 

Bien vos est, fet-il, avenu, 

3270 Diex vos a hui cest jor véu, 
Moult fet bien vostre volenté, 
Car ostiex avon à plenté , 
Cisiax bien trenchanz et bacin, 
Et un rasoir et bon et; fin , 
Ne nos fout qu'eve solement. 
Et celui qui moult poi entent 
A chose que Renart li die , 
Coiz se tient, si ne respont mie. 
Renart qui moult set de mal art , 

3-280 Si regarde de l'autre part , 
Et a pris garde tôt entor , 
Si a véu desouz la tor 
Les fonz trestoz sanz coverture , 
Si s'en torna grant aléure , 
Et fet grant senblant d'omelie. 
Dedenz a le bacin puisie 
Au plus bêlement que il pot. 
Si c'onques Primaut ne le sot ; 
Onques garde ne s'en dona, 

3-290 A lui vint, si l'araisona. 

Conpains , dist-il , entendez çà , 
Je cuit que Diex vos aidera , 
Ce nos est venuz en souait , 
Je cuit que granz vertuz i ait. 
Renart , par ce povez savoir 
Que Diex velt mon service avoir, 



DU RENART. laS 

Et il l'aura sanz plus d'afere , 
Venez moi tost corone fere. 
Par foi, dist Renart, volentîers, 

33oo Je voi bien qu'il en est mestiers. 
Lors s^est Primant à terre asis, 
Et Renart l'a entre mains pris; 
L'eve sor la teste li rue. 
Cil ne dist mot ne ne remue, 
Ainz se tient tôt qoi et en pès , 
Et Dant Renart si l'avoit rès 
Que il n'i donoit pas deus billes, 
Corone fet jusqu as orilles. 
Et qant l'ot fête , si li dist : 

33 lo Primant, fet-il, se Diez m'aîst, 

Tu me doiz savoir moult bon gré 
De ce que je t'ai corone. 
Si faz-je , à la foi que doi : 
Ai-je corone? oïl, par foi, 
Se ne m'en créez , tastez i. 
Moult volentiers, par Saint Rémi, 
Fet Primaut, trestot soavet 
Tôt maintenant la main i met. 
La corone a bien detastée, 

3320 Si la trova et grant et lée. 
De leus en leus. entrepelée; 
Lors a grant joie démenée , 
Puis li a dit, Renart biau mestre. 
Par mon chief or sui-je bon prestre. 



ROMAN 

Or ne voil-je plus tlemorer 
Que je n'aille messe chanter, 
Jà n'i aura plus ateodu. 
Et Reuart li a respondu : 
Primaut biax amis , non feras , 
Les sains tôt avant soneras , 
Car on ne doit messe chanter 
Devant qu'ait fet les sains soner ; 
Sonez les, si ne vos soit grief. 
Vos avez bien dit, par mon chief , 
Fet Primaut, je les soneré. 
Et puis après si chanteré. 
Atant s'en est venuz as sainz 
Si grant oirre con il pot ainz , 
Et les cordes corut saisir, 
Les sains sone de grant air 
A glaz, à treble, à carenon. 
Et Renart a pris son giron 
Qui de rire ne se tenist, 
Se toz ses parenz mors véîst, 
Sa bouche en estoupe d'un pan , 
Puis dist, amis , ahan, ahan, 
Sachiez bieu U's cordes, sachiez. 
Si faz'ge, dist-il, ce sachiez, 
Onques mes |>ai' nui ordené 
Ne furent saiiil si bien soné 
Conme cil seront, se je puî».'.-"^- 
Et Renart respont , biax 



^ 



DU RKNABT. 
Tirez les deus cordes easetnble , 
Trop sonent petit, ce me semble; 
Gelé eschielete par delà , 
Et Diex, com très bon son ele a! 
Sachiez la corde , si wroiz. 
Par foi , dist Primaut, ce est droiz. 
Qui donc le véist etforcier 
Les cordes tirer et sacbier, 
Ne se péust tenir de rire, 
Jà soit ce que il oïst dire 
Que ses pères fust en la bière. 
£t Renart qui fel bêle chiere, 
Et tant fu sages et pensez, 
Et de barat bien doctrinez, 
Si li a dit, Primant, amis. 
Je vos ai en grant paine mis, 
Lessiez ester, car trop sonez. 
Cil respont , qant vos le volez 
Il me vient moult bien à plaisir ; 
Atant a fait le glaz fenir 
Qui moult avoit fet longue lesse, 
Et toz jors à l'autel s'eslesse 
Au plus lost que il pot venir, 
S'ala des vestemenz vestir ^ 

L'aube et j'amist tôt sanz dangîer. 
Et Ren«rL li cunit aidier; 
Moult fiflCVKttt li nïtl» . 
La soroflîhli' k^'>\\u U . 



L 



128 ROMAN 

Et puis le fanon et Testole. 
Renart rit de ce qu'il l'afole, 
Tôt bêlement dit qu'en ne l'oie, 
Primant , encor aurez grant joie 
Qant on vos roillera le dos : 
Déable vos ont fet tant os, 
Miex vos venist peschier au truble. 
Âtant Primant prent la chasuble. 
Tôt maintenant l'a endossée : 

3*^90 La corone qu'iert grant et lée , 
A aplaniée de sa main, 
Et à l'autel vint tout de plain 
Tôt maintenant qu'il n'i ot el, 
Et si a overt le mesel : 
Les foilles a pris à torner. 
Renart n'a soing de séjorner. 
Qu'il avoit d'encontre pëor, 
Por ce n'ot cure de séjor; 
Par là où il estoit entrez 

3400 S'en est issuz tôt adentez. 

La fosse qui ert grant et lée, 
A tôt maintenant estopée, 
La terre avoit ariere mise. 
Et Primant remest en l'Iglise 
Tôt revestu devant l'autel : 
Son penser a mis à chanter. 
Durement uUe et brait et crie. 
Li Prestres a la noise oïe 



DU RENART. lag 

Et si avoit les sainz oîz : 

3410 De son lit saut toz estordiz, 
Si a une chandoile prise, 
Au feu* en vient si l'a esprise, 
Si escrie son clerc Gilain , 
Et sa famé et son Chapelain , 
Et si prent la clef du mbstier 
Et à son col porte un levier. 
La Dame i porta une grouge, 
Et li Chapelains la coorge, 
Et li Clers a pris une mace , 

34ao Qui fu hardiz conme limace, 
Et tuit sont de Tostel issu, 
Droit au mostier en sont venu. 
Li Prestres qui moult sot d'^guet , 
Par un pertuis (ist son aguet. 
Si voit Primant qui uUe et crie, 
Et sachiez qu'il nel' conut mie 
Por la teste qu'il vit pelée. 
Et la corone grant et lée. 
L'uis fet sovent clorre et ovrîr, 

943o Et si l'ot uUer et glatir 

Aussi conme se fust déable. 

I 

Ne cuidiez pas que ce soit fable. 
Que si grant péor a eue, 
Tote l'en trouble la véuc; 
S'est à terre pasmé chaû, 
Et la Dame l'a connéu, 

ï- 9 



iBo AOMAN 

Conmence à crier et à brere , 
Et li Clerc ne se volt plus tere, 
Par la vile s'en va criant, 

3440 Les vilains va toz esveillant. 
Or sus, fet-il, or sus, or sus, 
Ârmez-vos, si n'atendez plus; 
Fêtes vos cors apareillier, 
Déables sont en cel mostier 
Qui nos ont mon scignor tué. 
Devant Tuis l'ont-il mort rué , 
 poi ne somes tuit trai. 
Et li vilain qui Tout 01, 
De lor liz saillent et s'atornent , 

3450 Et tôt droit au mostier s'en tornent. 
Qui donc véist vilains saillir 
Et droit à cel mostier venir, 
Bien li membrast de grant aïe : 
Li uns endosse sa cuirie , 
L'autre prent son chapel de fer 
Que il semble venu d'enfer. 
Trop avoit géu en fumiere : 
Li autre prent sa forche fiere 
Dont devoit espandre son Sens, 

3460 Et li autre maine ses chiens : 
Une autre tient espée en main. 
Bien furent quatre cent vilain 
Qui sont de moult très maie estrace. 
Ghascun porte baston ou mace. 



DU RENÂRT. i3 

Ou flael, ou maçue ou hàsche, 
Bien conbatront à la limace ; 
Et cil qui estoit el mostier, 
Il le vodront mal atirier 
Se il povoit estre tenuz. 

3470 Et li Prestres ert revcnuz 
De paumoison et relevez , 
Vers eus en vint trestoz desvez, 
Si lor escrie durement , 
Seignors, venez hastivement, 
Déable nos ont aguetiez 
Qui s'est mis en nostre moustier. 
Lors acorent li vilain tuit , 
Et li Prestres si ovri Fuis, 
Si entrent enz à une hie. 

3480 Et Primant a la noise oïe 

Et se merveille que puet estre : 
Au pertuis vint, si ne s'areste, 
Si l'a trové de terre plain. 
Vers l'autel s'en revêt à plain 
Conme cil qui fu esgarez 
Et qui fu moult très mal menez , 
Puis s'en vint enmi le moustier. 

» 

Le Prestre tenoit un levier, 
Et à deus mains le feri si 
3490 Que par un poi ne l'abati. 
Qant Primant se senti féru , 
Envers le Provoîre est coru 



i3a ROMAN 

Tôt hors du sens et esragiez : 
Jà fust H Provoires mengiez, 
Mes li vilain trop li anuient, 
Que trestuit ensemble le huient , 
Si li douent des cox assez, 
Tant que tôt à le col quassez. 
Et moult a eu de la honte. 
35oo Li uns le fiert, l'autre le boute 
Li uns le fiert en la poitrine 
Et li autre desus Teschine. 
Bien voit qu'il est h mal venuz , 
A poi que il n'est retenuz ; 
Mes qant vit ne porroit durer , 
Durement se prist à irer. 
Lors vosist-il bien el bois estre, 
Si a choisi une fenestre 
Bien haute dix piez et demi , 
35 lo II s'escosse, si saut par mi. 
Moult fu dolenz et corociez 
De ce que il est si bleciez ; 
Mes en soi de ce se conforte 
Que il les vestemens en porte. 
Mes quant il fu hors, grant joie ot, 
Fuiant s'en va plus que le trot 
Envers le bois le col bessié, 
Et li vilain tout eslessié 
Après lui vont plus que le pas^ 
3590 Mes il ne le véoient pas , 



DU RENART. i33 

Car la nuit si estolt oscure, 

Et il s'en vet grant aléure. 

Ne s'est gueres arestéu , 

En la forest s'en est venu ; 

Le Provoire va menaçant 

Qui ore l'aloit si bâtant, 

Et dist que bien se vengera, 

Que se il puet, ne li laira 

Aignel ne brebiz, se il puet. 
353o Einssi le dit que plus n'en puet, 

Il le metra à povreté , 

Mar l'a si malement frapé : 

A tôt le mains, fet-il , sanz faille 

En ai-je bone conmençaille 

De lui fere anuiz et corroz , 

Tenporte ses vestemenz toz : 
Se il velt demain chanter messe , 
Praingne le chainse à la prestresse , 
Ou sa chemise et aube en face, 
3540 Car se Diex bien encor me face , 
Geste n'aura mes que je puisse. 
Diex dont qu'encor tôt sol le truisse^ 
Que il soit venùz as chans fors , 
Honte li feroié del cors; 
Foi que je doi Hersent ma famé. 
Je li toudroie du cors l'ame , 
Que il n'i leroit autre gage. 
Et Renart qui Diex doint hontage, 



i34 KOMAN 

Qui en son mostier me mena, 

355o Puis s'en foui et me lessa 
Qant il oi la gent venir, 
Mes se jeF puis as point tenir, 
Je le feré en mon Dieu croire , 
Jà ne m'estovra clamor fere 
Devant Dant Noble le Lion 
Por ce que m'a fait traïson , 
Ainz en prendre telë venjance 
Que l'en en parlera par France , 
James nus n'en ert couchiez. 

356o Bien déusse estre chastiez, 

Tant a fête honte à mon frère; ' 
Mes foi que doi l'ame mon père, 
Je l'en feré le cuer douloir 
Se je le tiens en mon pouvoir. 
Sachiez qant il m'eschapera 
James nus hons n'engingnera. 
Einsi s'en aloit démentant, 
Garde, voit Renart qui l'atent 
Soz un chesne où il gesoit, 

3570 Et grant duel par semblant fesoit : 
Les eulz ot par devant moilliez. 
Devant Primant s'est eslessiez 
Qui moult ert d'ire angoissos : 
Sire, fait-il, bien veniez- vos, 
Gonment venez-vos si grant pas ? 
Renart, je ne vos salu pas, 



DU RENART. - i35 

Fet Primaut. Ha! sire, por qoit^ 
C'ai-je forfet ? dites te moi. 
Par foi, por ee que me lesastes 

358o Tôt sol, et si yos en alastes 

Por ce qu'issir ne m'en péusse , 
S'en vos alast, tôt mort i fusse. 
Moult m'avez fet maie barate , 
Tout sol me convint à conbatre : 
Filz à putain, nain descréuz. 
Maint autre avez-vos decéiiz 
Par vostre enging, par vostre boule. 
Mes foi que je doi à ma goule 
Se ce ne me fust por pechié, 

3590 J'en fusse jà si bien vetigié, 
James hom ne coroucissiez , 
Ne honte ne li déissiez. 

Qant Renart voit que velt tencier , 
Sa parole prent à gracier, 
Et si fet de péor semblant , 
Si 11 respondi en tremblant: 
Sire, fet-il, por Deu merci. 
Entre moi et vos somes ci 
Tôt sol à sol en cest repère , 

36oo Bien voi honte me povez fere ; 
Mes foi que je doi m'espousée 
Herme la franche , la loée , 
Et Malebrancfae et Percehaie, 
Je ne me recort pas que j'aie 



i36 ROMAN 

Envers vos nule riens mesfet, 
Par qoi vos me movez tel plet; 
Et foi que doi Sainte Marie , 
Le pertuis n'estoupai-je mie , 
Mes li Prestres qui vos oï 
36io Si Testoupa, car je le vi. 

Onques por moi nel' volt lessier, 
Si li conmencai à huchier 
Que por Dieu ne l'estoupast mie, 
Et il me dist tel vilanie 
Qu se il me povoit tenir 
Qu'il me feroit son gieu puir. 
Et qant je vi que il s'armoit 
Et que point ne m'aséuroit, 
Et qu'à vos ne povoie aler, 

36ao Lors si m'en pris à dévaler 

Par ces destroiz les sauz menuz 
Tant que au bois m'en sui venuz. 
Onques n'i ot tenue resne, 
Âtendu vos ai soz cest chesne, 
Tôt plain d'ire et de mautalent , 
Que bien pensoie voirement 
Que li Prestres vos feroit batre, 
Et qu'à lui coviendroit conbatre 
Et tout endurer et soufrir, 

363o Par el n'en poviez partir. 

Foi que je doi Sainte Esperite 
La vérité vos en ai dite, 



DU RENART. iSy 

Parole n'en dis jusques ci 

Voire n'en fîist, à Dieu l'afi; 

One puis ne finai de plorer 

Que je vos vi tant demorer. 

Grant péor oi , se Diex me saut y 

Que vos n'eussiez fet un saut , 

Et que ne fust si avenu 
3640 Que vos eussent, retenu ; 

IMLès non ont, si conme me semble. 

Einsi s'escuse cil qui tremble ^ 

De péor que cil ne l'asaille. 

Et Primant li respont sanz faille 

Qui grant pitié en a eu 

Por ce que plorer l'a véu, 

Et dist, Renart, bien vos en croi, 

Qr ne soiez pas en effroi 

Et n'aiez de nului peur, 
365o Mes soiez trestout aséur 

Je feré au Prestre domage, 
Au mains en ai-ge grant corage. 
Tai l'aube , la chasuble painte , 
L'amist, le fanon, la sorçainte, 
Qant il.vodra messe chanter, 
Autre li estuet enprunter. 
Car foi que je doi Saint Protès, 
Il ne les avéra jamès 
Ces vestemenz qiie ci véez. 
366o Par foi , sire, se me créez, 



i38 KOMAN 

Je vos dire que nos ferons, 
Fet Renart , nos les porterons 
Demain à matin à la foire, 
Tôt maugré le nés au Pro voire, 
Bien les vendrons si con je croi. 
Renart, dist Primaut, je l'otroi; 
Mes or escoute , ne t'anuit , 

Reposon-nos ci mes anuit. 
Que grant mestier ai de repos : 

3670 Moult me delt la char et les o^, 
Por ce qu'ai esté tant batuz. 
Et des coux que j'ai recéuz. 
Si nos reposon ci aclin , 
Et demain si levon matin 
Tôt droit einsi à l'ajornée , 
Si con l'aube sera crevée. 
Si en alon droit à la foire : 
S'en voie trovon le Provoire 
Qui par achat les voille avoir , 

368o Yendon les, si feron savoir. 
Et debonairement parton 
Ice.que nos deus en auron 
Si que l'un* soit vers l'autre quites. 
Par foi, dist Renart, moult bien dites. 



DU RENART. i39 



di conmt fUnart et ptimmt vttùnxetA to vtty- 
Umem au ffxe^e pcft un thfmu 

EiTTRE Renart et Dant Primaut 

Jurent ensemble en un gaut 

Jusqu'à tant que l'aube creva 

Et que le souleil haut leva. 

Lors se sont andui esveillié, 
3690 Si ont moult bien apareillié 

Conme marchéanz lor fardel , 

Et Primaut a pris un hardel , 

Et si l'a à son col pendu. 

Andui s'en vont col estendu 

A la foire , si font grant joie. 

Si conme il vindrent enmi la voie , 

Si voient venir un Provoire 

Qui estoit méuz à la foire 

Por achater un vestement ; 
3700 Mes il devoit privéement 

Chiés un son conpaignon aler 

Et avec lui devoit mengier 

Privéement en sa meson , 

Si fesoit porter un oison. 

Renart l'avoit apercéu , 

Gonpains , fet-il , bien est chau , 



i4o ROMAN 

Ci voi un Pro voire venir; 
Se por fol le poons tenir 
Qu'il achatast ces garnemenz , 

3710 Que je cuit et croi par mes denz 
Que ce sera savoir del vendre ; 
Et il porte un oison tendre. 
Son soit se le poons avoir, 
Car l'en nos feroit pendre , espoir, 
S'a la foire les portions : 
Si vos di bien que porrions 
Escoter de si à la mort. 
Et dist Primant , je m'i acort 
Qu'il soient venduz orendroit. 

3720 Atant vint li Prestres tôt droit 
Son chemin et si les salue ; 
Son mantel sor s'espaule rue : 
Seignors, fet-il, et Diex vos saut! 
Renart lieve la teste en haut 
Qui de l'oison fu convoitos , 
Sire, Diex benéie vos, 
Fet-il , et vostre compaingnie ! 
Si lor a dit, quel vent vos guie. 
Dont estes- vos, de quele terre? 

3780 Marchéanz somes d'Engleterre. 
Et quele part alez à foire ? 
Garnemenz portons à provoire 
Si conme l'aube et l'amit , 
Bêle chasuble de samit , 



DU RENART. i/|i 

Et fanon, estole et sorçaintes ' 
Dont nos vendons ensor à maintes 
A ces chanoines de mostier; 
Et se vos en avez mestier , 
Grant marchié vos en ferion 

3740 Tel conme ifere porrion. 
Et en avez-vos nul ici? 
Oïl y sire , la Dieu merci , 
Uns garnemenz avons moult biax 
Qui sont liez en noz fardiax. 
Fet li Près très, or soit véuz, 
Que por el n'i sui-je venuz, 
Se voulez je Tachateré. 
Fet Primant , et je les vendre 
Se del avoir avez talent. 

3760 Lors a mis son fardel avant, 
Si a mostré le vestement , 
Et li Prestres li dist briément. 
Or me dites, se Diex vos saut 
( Longue parole riens ne vaut ) 
Por combien les porroie avoir. 
Volez le, dist Primant, savoir. 
Je sui plus gent , si le dire 
Que jà de mot n'en mentiré , 
Et si dire , ce cuit , resbn : 
3760 Se vos m'en donez cel oison , 
Porter les porriez tou4 quites. 
Par foi , dist li prestres , bien dites , 



i4^ ROMAN 

Bien m'i acort et ainsi aille. 
L'oison prent tost et si li baille : 
Primant le prent , si le soupoise , 
Grant joie fait et moult s'envoise. 
Sor son col le met, si s'en fuit, 
Et Renart, qant corre le vit, 
Bien en cuidoit avoir sa part , 

3770 Mes jà n'en aura que la hart : 
Se Primant puet , tôt son sera , 
Primant prendra et partira. 
Einsi s'en vont li dui ami 
Qui par tens seront anemi 
Mes qu'au partir soient venu. 
Lor chemin ont tôt droit tenu 
Vers un bois qui d'eus estoit près , 
Primaut devant, Renart après. 
N'ont cure d'acost de vilain , 

3780 Por fol tienent le chapelain 
Qui les aornemenz enporte. 
Renart s'en jeue et s'en déporte , 
Et Primaut méismes s'en gabe. 
Que vos feroie longue fable ? 
Tant ont fet qu'el bois sont entré : 
Âmbedui se sont ai^esté 
Desoz un chesne en une place. 
Primaut qui fu de maie estrace, 
Prend l'oison , à terre l'a mis , 

3790 Si a Renart à raison mis. 



DU RENART. 143 

Conpains, bien fumes decéu , 

Bien en eussions deus eu 

Se les éusson demandez : 

Renart , fet-il , or m'entendez ^ 

Et l'en boutez les chaz el feu , 

Par la foi que je doi saint Leu 

Jà de cestui ne mengerez*. 

Ha ! sire, jà ce ne ferez . 

Que me jetez de compaingnie , 
38oo Ce seroit trop grant vilanie, 

Et si seroit pechié et honte. 

Renart , fet Primaut , que ce monte ? 

Ne m'alez pas ci sermonant , 

Et ne m'alez pas ramponant , 

N'en ai cure par saint Martin. 

Se volez mengier à matin , 

Si alez en cel bois tracier, 

Où vos vos alez porchacier 

Aussi con vos soûliez fere. 
38 10 Renart voit qu'il n'en puet plus fere, 

Ne à lui ne se veut combatre , 

Grant est, si le porroit bien batre ; 

N'a soing de jouer ne de rire , 

Des eulz plore , du cuer soupire. 

Sa lecherie le demaine, 

De lui se part à moult grant paine, 

Si li a dit, Primaut, par foi, 

Ne me portez pas bone foi ; 



i44 . ROMAN 

Foi que je doi mon filz Rovel , 
38ao C^est la compaingnie Tassel 
Que vos me fêtes voirement. 
Puis dist en bas tôt coiement, 
A droit ai-ge descovenue , 
Trop vos ai loiauté tenue ; 
Déable m'ont fet si loial 
Envers traltor desloial , 
Mes foi que je doi ceus d' Arraz , 
S'engin ne me faut et baraz 
Dont je sai plus que bues d'arer , 
383o Je le vos feré comperer, 

Filz à putain , lerres traîtres , 
Ce sont ore bones mérites 
Que j'auré de la compaingnie 
Que vos ai si loial fornie. 

Renart s'en va tôt sanz arest , 
Et let Primant en la forest 
Qui l'oison tient entre ses piez. ' ' 
Moult fet grant joie , moult est liez , 
Moult se conforte et fet grant feste. 
3840 Bien li cuide tenir la teste, 

Mes ne set pas c'a Toil li peut : 
Fox ne garde devant qu'il prent, 
Ne cuide pas qu'en tôt le monde , 
Tant con il dure à la réonde, 
Eust nus bons qui li tolsist. 
Ix>rs à asaillir l'oison prist , 



DU RENART. ia5 

Mengier le cuide maintenant. 
Estes- vos le voltor volant, 
Seignor Mouflart qui queroit proie, 

385o Choisi Primant enmi sa voie 

Qui tient Toison entre ses piez. 
Si coume il vint tôt eslessiez , 
Las de voler et maz de fain , 
Et si avoit tôt le cuer vain , 
Giete la pâte , si le hape. 
Primaut tire, si li eschape 
La proie et le voltor ensemble. 
Li lechieres fremist et tremble 
Qant son oison en voit porter, 

386o N'est riens qui le puist conforter. 
Après va regardant en haut , 
Mes ce nule riens ne li vaut, 
Que jà nul bien ne li fera, 
Sire Mouflart le mengera 
Qui en avoit moult grant mestier. 
Ne volt fere autre mestier , 
Por mengier s'asist sor un chesne , 
Et Primaut vers lui se desresne 
Et si l'avoit à raison mis. 

3870 Sire Mouflart, il m'est avis 

Par Dieu ce est grant desreson 
Et avez fet grant mesprison , 
Qui m'avez ma proie tolete : 
Je ne la vos eusse fête 
I. 10 



i46 ROMAN 

Por cent livres, se Diex me saut; 

Mes or fêtes ça jus un saut , 

Et si soiomes bon ami , 

Et si partons loe par mi , 

Si en ait chascun la moitié , 
3 880 Pot Dieu de mi aiez pitié 

Que la fain durement me bote. 

Primaut, fait Mouflart, riens ne monte ^ 

Onques ore ne vos en cbaille, 

Cist est miens à la conmencaille , 

Et li autre soient tuit vostre. 

Je dire une patenostre 

Jesui ait de s'ame merci 

De cil qui Taporta ici , 

Car il est et cras et rovez. 
3890 Ha! sire, et car m'en donnez, 

Fet Primant, au mains une quisse. 

Jà Dieu ne place que je puisse 

Voler de ça jus là aval. 

Se jà vos fet ne bien ne mal , 

Fct Moflart, en lieu que je sache, 

De ce n'aurez pas grant dommage, 

Que des autres aurez assez ; 

Mes je estoie trop lassez 

De voler et matez de fain , 
3900 Que je ne finai dès hui main ; 

Fox seroie par Saint Germain , 

Se ce que je tieng en ma main 



DU RENART. 147 

Metoie deriere mon dos. 

La char meageré , mes les os 

Aurez qui sont et cras et tendre , 

Vos les aurez s'es volez prendre , 

Je les vos geteré là jus. 

Primaut voit que il n'i a plus, 
. Et que il tient tout à vanvole 
3910 Certes $on dit et sa parole, 

Il s'est desoz Tarbre couchiez. 

Moult est dolenz et corouciez 

Qu'il a einsi Kenart servi. 

Moult Tamast miei: avoir parti , 

S'en éust chascun la moitié; 

Mes il avoit tôt convoitié , 

Si voit or Ihcu tôt en apert 

Que qui tôt covoite, tôt pert. 
Or lairon de Primaut le conte 
3920 A qui Moflart a fet tel honte, 

Si vos diron de l'autre part 

La contenance de Renart 

Qui s'en va parmi ces sentiers. 

Certes moult préist volentiers 

Chose que il péust mengier 

S'il la pouilt^ escobichier , 

Et si aloit fort coloiant ; 

Mes il n'i a trouvé noient , 

Si en est forment corociez. 
8980 Par un sentier s'est adi'ecie.2 



i.'i8 ROMAN 

Tout droit au cliemiii de la foire , 
Ne set que dire ne que fere : 
Uleques, ce dist, atendra 
Savoir se aucuns hons vendra 
Dont péust avoir à mengier , 
Car il en aroit grant mestier. 
De toutes parz va agaitant , 
Et qant il ot agaitié tant , 
Vit charretiers par aventure 
3940 Qui venoient grant aléure: 
De poisson chargiez estoient 
Que il à la foire menoient, 
Si conme harenz et plaïz. 
Renart ne fu pas esbahiz 
Certes qant il les voit venir, 
Du chemin ne se volt foir , 
Ainz se porpense qu'il aura , 
Jà li marchéant nel' saura. 
Lors se muce par ces séuz, 
3950 Qu'il ne volt pas estre véuz. 
El chemin se met de travers , 
Si s'estoit couchiez à envers , 
Et prent les denz à rechinier 
Por plutost la gent enginier. 
Si a son balevre retret, 
Les eulz clôt et la langue tret : 
En l'ardille s'est tooilliez 
Tant que il estoit toz soilliez. 



» DU RENART. 149 

A merveille resemble mort , 

3960 Et cil vienent à grant esfort 

Qui le poisson vendre menoient. 
Devant eus gardent et si voient 
Renart le nain tout estendu , 
Et cil qui primes l'a véu , 
Esta, fet-il, Renart voi ça , 
Je cuit qu'il nos aquitera 
Sa pel enquenuit nostre escot , 
Ele est bone à mètre en sorcot , 
Si vos en donré volentiers 

3970 Trois sols ou quatre de deniers. 
Par foi, dist l'autre, ce est voir, 
Je cuit que ce sera savoir : 
Vez con a blanche la gorgete. 
Or le metez en la charete , 
Car ele n'est pas trop chargie. 
Moult bien souferra la hachie. 
Par foi, compains, bien avez dit, 

« 

Or le charge se Diex t'ait , 
Nos osterons sempres la pel 
39 80 A la pointe de mon coutel 
Qant nos seromes herbergié. 
Et le charretier Ta chargié , 
Si l'a covert d'une banastre , 
Et tantost se mist à la frapc ; 
Et si i avoit un panier 
Où il avoit bien dcus millier 



i5o ROMAN 

De hareTis frès : à hone eslraine 
Mengié en a une dozaine 
Tant que tôt ot le ventre plain ; 

3990 Ni a marchéant ne vilain 

Qui s'en soit point aparcéuz. 
Et qant Renart fu bien péuz , 
Si se conmence à porpenser 
Conment il porra eschaper ; 
Mes ainz se pense qu'il fera. 
Et conment il se vengera 
De Primant qui l'ot enginié. 
Un harenc frès a empoingné 
Que il en portera , ce dit. 

4000 Lors n'i atent plus de respit , 
Il joint les piez et fet un saut. 
Au charretier dist , Diex te saut ! 
Bien puis huimès tenir ma voie 
Que j'ai fet ce que je voloie. 
De fain estoie sormenez , 
Et bien me sui desjéunez 
De voz harenz à bone estraine ; 
Mengié en ai une douzaine, 
Bien sai qu'il sont de grant bonté , 

4010 Bien valent ce qu'il m'ont costé : 
Je vos lez tôt le remanant , 
Si m'en vois, à Dieu vos conmant 
Qui m'a arrivé à cest port ; 
Un harenc solement enport, 



DU RENART. i5i 

Ne plus ne mains , bien le sachiez. 

Lors s'en va Renart eslessiez , 

N'a plus cure de leur acast , 

Et cil qui avoir leur escot 

Guidèrent, qant ce ont oï , 
4020 Esperdu sont et esbahi. 

Bien voient que sont decéu , 

Et qant se sont aparcéu , 

Tuit ensemble le vont huiant. 

Et celui qui s'en va fuiant, 

N'avoit de lor parole cure, 

Vet s'en le trot et l'ambléure 

Par valées et par montaingnes , 

Et puis par bois et puis par plaingnes , 

Tant que il est venuz au leu 
4o3o Où il lessa Primant le Leu. 

Qant Primant Ta véu venir, 

De plorer ne se pot tenir 

Por ce que forfet li avoit , 

Car il pensoit bien et savoit 

Que il en estoit corouciez. 

Lors s'est en son estant dreciez , 

Et est encontreHiui aie ; 

Et qant il furent lez à lez, 

Si Ta salué en tremblant. 
4040 Et Renart li a fet semblant 

Que ne Tait oï ne véu. 

Primaut se tient por decéu 



iSi ROMAN 

Qant voit que ne H veit mot dire : 
Ha ! fet-il , biau très doz sire , 
Respondez moi se vos volez , 
Ne soiez pas si adolez 
Por rien que je vos aie fet; 
Mes se je vos ai rien forfet , 
Je sui tôt prest del amender 

4o5o Si con le vodrez demander, 
Jà n'en iré encontre vos. 
Par Dieu , ce dist Renart li rous , 
Primant , que ne me gabez mie , 
Se vos avez par glotonnie 
Tôt par vos mengié vostre oison, 
Ne m'en dites pas desraison , 
Car ce ne seroit pas savoir, 
N'en croistriez pas vostre avoir, 
Ne vostre avoir ne vostre pris : 

4060 Se vos avez vers moi mespris , 
Bien sai que vos l'amenderez 
Toutes les eures que vodrez , 
Et il en sera tans et Leus. 
Sire, ce dist Primant li leus. 
Se Diex me gart , je m'en recort 
Que fet vos ai anui et tort. 
Bien en doi estre ledengiez ; 
Mes bien avez esté vengiez , 
Car si con mengier le voloie, 

4070 Moflart qui aloît querant proie , 



7 



DU RENART. i53 

Garda, si le me vit tenir, 

Vers moi conmença à venir, 

Giete la pâte, sel' hapa, 

Voirs est que Toison m'eschapa. 

Lors soi-je bien. et puis savoir 

Li vilain dit reson et voir , 

Qui dit qu'entre bouche et quilUer 

Âvient sovent grant enconbrier. 

De ce ne me donnoie garde , 

4080 Et li voltor point ne se tarde , 
Sor un chesnes est avolez. 
J'alai après touz aroutez , 
Si le proie par amistié 
Que il m'en donnast la moistié. 
Il dist que mon François gastoie, 
Et que jamès n'en mengeroie 
Par haine ne par amor : 
Onques se Diex me doint henor, 
Por proier ne por sermonner 

4ogo Ne. m'en volt un petit donner. 
Einsi en ai esté trichiez, 
S'en sui dolent et corouciejs 
Qant je onques vers vos .mespris, 
Si en sui dolens et pensis ; 
Ne sui pas sages con vos estes. 
S'un fox a ses folies faites , 
Après si en vient-il à chief : 
Por Dieu, sire ne vos soit grief, 



i5/i ROMAN 

Et si en fesomes l'acorde, 

4100 De pecheor miséricorde, 

En vostre merci me métrai. 
Par foi, dist Renart, je Totroi : 
Tort me féistes voirement, 
Si le vos pardoing bonement 
Puis que vos en metez sor moi , 
Je en voudré avoir la foi : 
Bone loiauté me rendroiz 
D'ore en avant, et il est droiz, 
Et vos aurez la moie aussi. 

/ii 10 Dist Primaut, je l'otroi issi. 
N'i ot plus parlé ne tencié , 
Ainz se sont entrefiancié , 
Mes se Renart puet voirement 
La foi faudra prochainement. 

Qant li dui baron ont pès fête, 
Primaut qui de fain se deshete , 
Garde , si a choisi et voit 
Le harenc que Renart tenoit. 
Conpains, par le cors Saint Germain, 

4120 Qu'est-ce qae tu tiens en ta main ? 
C'est un harenc, ce dist Renart, 
Mengié en ai , se Diex me gart , 
A grant plenté et à foison , 
Car je trovai un charreton 
Qu'en portoit une charretée 
Dont j'ai bien ma pance forrée ; 



DU RENART. i55 

Mengié en ai à grant plenté 

Certes tout à ma volenté. 

Biax compains, car le me donez, 
4i3o Fet Primaut, foi que me devez, 

Que je ne mengai dès hier main, 

Si sui tout deshaitié de fain. 

Renart un poi se pourpensa, 

Dist que volentiers li donra : 

Vos l'aurez, fet-il, volentiers, 

Jà ne seré si pautonniers : 

Âtant li tendi le harenc. 

Primant le prist et dist ahenc. 

Bien puisses-tu estre venuz ! 
4140 Moult m'en est or bien avénuz 

Que je me moroie de fain, 

Ne je ne mengai dès ier main , 

Je le Vos di tôt sanz gaboie. 

Gestui mengeré toutevoie , 

Si serai plus asouagié 

De la fain dont je sui chargié. 

Lors Ta maintenant dévore , 

Puis a Renart araisonné : 

Renart , fet-il , enseigne moi , 
4i5o Por Dieu et por l'amor de toi, 

Conment tu ces harens eus ; 

Sans engin avoir nés péus, 

Que se je encore en avoie , 

Moult volentiers en mengeroie. 



i56 ROMAN 

Dist Renart, sachiez sanz mentir 
Qant vi la chaire te venir, 
Por ce que trop grant fain a voie. 
Je me couchié enmi la voie ; 
Si tenoie la teste en tort 

4160 Aussi conme se fusse mort. 
Sitost conme li charretier 
Me virent gésir el sentier, 
Si cuiderent à escient 
Que je fusse mort vraiement. 
Il me pristrent , il n'i ot el , 
Que moult desirroient ma pel , 
Si me jetent el chan*etil , 
Et je le fis si conme cil 
Qui estoit et preuz et legiers. 

4170 Si m'en ving tantost as peniers, 
Si menjai tant conme je poi , 
Et qant assez mengié en oi , 
Si sailli jus à tout cestui 
Que je vos ai aporté ci ; 
Et se lu en veus plus avoir , 
Va après , si feras savoir, 
Et si t'apareille autresi. 
Je cuit et croi par Saint Rémi 
Que il feront autel de toi. 

4180 Par foi, dist Primant, je l'otroi , 
Je vos afi que ge i vois ; 
Mes atendez moi dans ccst bois, 



DU RENART. 1Ô7 

Et ge irai endementiers. 

Par foi , dist Renart , volentiers. 

Atant s'en est aie Primaut 
Le trot, l'ambléure, le saut 
Et le pas que point ne délaie. 
La charrete vit en la voie 
Qui ert jà de la foire près, 
4190 Tote plaine de harens frès; 

Et qant la vit , s'en fu moult liez , 
Enmi la voie s'est couchiez, 
Trestout estendu là se tint . 
Tant que le charretier i vint. 
Et qant véu Ta, si s'escrie : 
Ha! ha! le Leu! aïe, aïe! 
Seignors , pensez tost de venir , 
Jà le porrons as poins tenir : 
Il nos cuide eiaginier , ce croi , 
4aoo Autresi con Renart, ma foi ; 
Ore venez à grant effort , 
Si sarez se Primaut est mort. 
Et lors viengnent à grant frapier 
Trestuit li autre charretier. 
Li marchéant qui erent loing, 
Cuidierent que ce fusrjt besoing 
Qant il les oïrent crier : 
Atant se prenent à haster 
Et vindrent à eus les granz sauz , 
4210 Mes onques ne se mut Primauz. 



/ 



i58 ROMAN 

Si se sout sor lui enbatu 

Là où gisoit tout estendu. 

Il est mors , fet li uns : non est ; 

Par la cervele Dieu , si est. 

Non est, fet li autre, il se &int. < 

Adonc l'a del baston empaint 

Durement , mes il ne se mut. 

Un charretier i aconit 

A tôt un levier en ses mains, 

4 '2 10 Si l'a féru par mi les rains 

Si grant coup q'à poi ne l'a mort, 
Et Primaut le sent, si gient fort, 
Mes onques ne se remua. 
Un des ma«J.éanz l'esgarda 
Qui l'avoit véu soupirer, 
Lors a pris s'espée à tirer 
Du fuerre, si l'en volt ferir. 
£t qant Primaut le vit venir. 
Si joint les piez et torne en fuie , 

4230 Et chascun en après le huie. 

Moult est iriez, moult est dolenz, 
Bien est batuz por les harenz 
Dont il cuida avoir sa part. 
Ne fîna, «i vint à Renart 
Qui se gisoit desoz un cliesne , 
Devant lui vient et si l'aresno : 
Renart, fet-il, bien sui traïz, 
A poi que n'ai esté honniz , 



DU RENART. i5y 

lÀ charretier m'ont asailli. 
4240 Conmènt , Primaut , as-tu failli ? 
N'as-tu pas des harens roengié ? 
A poi n'ai esté mahaingnié ; 
Li charretier m'ont malmené , 
Onques mes hons de mère né 
N'avint en si &ite aventure, 
Trop m'ont batu à desmesure. 
Mal dahez ait li charreton ! 
N'ont pas esté chier li baston , 
A poi que n'ai esté tuez, 
425o Se ne me fusse remuez. 

Bien sai ne fusse mes en poine 

De ma pel porter des semaines, 

Car un marchéant tret s'espée 

Qui la m'éust el cors boutée. 

Jà ne se fîist arestéuz 

Se je ne me fusse méuz; 

Mes issi tost coa je le vi , 

Je sailli sus, si m'en foui 

Au plus tost que poi durement. 
4260 II m'ont atorné malement , 

Il m'ont tôt dépiqué le dos ; 

Tant me delt la char et les os, 

S'ainst me tient par Saint Germain , 

James nul jor ne serai sain. 

Compains , dist Renart , vos que chaillc? 

Vilain sont déable sanz faille , 



i(>» ROMAN 

Voir de vilain n'est-il nul conte, 
Car l'en n'en puet conter le conte. 
Vilain si est sanz amistié, 

4270 Vilain si n'a d'orne pitié. 

Moult cuit que vous estes bleciez, 
Mais qant vos estes repairiez , 
Vos en devez Dieu aorer : 
Car vos venez ci reposer 
Un petit, et puis en irons 
Savoir se trover porrions 
Chose que péussiez mengier, 
Bien sai que en avez mestier. 
Renart, ce dist Primant, bien dis, 

4280 Issi m'ait Sainz Esperis, 

Il me fust ore bien mestier 
De reposer et de mengier. 

Lors s'est assis joste Renart 
Tôt souef à senestre part : 
Moult se démente et moult se plaint , 
Que la fain forment le destraint, 
Et si a esté moult batuz 
Là où il se fu enbatuz 
Devant la voie as charretons. 

4290 Et Dant Renart qui deus boutons 
Ne donroit pas en son afere , 
Se couche un petit au derrière , 
Si met son groing entre ses piez 
Con cil qui bien est aaésiez, 



DU RENART. i6i 

Car il avoit assez mengié. 
Un petitet a someîllié 
Tant que il fu près de la nuit : 
Ne Guidiez pas que il anuit 
A Primaut qui lez lui estoit, 

43oo Qui la fain forment demenoit. 
Qant Renart ot dormi assez. 
Et Primaut qui estoit lassez. 
Le boute et il est esveilliez. 
Et Renart s'est moult m^^eilliez 
Qant se vit de la nuit si près. 
Cil qui fu de la fain engrès. 
Et qui malement le tormente, 
Trestot maintenant li demande : 
Renart, fet-il, car me conseille 

43 lo Par quel engin, par quel merveille 
Ge péusse avoir à mengier. 
Car moult en ai voir grant mestier. 
Renart conmence à porpenser 
Conment porra vers lui tenser : 
Lors li a dit, foi que vos doi, 
Vos en aurez par tans, ce croi, 
A grant planté et à foison. 
Que ci près a une meson 
A un vilain là de delez, 

4320 Qui a quatre bacons salez , 

Et je sai bien , par Saint Simon , 
Par quel endroit i enterron , 
I. 1 1 



i6a ROMAN 

Si en aurez en moie foi 
Se vos volez venir o moi. 
Dist Primaut , la vostre merci : 
Or vos levez donques de ci , 
Certes car rien tant ne désir 
Conme je i puisse venir : 
A cest ostel , si con je pens , 
433o Je n'i cuit jà venir à tens, 

Ne que j'aie ma pance emplie. 
Si ferez par Sainte Marie , 
Fet Renart , se me volez croire : 
Or venez après moi grant erre. 

Renart maintenant si se levé j 
Et sachiez que pas ne li grieve 
De Primaut que si tost déçoit , ' 
Et li chaitis ne s'aperçoit, 
Ançois le sieut grant aléure. 
4340 Vers la meson vont l'ambléure , 
Bien ont le droit chemin tenu 
Tant q'à la meson sont venu. 
Renart qui savoit tous les estres, 
Regarde par unes fenestres 
Si eles estoient fremées, 
Mes il les voit toutes barrées , 
Et li huis devant clos estoient, 
Et cil de laiens se dormoient 

' àL De Primaut qui si est destroit. 



(' 

DU RENART. i63 

Et trestote voir la mesnie. 

435o Renart qui volt fere haschie 
Sofrir à DanI Primaut le Leu , 
Si s'apensa lores d'un jeu 
Que l'autre jor avoit véu. 
Bien l'ont visité et véu 
Qu'en la meson ot un pertuis 
Qui estoit droit deriere l'uis 
Du cortil ; celé part s'en vet, 
Primaut le sieut à grant esploit 
Tant qu'il ont le pertuis trové. 

4360 Meintenant sont dedens entré, 
Et le pertuis petit estoit, 
Et Primaut qui de fain moroit , 
Si i entra à grant destrece. 
Et Renart au lardier s'adrece , 
Qui bien sot le lieu et la place ; 
Et Dant Primaut le sieut par trace 
Tant qu'il sont as bacons venuz. 
Primaut , or t'est bien avenue , 
Fet Renart, que mengier povez 

4370 Tant que vos soiez saoulez : 
Vez-ci ce que vos ai pramis, 
Or del mengier, biax doz amis. 
Cil qui estoit de fain destroiz, 
A une part s'estoit retroiz , 
Si a mengié moult durement. 
Ha! ha! fet Renart, voiremcnt, 



i6', nOMAN 

Priinaut, vos me servez d'eschar, 
Se ne menjus de ceste char, 
Dont fui-je fox , par Saint Simon : 

4^80 Bien puis mengier après poisson 
Puis que je sui venu el leu , 
Et que je en ai tans et lieu. 
Lors ne se volt plus atargier, 
Del bacon conmence à mengier. 
Primaut menjue d*une part, 
Et de l'autre sire Renart 
Qui savoit assez plus d'engin 
Que Primaut le frère Ysengrin. 
Durement menjuent et tost , 

4390 Que il estoient en repost, 
Et du vilain avoient doute. 
Renart si oreille et escoute, 
A escouter fu ententis 
Qu'il ne volt pas eslre sorpris 
Se par aventure avenist 
Que li ort vilain s'esperist. 
Primaut menjue sanz dangier, 
A riens n'entent fors à mengier. 
Il a tant mengié del bacon 

4400 Que il est plus gros qu'il n'est lonc 
Renart, fet-il, qant vos vodroiz 
Fors de céanz si nos metroiz , 
Que tant ai mengié plus ne puis. 
Lors s'en vont droit vers le pertuis, 



DU RENART. i65 

Et Renart si s'est lanciez hors , 

Et Dant Primaut si fu tan gros 

Qu'il ne pot le pertuis outrer, 

Et lors se prist à dementer 

Qant il voit qu'il n'en puet issir. 
44 10 Ha! Diex, que porré devenir, 

Fet se-il , et que porré fere ? 

Renart li dist, q'as-tu, biau frère? 

Que j'ai , fet-il ? par Saint Richier 

Tout outre ne me puis fichier. 

Fichier, fet Renart, tu te menz. 

Et non faz, fet-il , par mes denz. 

Je n'en puis issir , jel' te di. 

Or boute ta teste par ci , 

Fet Dant Renart , por essaier 
44î>o Se tu ici la puez fichier 

Ne bouter en nule manière. 

La passion au cuer te fiere, 

Plus le haoit que nule rien , 

Il nel' disoit pas por son bien , 

Ainz le disoit, se Diex me saut, 

Por fere li un mauves saut. 

Primaut n'i entendi nul mal , 

Adonques s'abessa aval , 

Et el pertuis sa teste mist. 
4430 Renart at oreilles le prist , 

Si sache durement et tire, 

A poi le cuir ne li descire. 



i66 ROMAN 

U sache en bas et puis en haut. 
Et puis desoz, mes ne H vaut 
Rien, que il ne set tant tirer 
Que d'iluec le péust oster. 
Renaît, fet Primaut, sache fort, 
Se je remaing, c'est sanz confort. 
Que je te di sanz décevoir , 

4440 Se H vilains pooit savoir 
Que je fusse ci enserré , 
Je cuit j'aroie trop aie, 
Jà envers lui rescous n'aroie. 
Et dist Renart, or ne t'esmoie. 
Je te dis se je onques puis, 
Tu t'en istras par cest pertuis. 
A itant d'ilec se départ 
Et va el bois fere une hart 
Qu'il li volt mètre entor la teste. 

445o Qant il Tôt bien torte et bien fête. 
Si est arrière repairiez 
Conme cil qu'est joianz et liez 
Q'a Primant voit si mal avoir. 
Et bien set de fî et de voir 
Que ançois qu'il en issi fors 
Sera-il corouciez del cors. 
Lors li a la hart el col mise , 
Primant, fait-il, en nule guise. 
Sachiez , ne vos leroie ci. 

4460 Sire, dist-il, vostre merci : 



DU REWART. 167 

Or tost, por Dieu, et si sachiez, 

Gardez morir ne m'i lessiez. 

Non feré , fet-il , par ma foi. 

Del pie s'apuie à la paroi, 

Si sache tant con il plus puet, 
' Et Primant del pertuis ne muet , 

Ainz le semont de bien tirer. 

Et Renart prent à soupirer 

Et à gembre moult durement , 
4470 Mes ne li vaut néis noient. 

Que por riens que il puisse fere 

Ne le puet hors del pertuis trere ^ 

Et de sachier ne se recroit. 

Diex! dist Renart, ice que doit 

Saint Esperiz et que feron ? 

Leré*je ci mon compaignon ? 

Nenil que je puisse sanz dote. 

Lors r'a conmencie sa roté 

Et de tirer et de sachier 
4480 Et de tordre et de soufachier, 

Que du col jusqu'au haterel 

Li a reborsée là pel 

Et la char qui dure estoit 

Primant si a geté un brait , 

Que bien sent que il est bleciez, 

Et li vilain s'est esveilliez, 

Si est saiUiz hors de son lit : 

Primant aura jà maie nuit 



i6S ROMAN 

Se li vilains le puet tenir. 

4490 Qant Primant la véu venir, 
Adonques ot péor de soi : 
Ha ! Renart , fet-il , lesse moi , 
Que je ne voil ci plus atendre, 
Vers le vilain m'estuet defFendre 
Ou il m'aroit jà mahainguié. 
Renart Toi , si l'a lessié , 
Qui n'en a pas le cuer dolent : 
D'ilec se part, plus n'i atent, 
Ne li chaut conment il aviengne 

45oo Mes que le vilain ne le tiengne. 
Primant remest en mauves leu 
Li vilains est coruz au feu , 
Si a esprise une cfaandoile , 
Et en sa main prist une astele 
Et si est venuz à Primant. 
Et Primant si a fait un saut 
Un petitet en loing de lui , 
Et cil giete, sel' consui 
Si que desus le dos l'ataint , 

45 10 A itant la chandoile estaint. 
Qant la chandoile fu estainte , 
Primant qui paine a eu mainte. 
Est au vilain sore coruz. 
Li vilain est au feu venuz 
Por sa chandoile ralumer. 
Primant où n'a que à irer , 



DU RENART. 169 

Le vit au feu boute-culant, 
Si est vers lui venu errant : 
Par la nache du cul Ta pris, 

4520 Et cil à «scrier s'est pris , 
Aide ! aide ! bone gent. 
Et sa famé saut erraument 
Et prent sa quenoille en sa main. 
Et Primant qui tient le vilain, 
Qui ses denz en sa char li boute , 
Ne la crient gueres, ne ne doute, 
Ne se remue, ne se muet. 
Et cèle vient qant qu'ele puet 
A deus mains hauce le baston, 

453o Sel' vet ferir sor le crépon. 

Boute, sache, tire et empaint. 

Et sachiez que pas ne se faint. 

Mes tout ice riens ne li vaut , 

Car à Primant gueres n'en chaut, 

Por son ferir, por menacier 

Ne volt li vilains pas lessier, 

Ainz le tient moult bel et moult gent. 

Sueï', fet-il, apele la gent, 

Que je plus endurer ne puis. 

4540 Celé s'en part , si ovre Fuis , 
A haute yoiz durement crie , 
Ha ! bone gent , aïe ! aie ! 
Céanz sont venu li maufé ; 
Jà auront mon seignor tué. 



170 ROMAN 

Qant Primaut choisi l'uis ouvert. 
Qui le vilain fel et cuivcct 
Tenoit par les naches as deoz, 
(Toutes i ot mises dedenz) 
Et voit que bien s'en puet aler, 

455o Lors let toute sa force ester, 
Si sache que la pièce enporte , 
Fouiz s'en est parmi la porte : 
La famé a sor le sueil boutée , 
Si l'a en la boue tornée. 
Vers la forez s'en va le cors, 
Si a trouvé Renart le rous 
Qui en la forez l'atendoit 
Et durement se dementoit 
Par traîson et par envie ; 

4560 Neporqant sachiez que sa vie 
N'aime-il gueres ne n'a chiere, 
Et si li fesoit bêle chiere , 
Que ne velt que il s'aperçoive : 
Et je crien que il en reçoive 
Maies soudées en la fin. 
Et Primaut ne prist onques fin 
Tant que il est à lui venu. 
Et Renart qui l'avoit véu 
Pensis et si descoloré , 

4570 Chiere fesoit d'ome adolé. 

Primaut le prent à aresnier, 
Renart , dist-il , vels-tu mengier ? 



DU RENART. 171 

Mengier! fet-il, par le cuer Dé, 
Tu as bien le vilain gabé. 
Or me di par l'ame de toi, 
S*il t'a blecié. Nenil , par foi , 
Fet Primaut, ce sache de voir, 
Et si puez bien de fi savoir 
Que je li ai fet grant domage, 

4580 J'ai une pièce de sa nache 
Que je t'ai ici aportée. 
Lors li a el giron boutée, 
Tene^ , fet-il , et si mengiez , 
Char de vilain si est daintiez , 
Ele vaut plus que je n'apel. 
Primant, dist Renart, par ma pel 
Et foi que je doi Malebranche, 
Char de vilain noire ne blanche 
Si n'est preuz en nule saison. 

4590 J'ameroie plus un oison 

Que à mengier char de vilein : 
Que jà ne voie-je demein , 
Qui la mangera que je soie , 
Car il a là lez une haie 
Que vos véez lez ce plaissiez , 
Un tropé d'oison encrassiez 
Qui trestuit sont et grous et gras. 
O est-ce, par saint Nicholas , 
Fet Primaut ? ensengne le moi. 

4600 Volentiers, foi que je te doi, 



17^ ROMAN 

Fet Renart qui plain est de mal. 
Delez celé haie, el val 
En poés trover un tropé , 
Il n'i a borgne n'esclopé , 
Et sont granz et gras et pesanz , 
Si les i garde uns païsanz : 
Il t'est bien avenu sanz faille. 
Par foi g'irai conment qu'il aille , 
Jà ne (ineré jusqu'à eus , 

4610 S'en aporterai un ou deus 

Qu'entre moi et toi mengeron , 
Et aten moi lés ce boisson. 
Moult volentiers , ce dist Renart , 
Par mon. seignor Saint Liénart , 
Fet Renart , or saches de fi 
Que je ne me movrai de ci 
Por nule chose que je voie, 
Et t'atendrai en celé voie. 
Primant s'en va, Renart remeint, 

4620 Ne quit mie que se demeint 
Con esbahi ne conme fol , 
Et sovent en jure son col 
Que Primant sera mal venus 
Se il i puet estre tenus. 

Atant s'asist enmi la voie , 
Et Primant s'en va totevoie. 
Con il f\i près, celé par saut , 
Un en a pris que pas ne faut : 



DU RENART. 173 

11 s'en voloit mètre au retor , 
463o Mes tost l'aperçut le pastor , 
Et li a hué deus mastins. 
Primaut li frères Ysengrins 
Les aperçut , si s'en fuit , 
Et li chien corent après tuit, 
Tuit esleissié et si l'aeinnènt ; 
Por un petit que nel' mahanent. 
A moult grant paine lor estort, 
Fuit-s'en delivrement et tost 
Tant que li chien l'orent perdu ; 
4640 Droit à Renart en est venu. 

Renart , fet-il , par le cuer bé , 

Tu m'as hui honi et gabé 
Qui m'envoias o les chiens : 
Il ne t'en puet venir biens, 

Et grant mal t'en pot avenir. 
Adonques le corut saisir, 

Et li a dit, sire Renart, 

Vos savez trop engin çt art. 

Se je ne vos reng entreset 
465o Le mal que l'en m'a par vos fet. 

Vos m'envoiastes as oisons , 

Vos i saviez les gaingnons , 

Por ce n'i voliez venir. 

A icest mot le va ferir 

De sa pâte delez la face. 

Dit Renart , se Diex bien me fâche , 



174 ROMAN 

Vos n'estes mie bien sénés 
Qui ci ilueques me bâtés 
Sans forfet, ce est mesprison. 

4666 Por ce se je sui petit hom 
Si me bâtés et ledengiés , 
Si m'ait Dex, ce est pechiés, 
Et par la foi que je vos doi 
Je m'en irai clamer au Roi 
Et à la Roine et à touz. 
Por qoi estes-vos si estoz 
Et qui vos a forfait néent ? 
Vos me vendes le mautalent , 
Péchés est et desloiauté , 

/4670 Se Dame-Dex me doinst santé, 
Fet Primant, vos estes bonis , 
Par vos ai esté escharnis 
Et batu et mal atorné , 
Jà ne vos sera pardoné , 
Jà ne morrés que par ma mein, 
Se Dex me doint véoir demein. 
Renart li respondi en haut, 
Par ma foi, mon seignor Primaut, 
Ce seroit folie et grant tort, 

4680 L'en vos demanderoit ma mort 
Se vos m'aviés ore ocis ; 
Je ai enfans et de grant pris 
Qui bientôt, se il le savoient, 
L'ame de ce cors vos trairoient 



/ 



DU R£N ART. lyS 

Se hors du pais ne fuies , 
Jà raençon n'i auriés. 

Qant Primaut s'oï menacier, 
Si n'ot en lui que coroucier : 
Par la cheveçaille l'a pris 

4690 Conme cil qui est d'ire espris ; 
Contre terre l'a trebuchié, 
Sor le ventre li a marchié. 
Durement li foie la panée. 
Or est Renart en grant dotance, 
Moult a grant péor de morir, 
Et Primaut conmence à ferir 
Durement qui ne se faint mie; 
Et Renart doucement li prie 
Merci por Dieu et por son non, 

4700 Si li doint DicK confession , 

Que onques riens ne li forfist. 
A Primaut grant pitié en prist 
Qant l'a 01 merci crier. 
N'a talent de lui plus foler : 
De ce q'a fet moult se repent , 
Renart, fet-il , à moi entent , 
Tu m'as fet moult mal atorner. 
Au vilain m'as fet mal-mener 
Primes aval et puis amont; 

4710 Mes, par trestos les seinz du mont 
Qant vos de moi escaperoiz , 
James autre ne gaberoiz. 



17^ ROMAN 

Si redit Renart, saches bien 
Que je n'i sa voie nul chien , 
Ne rien née fors le vilein ; 
Se Dex me doinst véoir demein 
N'i Savoie nul destorbier 
Par quoi me déussiez tochier ; 
Mes se de ci puis escaper, 
4720 Je m'en irai au Roi clamer 
Et à mes fils et à ma famé , 
Et à la Roïne ma dame. 
Qant Primaut l'a 01 parler 
Del Roi à qui s'ira clamer. 
Durement en fu efFréé : 
Renart, or te soit pardoné , 
Fet Primaut, ce que tu m'as fet ; 
Je te pardoins le tuen mefTet , 
Et je te leré ore atant. 
473o Se jà Dex à nul bien m'amant, 
Se icestui m'est pardoné 
James jor ne te mesferé, 
Ice te di-je tôt por voir. 
Se je ce pooie savoir 
Que jamès ne me forferoie, 
Certes mes bons amis seroie 
A trestos les jors de ta vie. 
' G'en ai, dit Primaut, grant envie, 

\ Et bien t'en aséureré , 

47/,o Un serement te jureré 



DU RENART. i 

Par quoi tu à itant me croies. 

Se tu ce, dit Renaît, fescûes , 

Bien t^en seroies aquité. 

Foi que doi seinte Charité , 

Fet Primant, je moult Tolentiers: 

Où sera troTe li mostiers 

Où ge feré le serement? 

Renart respont, par seint Climent, 

Je Yos métrai bien à la Yoie 

4^50 Se Dex bien et conseil m'envoie. 
Atant s'est pris à porpenser 
Comnent il le puist vergonder. 
Lors se pense qu'il le menra 
A un piège que grant pieça 
Savoit en ce plaissiez laenz ; 
Si avoit dit entre ses denz 
Que se iloc prendre le pot, 
Don a4I ce que li estot, 
Que ne demande autre rien née. 

4760 Primant, dit Renart, bien m'agrée 
Que l'acordance sera fête. 
Renart, dit Primant, moult me hete 
Qu'el sera fête demanois; 
Or en alon donc en cel bois , 
Si sera fet le serement. 
Moult volentiers, se Diex m'ament, 
Fet Primant, et à bêle chiere, 
Que vostre amor ai-je moult chiere. 
I. 12 



« é 



178 KOMAN 

Atant se inetent à la voie 
4770 Renart et Primaut à grant joie , 
Tôt gentement et tout en pès , 
Primaut devant, Renart après. 
Tant ont aie et tant venu 
Qu'il sont à un piège venu 
Que Renart i savoit devant. 
A Primaut dist, venez avant , 
Ici endroit gist un cors saint 
Qui est el ciel avec les sains, 
Bon martirs et bon confessors , 
4780 Ci illeques en gist le cors, 

L'ame est en la Dieu conpaingnie. 
Il fu preudons de sainte vie , 
Si a toz jors Diex hounoré , 
De bon cuer servi et amé. 
HeiTnites a esté lonc tans 
Ci fu mis qant fini son tans , 
Ci gist et moult fet à amer. 
Ici povez sor sains jurer 
Que par vos n'iere plus batu, 
Mon ami serez et mon dru : 
Se nel' fêtes; je n'en puis mes. 
Par la foi c[ue doi sainte Agnès, 
Ce dist Primaut, jel' feré bien, 
Ne vos estuet douter de rien , 
Mes veraiement le sachiez. 
Dist Renart, dont vos abessiez 



4790 



DU RENART. 179 

Et vos ageooilliez ici : 

Puis a andeus ses piez fléchi , 

Et mist sor le piège sa main, 

4800 Et di&t, si m'ait saint Germain 

Et trestoiis les sains de cest mont, 
Et trestous cens qui ici sont , 
Que jamès jor de mon aé 
A dant Renart mal ne feré 
N'a home qui soit de sa part , 
Ainz ameré toz jors Ren^irt. 
Atant s'est Primaut abessiez , 
Sor le piège s'est apoiez 
Tôt souavet et bêlement ; 

/,8io Lever se voloit durement. 

Le pié met sus , la clef destort 
Si souef c'onques n'en sot mot , 
Avoit pris par le pié Primaut. 
Qant Renart^ l'a véu, si saut 
D'autre part., et Primaut s'escrie , 
Sir-e Renart, aïe ! aïe !' 
Aidiez moi, saint Lienart. 
Tu es parjure, dist Renart, 
Par qoi le cors saint te détient; 

4820 De toi aidier à moi que tient, 

Qant Diex en velt venjance prendre ? 
Por toi aidier n'i voil main tetidre. 
Or remains ci, qai' je m'en vois. 
N'ai plus cure de ton jenglois. 



i8o ROMAN 

Je me sui bien de toi vengiez, 
Diex le set que moult en sui liez. 
Âtant s'en vet delivrement 
Et let Primaut el tornoiant , 
Qui moult grant peines i souiri. 

483o Le pie illeques li rompi, 
Et dant Renart li forsenez 
S'en est tôt maintenant tornez , 
Et si s'en est tornez ariere 
En Malpertuis en sa tesniere. 
En sa voie prist un oison 
Qu'il trova lez une meson 
A un vilain où il passoit, 
Moult en est liez , grant joie en fet. 
Encontre lui vint Hermeline 

4840 Qui l'aime d'amor entérine , 
Et grant joie en font si enfant 
Qui moult en sont lié et joiant. 
Renart à Hermeline conte 
Con il a fet à Primaut honte , 
Et qu'il fist à Tybert le Chat 
Sa qeue perdre par barat 
En la huche oii humoit le let. 
Celé s'en rit, grant joie en fet. 
Avis li est tout a trouvé 

485o Qant son baron a recovré. 



DU RENART. i8i 



il Ir^artirntt la ifxm. 

Pierres qui de Saint Clost fu nez, 
S'est tant traveilliez et penez 
Par proiere de ses amis, 
Que il nos a en rime mis 
Une risée et un gabet 
De Repart qui tant set d'abet , 
Le puant nain, le descréu, 
Par qui ont esté decéu 
Tant baron que n'en sai le conte : 

48 60 Dès or conmencerai le conte , 
Se il est qui i voille entendre. 
Sachiez moult i porra aprendre 
Si con je cuit et con je pens. 
Se à l'escouter met son sens. 

Ce fu en mai en cel termine 
Que la flor monte en l'aube-espine , 
Prez reverdissent et li bos , 
Et oisiax chantent sanz repos 
Et toute nuit et toute jor , 

4870 Que Renart estoit à sejor 
A Malpertuis sa forteresce , 
Mes moult estoit en grant destrece 



i8a ROMAN 

Que de garison n'avoit point. 
Sa mesnie ert en si mal point 
Que de faio crioit durement. 
Sa famé Hermeline ensement 
Qui estoit de novel ençainte , 
Et estoit si de fain atainte 
Qu'el ne $e savoit conseillier. 

4880 Lors se prent à apareillier 
Renart por querre garison , 
Tout seus s'en ist de sa meson 
Et jure qu'il ne revendra 
Jusqu'à tant qu'il aportera 
Viande à sa mesnie pestre. 
Le grant chemin torne à senestre 
£t va en travers la forest , 
Que ne li siet ne ne li plest 
A tenir chemin ne sentier; 

4890 Bien savoit le bois tôt entier, 
Que mainte foiz l'avoit alé« 
Tant ala que est avalé 
Soz le bois en la praerie. 
Diex ! dist Renart ^ Sainte Marie ! 
Où fu trovez icist biax estres? 
Je cuit c'est paradis terrestres , 
Ici feroit bon herbergier 
Qui assez aroit à mengier, 
Yez ci le bois et le ruissel , 

4900 Onques voir ne vit nul si bel : 



DU BEN ART. 
Vez con il est vers et fioriz . 
Issi m'aît Saioz E^>eTÎz, 
Que moult volenliers i géusi« 
Se je si graut besoing n'éu<-se : 
Besoiog si fet vielle troter. 
A ce mot preot à galoper. 
Si s'en part tristres et dolenz ; 
Mes la &in qu'il avoîl as denz. 
Qui eachsce le leu du bois. 
L'en fet partir desor son pot». 
Par les prez s'en vet contrerai . 
Moult regarde amont el a»al 
Por savoir s'en nul leu véist 
Qui à son cuer bien li séîit, 
Oisel ou lièvre ou conin. 
Tant va qu'il entre en un chemin 
Qui vers une nie avaloit 
Le chonin sieut, et qant il voit 
La vile, si jure son chief, 
Qui que soit bel ne qui que griet , 
Droit à celé vile en ira. 
Bien cuide qu'il i trovera 
Chote qui li aura mesti^. 
Let te chemin et le sentier 
Qant venuz est près de la vile. 
Cil qui savoit assez dp çuilc. 
Qui ne volt pas esti-e vriiz , 
Par ces haies , par ce» séuz .1 



I 



i8/» ROMAN 

S'en va le pas sentant le vent. 

493o Durement va Dieu réclamant 
Qu'il li gart son cors de prison 
Et H envoit tel garison 
Dont il face sa famé lie 
Et ses enfanz et sa mesnie. 

Or ne me voil pas de ce taire. 
Que en la vile ot un repaire 
A un vilain riche d'avoir , 
Que se li livres nos dit voir 
Où je trove l'estoire escrite , 

4940 De ci à Troie la petite 
N'ot un vilain si aaisié, 
Sa meson sist joste un plessié 
Qui estoit richement garnie 
De tôt le bien que terre crie , 
Si con de vaches et de hués. 
De brebiz et de lait et d'ués , 
D'unes et d'autres norriçons 
De gelines et de chapons , 
De ce i avoit à plenté. 

4950 Or aura-il sa volenté 

Renart s'il puet entrer dedenz ; 
Mes je cuit et croi par mes dens 
Qu'il fera par defors sejor, 
Que clos estoit trestot entor 
Et li jardins et la mesons 
Di pïex agus et gros et Ions : 



DU RENART. 
Si coroit entor un missel. 
Là dedenz avoit arbroissel 
De maintes guises, ce sachiez, 
igSo Qui tuit ereat de fruit chargiez : 
Moult par estoit biax li repaires, 
Sires en ert Butors' li Maires, 
Uns vilains entules et riches 
Qui moult estoit avers et chiches , 
Qar de despeodre a'avoit cure , 
En l'amasser ot mis sa cure, 
Einz lessast plumer ses guernons 
Qu'il menjast un de ses chapons, 
Ne qu'il éust au feu cuisine 

4970 ^^ ^^ chapon ne de geline, 

Einz les fesoit au marchié vendre. 
Mes se Reuart î puet main tendre , 
Je cuit bien qu'il en meagera, 
Jà si garder ne les saura. 

Li vilains fii en sa meson 
Où u'avoit home se lui non : 
Sa feme fii son file vendre , 
Li autre furent por entendre 
A lor afere trestuit fors. 

4g8o Renart vint celé part le cors 

Qui bien pensoit; n'en dotez mie, 
Que la mesoii icrl bien gaiiût: 




i86 ROMAN 

De ce dont il avoit mestier. 
Entre deus blez par un sentier 
S'en est venuz jusqu'à la haie, 
De laiens entrer moult s'esmaie, 
Qar les chapons yoit au soleil , 
Et Chantecler qui cline l'ueil , 
Et les poucins et les gelines 

A990 Qui erent lez un tas d'espines 
En un paillier où il gratoient, 
Mes de tôt ce ne se gardoient, 
Ainz cuidoient asséur estre; 
Mes Renart qui iîi pute beste , 
De lecherie firist et art : 
Bien voit par engin ne par art 
N'i enterra, c'est por noient. 
Entor le jardin va et vient 
Por véoir et por e^prover 

5 000 Se jà péust partuis trover 

Par où il se péust enz mètre. 
Tant va à destre et à senestre 
Renart li rous^, li maléiz, 
Que par devant le plesséiz 
Trova un pel par aventure 
Qui ert usez de porreture , 
Par là où li regors couroit 
Del jardin qant pieu avoit. 
Par là en est entrez dedenz 

5oio Tôt soef, et jure en ses denz 



DU RENART. 187 

Que quiôonqaes il doîe nuire 

Si fera41 sesr grenons bruk*e 

Ou de chapans ou de geKne.. 

Tapiz s'est desoiz une espine, 

Que ne volt mie esire réuz. 

Ne s'est crolez , ne s'e^t méaz ^ 

Goiz se tient et puis À esecmte^ 

Chanted/er qui point ne se doute 

Et qui bien cuide estrè asénr ^ 
5o2o S'en va en voie de malheun 

Parmi le jardin porquerant 

Et se» gefines apelant; 

Et tant se porquierl et poTchace 

Qu'il est vèliut devant k place 

Là oii Heliart se fu miiciez. 

Qant Reaart le vit^ si fu lie2, 

Et jure que se Diek le saut. 

Il li fera un mauves saut. 
Que que cil à gratei* entent^ 
5o3o Renart se lîeve, si descent 

Vers li por prendre^ mes il fant, 

Car Ghantecler en travet's sauL 

Or est Renart moult molbàilli 

Qant il ce voit qu'il a failli j 

Si n'ot en lui que corocîer : 

Le cos a pris à decfaacier 

Et çà et là , et sus et jus. 

Ghantecler voit qu'il n'i a plus, 



i»8 ROMAN 

A crier conmence à haut ton. 

5o4o Bertoult qui fu en sa meson , 
Saut por véoir que ce estoit 
Qui ses gelines chanpartoit. * 
L'uis a ouvert de son cortil , 
S'a véu Renart le Gorpil 
Qui ses gelines va chaçant. 
En sa meson repère atant , 
Si prent deus reseus enfumez 
Que maufez li orent donez , 
Et dist que se Renart Patent , 

5o5o Moult ert iriez s'il ne le prent 
Déable li ont amené 
Cil qui bien semble forsené. 
S'en revint à son cortil droit , 
Et Renart qui véu l'avoit , 
Desoz un chol muciez se fu , 
Et cil qui pas apris ne fii 
Ne d'oiseler ne de chacier, 
Sor les chous a pris à couchier 
Les reseus trestoz de travers, 

5o6o Et jure les os et les ners 

Que Renart sera engingniez. 
Lors s'escrie con esragiez, 
En aventure huie et huie, 
Jà soit ce qu'il nel' voie mie. 

* Al. Tempestoit. 



DU RENART. 189 

Ha ! lia ! fel-il , mar i venistes , 

Filz à putain , lerres traîtres, 

Par ça saudrez par Seint Germain. 

Un baston tenoit en sa main 

Dont il a les chous reversez 
5870 Tant que toz les a detrenchiez, 

Si les reverse sus et jus. 

Qant Renart voit qu'il ni a plus y 

Et que ni a mestier celée , 

Un saut a fet à la volée 

Si se fiert en un des reseus. 

Or li croist et anuiz et deus : 

Malfez l'ont en cel point tenu 

Que moult mal li est avenu. 

S'il eschape , ce ert merveille , 
5 080 La roiz entor lui s'entorteille ; 

Pris est et par col et par piez. 

Or est-il très bien engin gniez , 

Ne li a rien valu sa guile , 

Miex li venist que en la vile 

Ne fust venuz ne entrez jà. 

Tome et retorne ça et là , 

Et qu'il plus torne, plus s'enlace. 

Toutevoies tornoie et brace 

Por issir, mes riens ne li vaut, 
5090 Qar li vilains a fet un saut 

Qui bien l'avoit apai'céu , 

Et dist qu'il li est meschéu 



190 HOMÀN 

Qaut il est chéuz en sa trape, 
Merveilles ert si li eschape 
Que du cors ne soit empiriez. 
Vers lui s'adresce touz iriez, 
Si avoit haucié le pie destre, 
Desus la gorge li volt mètre, 
Qar miex l'en cuidoit mestroier ; 

5ioo Mes Renart nel' volt otroier, 
Que tost lauroit espoir blecië. 
Si con cil rabessoit son pié , 
Renart Ta pris par roi as denz 
Si que toutes li enbat enz ; 
Serre les denz et puis la bouche 
Si que l'une dent l'autre touche : 
Moult les a bien Renart serrées , 
Que d'outre en outre sont passées. 
Qant li vilain se sent blecîé 

5iio Et vit son pié par mi percié, 
Le sanc li mue et la color, 
Pasmé chai de la dolor; 
Et Renart le tint toutevoie, 
Qui à son cuer avoit grant joie 
De ce qu'il l'avoit si amain , 
Et jure Dieu et Saint Germain 
Que il ne li eschapera 
Devant que son plaisir fem , 
Que bien set qu'il sera frapez 

5i2o Se il li estoit eschapez; 



DU RENART. 191 

Que ne porroit oster son cors 
Des reseus s'il n'en est mis fors 
Par tel qui séust la manière : 
Por ce dist que la mort le fierê 
S'il li oste du pié les denz. 
Et li vilain qui jut adenz 
Tout issi con il estoit Ions , 
£st revenuz de paumoisons. 
De Henart se cuide eschaper , 
5i3o Si li prist le groing à taster : 
La bouche li voloit ovrir, 
Mes Renart ne le volt soufrir , 
Ançois li va moult anuiant 
Que li vilains le vet baillant 
As pouces qu'il a durs et gros. 
Toutes voies n'est pas tant os 
Que à la bouche li adoise ; 
Et Renart qui vit à malaise 
Qant voit que durement le taste , 
5 140 Si giete les denz, si Le hap« 

Avec le pié par la main destre. 
Or est bien li vilain à mestre , 
Bien le va Renart mestroiant , 
N'eschapera , c'est por noient. 
Il éust fait gretgnor savoir 
S'éust lessié , ce sai de voir , 
Renart en pais querre sa vie : 
Moult ot emprise grant folie 



192 ROMAN 

Qant le volt prendre, mar le fist; 

5i5o Tant grate chievre que mal gist. 
Bien se cuida de lui vengier. 
Or est chéuz en son dangier. 
Car il n'en aura jà pitié. 
A tout le mains n'a-il c'un pie 
Et une main en se baillie. 
Renart a sa geule saisie 
Del pié destre et del autre main , 
Moult va menaçant le vilain , 
Et dist qu'il lui toudra la vie 

5i6o Du cors, foi que il doit s'amie, 
Que jà n'en aura raençon : 
Miex li venist estre Alançon 
Que il fust chéuz en ses mains. 
Grant péor avoit li vilains, 
Ne set que fere ne que dire , 
Des eulz pleure , du cuer sopire 
Et maine ileuques moult fort vie^ 
Tôt emplorant merci li crie : 
Sire Renart , por Dieu merci , 

5170 Lessiez moi, por Dieu vos en pri; 
Conmandez moi ce que vodroiz , 
Et jel' ferai, qar il est droiz, 
Et vostre hom serai toz jors mes. 
Filz a putain, vilain punès, 
Fet Renart, qu'alez-vos disant? 
Moult m'aliez ore hui despisant, 



DU RENART. ig3 

Et moult me cuidiez bien prendre , 

Que vos reseus alastes tendre * 

Parmi le jardin conme fox ; 
5 180 Mes si me puist aidier Saint Pox, 

Li jeus s'en va en autre guise, 

Venus en estes à joïse. 

Vos le conparrez hui moult chier. 

Et cil qui ne se puet vengijpr, 

Si pleure et crie et fet grant duel : 

Sire , fet-il , à vostre voil 

Feré du tout mes, conmandez. 
-Tessiez, distRenart, nejenglez, 

Filz à putain , traîtres sers , 
5190 Que par mes doiz et par mes ners 

Je vos métré en maie paine, 

Ne m'eschaperez des semaine : 

Bien me cuidiez avoir pris, 

Mes je vos «ni à mes denz pris. 

Or estes-vos en ma prison , ^ 

Jà n'aie-je mes garison 

Se je ne vos faz tôt anui r 

Alu mains jéunerez-vos hui, 

N'avez pooir de vos movoir. 
5200 N'en prendroie pas tôt l'avoir 

L'Emperéor o tout le mien. 

Foi que je doi Saint Julien , 

Que je ne vos face contraire. 

R^enart , por amor Dieu ne faire , 

i3 



I. 



jc)/î ROMAN 

Ne me fai ore pas du pis 

Que tu porras , se j'ai mespris 

Vers toi 9 moult très bien m'en recort, 

Certes j'en ai eu le tort, 

Mes je suis près de l'amender 

5iio Si con vos vodrez conmander : 
Jà n'irai contre vo conmant, 
Ançois le sachiez vraiement 
Que je le voil et si l'otroi. 
Que moi et tôt le mien metroi 
Du tôt en tôt en ton esgart. 
Ne devez pas , se Diex me gart , 
Refuser si très bêle amende, 
Que je sui garniz de viande 
Tele con à vos est mestier , 

fiaio Si vos en voudrai aaisier. 
Plus en ai conme ci entor, 
Por Dieu fêtes moi ceste amor; 
Vostre home lige devendrai, 
James voir en lieu ne serai 
Dont vos doie venir domage : 
Por Dieu qar prenez cest homage , 
Ne soiez vers moi si crueus, 
Liez poez estre qant hons tiens 
Qui si est et puissans et riches, 

523o Velt devenir vostre home liges. 

Qant Renart le vilain entent 

Qui si fort pleure et se repent , 



DU RENART. 195 

Et dist que il a grant pesance 
De l'outrage et de la viltance 
Et de la honte qu'il li fi&t , 
Pitié l'emprent et si U dist : 
Tes-toi, vilaiu,, ne plpre pas, 
A ceste foiz mal n'i auras. 
Mes gardç-toi de renchaoir, 

Sa^o Que si puisse-je mes véoir 
Ne ma famé ne mes enfanz, 
Nus hpps ne te seroit garànz 
Nel' te féisse comperer ; 
Mes ançois que te le^se aler, 
Vilain , me ^^ailleras ta foi 
Que par les tiens ne que par toi 
N'auré 131e honte ne domage , 
Et que tu me feras hoinage 
Si tpçt con je lessié t!saité^ 

525o Et {Jiie tu à ma volonté 

Métras tôt to^ avoir et toi. 
Et dist U vilains, je l'otroi 
Tout issi conme vos Ip dites; 
Issi m'ait Sains Esperites 
Que je n'aim riens tant ne désir 
Con de ferie yostre plaisir. 
A icest mot sa foi li tent 
Li vilain,, et Repart la prent. 
Or sachie:j^ que bien le ^pot. crpire 

5i6o Trestout aussi con un provoire, 



t^G ROMAN 

Qar li vilains estoit entiers. 
Si ne m'en tort pas volentiers. 
Vilain , ce dist Renart , entent , 
Tu me fiances loiaument 
Que tu feras à mon esgart. 
Voire, si ait Diex en moi part 
Con je volentiers le feré. 
Que por nului je nel' leré , 
Ainz le feré du tout en tôt. 

5270 Puis que dit l'as, je point n'en dot , 
Fet Renart, qar tu es prodom, 
Au mains en as-tu le renon, 
Moult ai oï de toi parler. 
A cest mot l'a laissié aler. 
Cil qui avoit esté grevez, 
A grant paine s'en est levez , 
Et puis devant lui s'agenoille , 
De ses lermes les piez li moille 
Si li fait homage en plorant, 

5i8o Qu'il n'i ala plus demorant. 

Envers le mostier sa main tent , 
Si li a fait le sairement 
Con estuet à fere à homage, 
Et li amende tôt l'outrage 
Que il l'en avoit fet devant. 
Moult l'en a bien fet son créant 
Con cil qui estoit péouros, 
Puis li dist , sire , or direz-vos 



DU RENART. 197 

Trestot ice qui vos plaira, 
5290 Et je sui cil qui le fera 

Si eonme voudrez à devise^ 
Tôt à mon pooir sanz faintise. 

Or dont, dist Renart, vien avant, 
Si me deslace tout avant 
De ton reseus qui trop me grieve. 
Maintenant li vilain se lieve , 
Si a fet tout à sa devise; 
Et Renart qui en mainte guise 
Engingne la gent et déçoit , 
53oo Deslié l'a , si le conjoit. 
Encor n a-il pas oublié , 
Amis, tu m'as ore afié, 
Fait-il , que trestot mon voloir 
Me feras selonc ton povoir; 
Mes certes tu en seras quites 
Por mains assez que tu ne quides : 
Je te feré bien ton feret , 
Aporte moi ton coc noiret 
Que j'ai hui toute jor gaitié, 
53 10 Se tu veus avoir m'amistié , 
Si le me baille par le col ; 
Par la foi que je doi Saint Pol , 
James riens plus ne te querré , 
Ainz te di que je te fer^ 
>8eignor de moi et de ma terre. 
Bertoult qui ne volt pas la guerre , 



198 ROMAN 

Li dist , sire , vos dites mal y 

Que par le Père esperital 

Li cos est trop dur à mengier, 

5320 Se vos le volez eschangier, 

Il a bien ^eus ans trestoz plains ; 
Mes je vos donré de mes mains 
Trois poucins tendres, se voulez, 
Dont vos serez bien saoulez, 
Et vos feront à vostre cuer 
Greignor bien, foi que doi ma suer 
Dame Litouis de la Monjoie : 
Qar li cos a , se Diex me voie , 
Et les ners et la char trop dure. 

533o Vilain, fait Renart, je n'ai cure 
De tes poucins, tuit soient ton. 
Mes se tu veus fere mon bon 
J'auré le coc qu,e je demant. 
Sire , fet-il , vostre conmant 
Ferai par droit et par raison, 
Que je sui vostre liges hom : 
Par mon chief orendroit l'auroiz 
Puis que vos tant le desirrez. 
Atant let li vilains le plet , 

5340 Et maintenant au coc s'en vet, 
Si l'a chacié par le porpris. 
Et tant chaça que il l'a pris 
Et vint à Renart , si li baille : 
Tenez, sire, se Dex me vaille 



DITRENART. 199 

Ne foi que je ddi Saint Mandé , 
Miex vôsisse que dethafnâé 
M'eussiez déus de mes gelines 
Que véfeÉ là sor ces espines : 
Qar je Tamoie duremekit 

535o Por ce que menu et sovent 

Les ttie chauchoit l'une après l'autre ; 

Mes Jjuis que vos ne volei autre , 

Il est bien droiz que vos Faiez. 

Vilain, or né vos esmaiez, ' 

Que par mon chief bon l'avez fait 

L'omage que m'aviei fait , 

Vos claim d'ore eh avant tôt quite. 

Sire, dist Bertout, là mérite 

Vos en puisse Diex rendt'e à l'ame , 

536o Et Sainte Marié ma Dame. 
A idèst mot si se départ 
Bertoult de ftiesire Heinart, 
Si le conmande moult à I^é. 
Et Renart qui bien Vu gabé 
Et pris le c6c et si s'eti vet 
Droit à Malpertuis soti rècêjt. 
lUec cuide rungier l'eschine 
Entre lui et Dame Hermfeline 
Sa famé que il tant aiiiot; 

5370 Mes encore né sot-il mot 

De I3e que il li peut à l'ueil. 
Si con il virft dei^oz un tueil 



aoo ROMAN 

Qui ert lez le chemin à destre 
Desoz une vile champestre, 
Garde et oï le cos qu'il porte 
Qui durement se desconforte : 
Des eulz pleure moult durement , 
A Renart grant pitié en prent, 
Si li enquiert por qoi il pleure. 

538o Por qu'or maléoite soit l'eure, 
Fet li cos , que onques fui nez , 
Moult m'est or bien guerredonez 
Le servise que je ait fait 
A Tort vilain mesel deffet 
Que je ai longement servi ; 
Mal soit l'eure que je le vi 1 
Qar bien sai que j'auré la mort. 
Par Dieu, fet Repart, tu as tort 
Qant por ce te vas démentant : 

5390 Par l'ame ton père ore entent. 
N'est-il bien droiz en tote place^ 
Que li sires par raison face 
De son serjant sa volenté ? 
Oïl , par ma crestienté , 
Il se doit bien lessier morir 
Por le son seignor garantir 
De mort se il est à meschief : 
Or n'aies péor, par mon chief, 
Ne puet avoir honor greignor 

5400 Con de morir por son seignor. 



DU RENART. aoi 

Malbailliz fust et malmenez 
Se il ne se fust rachetez 
• Envers moi de toi seulement , 
Si aie-je amendement , 
Je réusse ocis tôt froit mort. 
N'aies péor , mes preu CQnfort , 
Q'ausinc avoies à morir , 
Nus hom ne t'en pooit garir; 
Si te vient miex morir issi 

5/|io Que autrement, je le t'afi, 

Que qant por ton seignor morras , 
Avec les Anges t'en iras 
Lasus en la Dieu compaingnie 
Où auras pardurable vie. 

Sire, fet li cos , bien le croi, 
Ne sui pas por mort en effroi 
Que j'aie à avoir , ce sachiez , 
Mes de ce sui plus corrociez 
Que li chapon et li gelines 

54ao Que véistes lez les espines. 
Seront à grant joie mengies, 
N'en seront lor âmes plus lies 
Et du soulaz et de la feste , 
Et j'aurai croissue la teste. 
Mes grant soulaz me féissiez 
S'une chançon me chantissiez : 
Ne me chausist qant je morusse, 
Bien sai que plus souef en ftisse 



207 ROMAN 

Assis en la Dieu compaingnie. 

543o Et dist Renart, et je l'otrie: 
Est-ce por ce que tu ploroies? 
Et por qoi ne le me disoies ? 
Jà por ce ne fai laide chiere , 
Foi que je doi ma famé chiere 
Moult Yolentiers la vos dire 
Au meillor endroit que sauré 
Sauz plus por toi reconforter. 
Adoqc conmença à chanter 
Une chançonnete novele ; 

5440 Et qant cil qui par sa favele 

L'amuse, sent la bouche ouvrir, 
Des êles commence à ferir 
Et à batre, et s'en va volant 
Desus un orme haut et grant 
Qui de l'autre partie estoit. 
Et quant Renart ce aparçoit, 
Si sot qu'il estoit decéuz. 
Desoz l'orme est acoréuz, 
Si dist, sire, guilé m'avez. 

5450 Renart, dist-il, or le savez, 
Devant ne le saviez pas: 
Par la foi que doi Saint Thomas 
Miex vos venist estre téuz; 
Se vos estes or decéuz 
Par trop chanter, si vos tesiez 
Qant vos en serez aaésiez 



DU RENART. ao? 

Une autre foiz, se vos en proie, 
Et vos alezquerre autre proie, 
Qar à céste avez-Yos failli. 

5460 B.enart se tient por escharni, 
Ne set que dire ne que fere y 
Bien voit que miex li venist tere 
Qu'avoir chanté à celé enpainte , 
Noiret, fet«il, foi que doi Sainte 
Anne qui fîi de bone vie , 
Bien voi que biau chanter anuie 
Et nuit aucune foiz ensemble. 
Voir dist li vilain, ce me semble, 
Qui dist qu'entre bouche et cuillier 

5470 Avient sovent grant éncombrier : 
Or en sui bien certains et fiz. 
Sages fil datons et recuiz , 
,Qui ensaigna son filz petit 
Q'à son mengier parlast petit; 
Mes ne Tai pas bien retenu. 
Bien voi que mal m'est avtenu 
De trop parler a cestè foiz. 
Or m'en iré, car il est droiz, 
En autre lieu moi porchaciér, 

5480 Ci ne puis-je riens gaaingnier. 
Ha! puant rous de pute estrace, 
Alez-vos ent , jà Diex ne place , 
Fet soi li cos, ne ses vertuz, 
Que ne soiez ars ou penduz 



ao/4 ROMAN 

Aaçois que li mois soi passez, 
Jà m'eussiez les os qassez 
Moult putement, jeK sai de voir. 
Se par enging ou par savoir 
Ne me fusse de vos estors. 

5490 Alez-vos eut , qar par le cors 
Saint Marcel , se plus atendez 
Vos peliçon ert amendez. 

Que qu'il aloient si parlant 
Quatre lévrier vienent bruiant 
Après un porc à graut alaine 
Tôt contreval par la champaingne; 
Es un brachet après venant; 
Li venéor lor cors cornant 
Lesqex vont durement sonant, 

55oo Tôt le païs vont estonant 

De lor huier, de lor corner. 
Tant entent au coc à parler 
Renart li rous que max feus arde , 
Que onques ne se dona garde , 
Ainz li sont sor le col chéu. 
Adonc se tint por decéu, 
Aval les chans s'en vet fuiant , 
Li venéor le vont huiant : 
Haha, haha, font-il, Renart! 

55io Jà Dex n'ait en vostre ame part! 
Se ne fusson si emblaé, 
Jà vos éusson effréé, 



DU RENART. jo5 

Que si bien ne vos gardissiez 
Que la cote n'i lessissiez : • 
Trop séussiez certes de frape 
Se ne nos lesissiez la chape, 
Mes or n'avez garde de nos. 
Et cil s'en vet tout péoros 
Qui n'a cure de lor acost, 

55ao Dedenz un terrail s'est repost 

Tant que li chien se sont outré. 
Et cil s'en vont tout arouté 
Après corant, et font grant noise: 
Ne finerent de corre à toise 
Qu'il sont entré en la forest. 
Qant ce voit Renart , si li plest , 
Et dist foi que il doit s'amie, 
Que celé part n'ira-il mie 
Qu'il puist , ne que il biau li soit : 

553o Bien set se uns d'eus le tenoit, 
Que il li donroit el que pain. 
A cest mot est venu au plain 
Et let le coc dont moult li poise, 
Si s'en va fuiant à grant toise 
Par un sentier entre deus blez , 
Encor se crient d'estre encontrez 
Ou de lévrier ou de gaignon. 
Du blé s'en ist le grant troton 
Si se feri en la forest , 

5540 Ce est li leus qui plus li plest 



io6 ROMAN 

Et où il a mains de peur. 
Or est aaise et aséur, 
Se ne fust la fain qui le grieve. 
Sovent garde s'il véist lièvre 
Ne connin que il .péust prendre : 
Moult est iriez qant li remembre 
Du coc qui si l'a decéu, 
Et dist que mal li est chéu; 
Ne prise tôt son sens un œf ^ 

555o Fait se il , se il fussent nœf , 
Si les déusse engingnier toz. 
Chascuns dist que je sui si proz 
Et que j'ai tant sens et savoir : 
Certes il ne dient pas voir. 
N'a pas graat sapience enclose 
En moi qant si petite chose 
Gon est un cochet m'a boulé; 
Miex vosisse voir qu'afolé 
M'éust-l'en d'un pie ou d'un oil. 

5 5 60 Mes si puissé-je mes le suoil 
De ma mesoji passer à joie, 
Se Diex donc que mes le voie , 
Je li ferai chier comperer. 
Je disoie que buef d'arer 
Ne savoit tant con je de guile , 
Et un petit cochet de vile 
M'a engingnié et decéu : 
Ne vodroie qu'il fust séu 



DU BENART. ^o- 

Por l'ennor de Gostentinoble 
5576 Dedenz la Cart mesire Noble ; 

Foi que je doi touz mes enfanz 

Je en 3eroie trop dolenz. 

Se nus bons le me reprochoit , 

Nel' vodroie por riens qui soit. 
Ëinssi s'en aloit démentant , 

Et toutevoies aguetant 

Savoir se jà chose véist 

Dont sa famé lie féist 

Qui en sa meson se démente 
558o Por la fain qui si lac tormente , 

£t il méismes en baaille , 

Mes ne voit chose qui li vaille, 

De qoi il est forment irez. 

N'est pas trois arpenz mesurez 

Alez ayant, ce sai de voir, 

Qant se prent à aparcevoir 

Mon Seingnor Noble et Ysengrin 

Qui venoient tôt le chemin 

Très parmi le bois déduiant^ 
5590 Es Renart celé part venant, 

Et dist et pense en son corage 

Qu'il fera Ysengrin domage 

Se il puet en nule manière. 

Atant s'en vint à bêle chiere 

Devant le Roi, si le salue : 

Or ça que bien soit hui venue, 



io8 ROMAN 

Fet Rcnart, ceste compaignie. 
Li Rois ne puet tenir ne rie 
Qant il voit Renart devant lui : 

56oo Bon jor, fet-il, aiez-vos hui, 
Renart, barat qu'alez querant? 
Sire , je vois proie querant , 
Fait se-il, par ici entor, 
Ne finai dès le point du jor 
Por ma famé qui est ençainte, 
Et je n'ai mie encor atainte 
Chose que li puisse porter 
Dont la péusse conforter, 
Por la fain qui la destraint fort. 

56io Renart, fet Noble, par la mort, 
Bien fez tes afferes sanz nos. 
Sire , fet-il , foi que doi vos , 
Je ne vos os viande offrir, 
Qar ne daingneriez soufrir 
Que si petiz hom con je sui 
De cors et de force autresi, 
Alast o vos en compaingnie : 
Miex amez la grant baronie 
De vostre Cort avecques vos , 

5620 Si con est sire Bruns li Ors , 

Baucent et Rooniax li vautres , 
Seingnor Ysengrin et ces autres ; 
N'avez cure de povre gent. 
Renart, fet li Rois, bel et gent, 



DU RENART. 209 

Malez gabant, si con moi semble, 
Mes or vendrez o nos ensemble, 
Se il vos plet et il vos siet, 
Et si vos pri qu'il ne vos griet, 
Tant que proie puissons trover 

56 3o Dont nos puissons desjéuner 

Entre nos trois , se Diex me voie. 
Sire, fait-il, je n'oseroie 
Por mesire Ysengrin le Leu 
Qui est o vos, que par Saint Leu 
Bien sai que il m'a contre cuer ; 
Il ne m'ameroit à nul fuer, 
N'onques ne li fis par mon chief 
Que je sache qui li fiist grief. 
De sa famé m'a mescréu, 

5640 Mes par Dieu et par sa vertu 
Onques encor jar de ma vie 
Ne li requis-je vilanie 
Ne nule chose à ma conmere 
Que ne requisisse à ma mère, 
Si ne le quideroit-il pas. 
Renàrt, fèt li Rois, c'est tout gas. 
Ne péust pas estre avéré 
Qu'en ne vos i éust trové , 
Se tant l'eussiez maintenue : 

565o Or n'i ait pas desconvenue , 
Orendroit la pès en feron. 
Sire, fet-il, le guerredon 

J. 14 



aïo ROMAN 

Vos en puist rendre Diex à Tame ! 
Que foi que je doi à ma famé , 
Il a tort et je ai le droit. 
Ysengrin amis, ce que doit, 
Fait li Rois, que Renart haez, 
Par Dieu fox estes qui créez 
Tel vilanie de Renart : 

5660 Se Dame Diex ait en moi p£V*t, 
Je ne quit pas qu'il le féist 
Qu'en nule guise requéist 
Yostre famé de vilanie : 
Faites ore une cortoisie , 
Pardonez li vo mautalent, 
Si serez sauf mon escient , 
Que par mon chief grant tort avez , 
Que vos \ce que ne savez 
Fors seulement par oîr dire , 

5670 Li portez ne corroz ne ire ; 

N'est pas manière de sage home. 
Foi que doi Saint Père de Rome 
Je conois bien Renart à tel 
Que nel' féist por le chastel 
L'Emperéor Otovien. 
Sire, fet-il, je le croi bien, 
Fait se il , qant le tesmoingnez ; 
Or donques si ne porloingniez 
Et de bon cuer li pardonnez 

568o Le mautalent q'à lui avez. 



DU RENART. an 

Ysengrin respont, je Totroi, 

Je li pardoing en bone foi 

Ici iliaques devant vos , 

James n'ere vers lui iros 

Jor que la vie el cors me soit, 

Aiuz voil que mes bons conpains soit. 

Après cest mot s'entrebesierent 
Cil qui onques ne s'entr'amerent , 
Ne jà jor ne s'entr'ame'ront , 

5690 Dire puéent ce qu'il vodront; 
Mes por ce ne remue droit , 
Pès ont fête qude que soit : 
Devant le Roi l'ont fiancée , 
Mes moult aura corte durée , 
Que ne pooit estre à nul fuer 
Si uns n'ait l'autre contre cuer, 
Ne jà ne seront sanz rancune. 
Ne donroie pas une prune 
En celé pès , se Diex me gart , 

5700 Voirs est que c'est la pès Renart 
Qui onc ne fina de tricfaier, 
Encor ne le velt pas lessier. 

Einssi ont fet pès, ce me semble, 
Renart et Ysengrin ensemble. 
Après se sont mis au chenûn 
Nobles avant et Ysengrin , 
Et puis en après Dant Renart 
Qui moult par est plains de mal art. 



2ia ROMAN 

Renart, dist Nobles, que feron? 
5710 A ton conseil nos maintendron : 
A cest point seras nostre mestres , 
Que bien sai que tu sez les estres 
De cest bois et toutes les sentes; 
Mes or gar que tu ne me mentes, 
Se tu sez nul lieu ci entor, 
Ne pré ne pasture en destor 
Où nos péussons trover proie , 
Qar nos i maine droite voie, 
Se tu le sez, se Diex t'a voit, 
5-ao Chose que li ton cuer covoit. 
Lors m'auras à mon gré servi. 
Et dist Renart, par Saint Rémi, 
Je nel' sai pas certainement 
En quel pasture ne conment 
Nos truisson proie qui riens vaille. 
Mes de tant me recort sanz faille 
Que il a çà une valée 
Entre deux mons et une prée 
Où l'en amaine sovent pestre 
5730 L'aumaille de celé champestre 
Vile qui est ici delez : 
Alons celé part se volez 
Por savoir et por esprover 
Se porrions chose trover 
Que péussons mengier tuit troi. 
Par foi, fet Noble, je l'otroi. 



DU RENART. ai3 

A itant s'en vont celé part 
Entre seignor Noble et Renart 
Et Ysengrin son bon ami, 

5740 Mes se Diex plest et Saint Rémi, 
L'amor aura corte durée. 
Si s'en vont la voie ferrée , 
Et tant ont le chemin tenu 
Qu'il sont dedenz le pré venu 
Que Dant Renart lor avoit dit. 
Ysengrin regarda , si vit 
El chief del pré moult bêle proie ; 
Or sachiez qu'il en ôt grant joie , 
Que moult estoit de fain grevez; 

6760 Or cuide bien estre arivez 

En lieu où il emplist^sa pance, 
Mes jà n'en soit-il en béance , 
Que se l'estoire ne nos ment, 
Je cuit qu'il ira autrement. 
Lors a aresonné le Roi , 
Sire, fet-il, foi que vos doi 
Nos avons bon chemin tenu , 
Je cuit bien nos est avenu, 
Qar je voi ici, ce me semble, 

5760 Un tor et une Vache ensemble 
Qui a avec lui son véel 
Laïs et chief de cest prael. 
Ceste auron-nos que que il griet , 
Mes je vos lo se il vos siet, 



!ii4 ROMAN 

Ainz que nos aillons celé part , 

Que vos i envoiez Renart 

Por olr et por espier 

S'il i a mastin ne bovier, 

Ne chose qui nos puist mal fere : 

5770 Tost porrions avoir contrere 
Se nos issi desporvéu 
Estions sor eus embatu ; 
Mes il est grelles et menuz , 
Si n'iert mie si tost véuz 
Corne je et vos serions. 
Vos dites bien , fet li Lions , 
Il est sages et veziez , 
Si les aura tost espiez. 
Atant a aresnié Renart , 

5780 R'enart, fet-il, se Diex vos gart^ 
Sages estes et décevant 
Et de toz max aparcevant : 
Qar alez et si espiez 
Savoir se là jus verriez 
Vilain, ne bovier deputaire 
Dont nos péust venir contraire ^ 
Qar por noient voir irions 
Se nostre preu n'i fesions. 
Sire , fet Kenart, volentiers. 

5790 A itant s'est mis es sentiers 
Grant aléure aval le pré. 
Tant a et coru et troté 



DU RENART. nS 

Qu'il est venu au leu tôt droit. 
Tôt entor li garde , si voit 
El chief du pré joste loraille 
Le vilain qui gardoit Taumaille , 
Qui se dormoit desoz un orme. 
Tôt maintenant celé part tome 
Trestbut le pas le col bessant, 

58oo Durement se va porpensaut 
Dedenz son cuer que il fera 
Et conment il engingnera 
Le vilain qu'il ne l'aparçoive. 
Souef estuet qu'il le déçoive , 
Qar il set bien, s'il le tenoit, 
Que malement l'ajorneroit , 
Sel' féist volontiers chaoii' 
Là où ne se péust movoir , 
Où povoir n'ait en nule guise. 

58 10 Adonc a une branche prise 

De l'orme, et saut isneleraent 
Desus issi très bêlement , 
Que onques cil ne s'esveilla. 
Et dant Renart qui tant mal a 
Pensé et fet puis qu'il fu nez , 
S'en est de branche en branche alez 
Tant que vint endroit le vilain , 
Si jure Dieu et Saint Germain 
Que il li fera encui honte. 

5820 Que vos feroie plus lonc conte? 



ii6 ROMAN 

Renart fait conme pute beste^ 
Qant il li fu desus la teste, 
Drece la queue et aler lesse 
Tôt contreval une grant lesse 
De foire clçre à cul overt , 
Tout le vilain en a covert. 
Et il qui l'a sentue s'esveille , 
Taste à son vis et se merveille 
Que ce est qui si li chiet chaut 

583o Sor son vis de lasus en haut ; 
Si prent à regarder amont, 
N'i voit nule chose del mont, 
Qar li arbres iert trop foilliez , 
Et Renart s'estoit tooilliez 
En foilles si que n'i paroit. 
Et qant li vilains riens n'i voit , 
Lors quide que. ce soit fantosme 
Dont taste à sa main et si osnie 
Et sent que c'est merde qui put, 

5846 Ne fu pas liez qant s'aperçut, 
Ainz li anuie moult et grieve. 
Tôt maintenant d'ilec se lieve 
Et s'en cort droit à un fossé 
Qui estoit enz el chief del pré , 
Si ot bien vint piez de parfont , 
Et fu plain d'eve jusqu'amont , 
Et jure et dist, se Diex le saut^ 
Qu'il saura qui est là en haut 



DU RENART. ai? 

Sitost con il ert revenuz. 
585o Qant il est à Fève venuz , 
Si s'acropi por soi laver. 
Renart qui bée à le grever j 
Saut jus à terre au miex qu'il pot. 
Vers lui en est venu le trot 
Par derrier que ne l'aparçoive , 
Que talent a que le déçoive 
A ceste foiz moult malement , 
Et si le velt^ si soutilment 
Fere que il ne puist foïr : 
586p Si con il vint de grant aïr , 
Li est desus le dos sailliz. 
Or est li vilains malbailliz , 
Qar ainz qu'il fust aparcéuz 
Est-il dedenz l'eve chéuz : 
Il ot grant péor de noier , 
Si conmença à patojer , ' 

Que volen tiers en issist fors , 

Mes ainz aura anui del cors. 

Se Renart puet en nule guise , 
5870 II est venuz à son juise , 

N'en istra mes sanz beste vendre. 

Enmi le pré cort Renart prendre 

Une pierre qu'il a véue 

Grant et quarrée, si li rue 

Desus le col par tel aïr 

Conques cil ne se pot tenir 



ai8 ROMAN 

Que il ne soit au fonz alez. 
Ysengrin qui se jut delez , 
A mesire Noble mostré 

588o Que il ni avoit demoré , 
C'en se délite là aval 
Non pas por bien , mes por le mal y 
Que onques ne le pot amer ; 
Son ami le pot-il clamer , 
Mes jà de cuer ne Famera , 
Bel semblant espoir li fera y 
Si Yodroit-il qu'il fust lardez. 
Sire , dist-il , or esgardez 
De Renart con est mal voisins , 

5890 Bien nos tient or por ses cosins y 
Qui tant' nos fet à acorber. 
Déables le puist asorber 
Qant il nos fet tant de mal trere y 
Que il ne vient ne ne repère ! 
En lui avon bon mesagier 
Por querre la mort et cerchier, 
Que il revendroit moult à tart. 
Qar alon ore celé part , 
Si sauron por qoi il ne vient 

5900 Et quex essoine le détient. 
Je le voi là y ce m'est avis , 
Lez le fossé tout ademis y ' 

' En cel fossé où il s^ést mis. 



DU RENART. aig 

Où il se gieue et cort et saut , 
Moult petitet de nos li chaut : 
Il a espoir trové pasture 
A son eus, si n'a de nos cure, 
Por que il est bien saoulez. 
Alons celé part se voulez. 
Si sauron qu'il fet et por qoi 

5910 II est remès là. Je Fotroi , 

Fait soi Nobles, vos dites bien , 
Foi que je doi saint Julien ; 
Je li feré oomperer chier 
Ce que nos fet tant ci juchier : 
Se il le fait por nul despit, 
Jà n'en aura point de respit , 
Ne nus ne l'en sera garant 
Se il n'i a cause apaisant. 
Atant se sont d'ilec levé , 

5920 Gelé part s'en vont abrivé 

Toz plains d'ire et de mautalent. 
Et li vilain qui. va balant 
En l'eve , que Henart destraint , 
Avoit jà le cuer si ataint , 
Tant l'avoit dant Renart batu , 
Que n'avoit force ne vertu. 
Jà ot deus foiz au fbns esté , 
Et Renart qui onc n'ot bonté , 
Se barat non et tricherie, 

5930 Se pense que moult li anuie 



aao ROMAN 

Que tant le fet illuec atendre : 

Lors garde entor lui y si cort prendre 

Des motes tôt plain son giron , 

Si li rue tôt environ , 

Et desus le dos et encoste ; 

Li vilains a en lui mal oste 

Qui si durement li meffet. 

Que vos diroie ? Tant a fet 

Renart, et tant li a gité 

5940 Motes et pierres à plenté , 

Que tierce foiz au fonz afonde , 
Qui que soit bel ne qui que gronde. 
Or est morz, bien se puet vanter 
N'en orra mes nus hons chanter 
Maie chançon d'ore en avant. 
Renart qui le cors Dieu cravant , 
S'en est délivrez en tel guise. 
Or puéent fere lor devise 
De la proie tôt sanz peur ,. 

5950 De cestui sont-il aséur 

Que jamès mal ne lor fera , 
Ne riens ne lor contredira. 

Qant Renart ot fet ce qu'il quist 
Si conme li plot et li sist, 
Et ot feni tôt son estor, 
Lors se volt mètre à son rotor, 
Qant il voit Noble le Lion 
Et dant Ysengrin le félon 



^ 



DU RENART. an 

Qui tôt droit vers lui s'en venoient : 
5960 Voie ne sentier ne tenoient, 

Par les prez vienent à travers , 
Et il fu sages et apers. 
Sitost con les aparcéuz , 
Encontre va les sauz menuz, 
Si les salue gentement : 
Bien vaingniez, sire, voirement, 
Fet-il , et vostre compaingnie ! 
Renart, je ne vos salu mie, 
Fet Noble , l'en vos déust pendre 
5970 Qant vos m'avez fet tant atendre 
Sanz venir et sanz repairier. 
Sire , foi que doi ma moillier , 
Fet soi Renart, je n'en puis mes, 
Qar j'ai eu un entremès 
Du vilain qui gardoit l'aumaille 
Que je trové là en l'oraille 
De cel pré dormant conme loir : 
Si m'apensai et soi de voir 
Que s'il vos sa voit ou véoit , 
5980 Qu'il vos nuiroit se il povoit , 
Si l'ai tant mené, Dieu merci, 
Par mon enging que or sui ci 
Sains et haitiez et preuz et fors 
Et il gist en cel fossé mors 
Tôt estendu con une raine. 
Mes moult en ai eu grant paine ; 



aaa ROMAN 

Mes toutevoie ai tant ovré 

Que nos en somes délivré. 

Se d'atendre estes anuiez, 
5990 Ne m'en merveil pas, ce sachiez, 

Car demoré ai longement, 

Et moult anuie qui atent , 

Ice dist-on, et il est voirs; 

Mes foi que je doi à mes oirs , 

Se vos le Yoir en saviez 

Jà mau-gré ne m'en sariez, 

Ainz m'en amenez ,* ce croi. 

Ore escoutez , je vos diroi 

Tôt de chief en chief sanz meneonge. 
6000 Et il de maintenant li conte 

Gonment il monta sor l'ormel 

Et il chia seur le musel 

Au vilain tant que s'esveilla , 

Et puis conment il s'en ala 

Laver ea Teve du fossé , 

Et il a son panel trossé , 

Et je sailli à terre après : 

Si conme je vin à eslès , 

Sailli sus lui à quatre piez 
6010 Là où il estoit abessiez 

A l'cve por son vis laver, 

Si qu'el fossé le fis voler 

La teste avant, le cul desus. 

Que vos diroie , fet-il , plus ? 



DU RENART. aa3 

Qant je Toi en l'eve enbatu , 

Tant le feri, tant l'ai batu 

Que il n'en lèvera jamès. 

De lui auron ore tel pès 

Que jamès mal ne nos fera , 
6020 Ne chose ne nos desdîra 

Que nis un de nos fere voille. 

Li Bois l'escoute et se mervoille , 

Et bat ses paumes et fet feste , 

Et jure ses éulz et sa teste 

Q'ainz mes ne fu veu tel gieus. 

Par foi , dist Ysengrin li Leus , 

Tel borde ne fu mes oie 

Ne je ne le cr^oie mie 

Certes se je ne le véoie. 
60 3o Et dist li Rois, se Diex me voie, 

Renart , dis le me tu por voir ? 

Il n'i a tel con de véoir, 

Fet-il , se vos ne m'en créez , 

Alez là et si le véez. 

Dahez ait, dist Noble, qu'ira 

Et qui jà tant s'en lassera ! 

Je n'ai mie vilain tant chia: ; 

Autant amer<Me à touchier 

A un ort vessel de venain 
6040 Con je feroie à un vilain. 

Or soît illec et si se gise 

Et nos feron à nostre guise 



!22/| ROMAN 

De nostre preu se nos savons 
De la proie que nos avons. 
Certes grant tort en aurions 
Moi et Ysengrin qui disions 
Que vos nos voliez trichier; 
Mes or voil-je bien afichier 
Que n'a si loial ne si sage 

6o5o En ma cort, ne de tel corage : 
Conme vos n'en a autel beste , 
Bien avez la besoingne fête, 
Moult miex assez que ne diroie. 
Mes or alons à nostre proie, 
Si soit partie maintenant. 
Ysengrin , or venez avant , 
Si festes ceste partisson , 
Trop i auroit grant mesprison 
Se chascuns n'en avoit sa part. 

6060 Et dist li Leus, par saint Maart, 
Sire , qant vos vient à plaisir 
Il n'est riens que je tant désir. 
Qar aussi ai-ge fam moult grant , 
Et il me semble tôt avant 
Que nos avon ci un torel 
Et une vache et un véel , 
De ce devon partisson fere. 
Lors prent en son cuer à retrere 
Ce que l'en dit auques sovent , 

G070 Que cil qui bien voit et mau prent, 



DU RENÂRT. aaS 

S'il s'en repent , c'est à bon droit ; 

Et puis dist que il miex vodroit 

Qu'il fust penduz à une hart 

Que jà Renart i éust part : 

S'il puet, du tout l'en gitera 

Si que il jà n'i partira , 

Si s'aut porchacier autre part. 

Sire , fet-il , se Diex me gart , 

Le miex si est or que g'i voie , 
6080 Que vos de ceste bêle proie 

Retenez à vostre eus cest tor 

Et icele genice encor; 

A ma dame la Orgueilleuse 

Rone sera et savoreuse^ 

Qar ele est moult et grasse et tenre : 

Et je qui ne voil pas tôt pranre , 

Si auré sanz plus cel véel , 

Et cil garz rous de pute pel 

Qui n'a de cel viande cure , 
6090 Si aut aillors querre pasture. 

Moultà grant chose en seignorie, 

Qar tôt veut fere à sa devise , 

De riens ne veut à part venir, 

Tout velt à son eus retenir. 

A ce déust avoir gardé 

Ysengrin, foi que doi à Dé, 

Ainz que n'éust partison fête. 

Noble a croléun poi la teste 
I. i5 



226 ROMAN 

Qant la parole a entendue , 
6100 Ne li fu pas à gré venue , 

Qar il savoit bien tôt de voir 
Qu'à son eus voloit tôt avoir , 
Que que il éust dit avant. 
Deus pas avoit passé avant, 
Si a haucié la destre poe , 
Si fiert Ysengrin lez la joe 
Si durement que le charnal 
En a abatu contreval , 
Si l'a fait durement saingnier. 
G 110 Renart emprist à aresnier, 
Si li a dit , vos partiroiz , 
Ore orrons que vos en direz, 
Sire Renart qui tant savez , 
Or en dites ce qu'en pensez. 
Certes je di en vérité , 
Foi que doi sainte Charité , 
Vers vos ne doi-je part avoir , 
Mes prenez à vostre voloir 
Et nos donez ce que voudroiz , 
6120 Qar bien savez, et si est droiz 
Que lote la proie soit vostre. 
Foi que doi sainte Patenostre , 
Fait noble , si n'ira-il mie , 
Je voil que ele soit partie 
Ançois que de ci vos movez. 
Sire, puis que vos le volez, 



DU RENART. 127 

P'ait Renart, je la partirai. 

Il m'est avis , au sens que j'ai , 

Issi con Ysengrin disoit , 
61 3o Que ce est le miex qui i soit 

Que ce tor à vostre eus aiez , 

Miex sera en vos enploiez 

Que il ne sera à nul ame , 

Et la vache sera ma dame 

Qui est crasse et tendre et juénete , 

Et vostre filz qui mes n'alete , 

Qui a en cest an esté nez, 

Aura , se vos si le volez , 

A son mengier cel^véelet 
6140 Qui est tendre et est de let; 

N'aura encor huit mois demain , 

Car entre moi et cel vilain 

Irons en autre leu chacier 

Por nostre vivre porchacier. 
Li Rois Tentent , si li fu bon , 

Qant il oï que tôt fu son , 

S'en a de joie fet un saut. 

Renart , fet-il , se Diex me saut , 

Or me di voir, ne me mentir , 
6i5o Qui t'aprist primes à partir? 

Sire, fait-il, par Sainte Luce, 

Cel vilain à cel rouge aumuce , 

Je n'en oi onques autre mestre : 

Ne sai s'il est ou clers ou prestre 



2a8 ROMAN 

Qui si porte rouge corone , 
Mes bien sai se il est persone , 
Qu'il est ou Pape ou Cardonax. 
Renart , fait-il , moult par es max , 
Tu sez el que ton pain mengier, 

6160 Fox est qui de toi fet bergier, 

Que par mes eulz ne par ma teste 
Il n'a plus vesiée beste 
Gonme tu os en tout l'Empire. 
Bien retiens ce que tu os dire , 
Et cil reprent la meillor voie 
Qui par autrui sens se chastoie , 
Et tu as bien fet, ce me semble. 
Or remanez ici ensemble 
Entre vos deus , que je m'en part ; 

6170 Dit Ysengrin que il se gart 

Que une autre foiz parte à droit , 
Espoir à tel afere auroit 
Qui li feroit encore pis. 
Or demorez , que je ne puis 
Demorer ici , je m'en vois , 
Et vos , porchaciez par ces bois , 
Se vos volez, vostre disner, 
Qar en voil ma proie mengier. 
Toi et Ysengrin , sanz mentir, 
6180 Par "ion cbief bien savez partir ; 
Bien m'en acort à vostre dit , 
Vos n'en aurez jà contredit 



DU RENART. aig 

De nul home que biau m'en soit. 

Or alez querre que que soit 

Se volez , que vos mengerez , 

Que jà de cest ne goûterez. 

Ha! sire 9 fet Renart, ne dites ^ 

Seront-ce donques les mérites 

De ce que ci vos amené ? 
6190 Certes s'aucun petit n'en é 

Poi me porrai de vos loer : 

Se vos ne m'en volez doner, 

Sire, à cel vilain en donez 

Tant qu'il en soit desjéunez , 

Qar il est si mal atornez 

Que à paine se puet ester. 

Miex li venist que l'eussiez 

Fet eschacier de l'un des piez , 

Se le lessiez si fameilleus. 
6aoo Ce poise moi , si m'ait Dieus , 

Que je ne li ai que doner 

Dont jel' face desjéuner : 

Je li douasse volentiers , 

Que moult en est mes cuers tendriers, 

Por ce que si le voi blecié : 

Moult li avez mal despecié 

Son chaperon delez la joe. 

A cest mot li a fait la moe 

Si que ne l'aparçut ne vit. 
6aio Noble l'esgarda, si s'en rit 



a'^o ROMAN 

Et dist, Renart, moult ses de bole. 
Tu ies issuz de mainte escole , 
Diex set bien de quel covenant 
Tu me vas ici sarmonant ; 
Plus le diz por pitié de toi 
Que ne faiz de li, par ma foi : 
Car je sai bien , se Dex me voie , 
Jà sitost tornez n'en seroie 
Con tu li toudroies sa part 

6220 Et s'en mosterroies la hart. 

Qu'il ne se porroit revencliier. 
S'il s'en devoit vis esragier 
N'en aroit-il point, par mes eulz ; 
Mes je le feré assez miex, 
Que foi que doi Saint Esperit , 
Jà n'en métré où li chien chit 
Ne por vos fez ne por vos diz , 
Ainz vos en ferai si oniz 
Que jà l'un de vos par raison 

623o Ne gabera son compaignon 

D'espaule , de pié ne de cuisse , 
Ne d'un ne d'el que conques puisse. 
A icestui mot si s'en part 
Et lesse enmi le pré Renart 
Qui moult fesoit le couroucié 
Por Ysengrin qu'il vit blecié , 
Et si en avoit-il grant joie ; 
Si li a dit , se Diex me voie , 



DU RENART. ^^i 

Compère , bien somes guilé , 
6240 Bien vos a li Rois afolé 

Trestot sanz droit et sanz reson : 
Si voise-je en ma meson , 
Grant mal a fet et grant outrage , 
Bien i porra avoir domage 
Espoir encor en aucun tens ; 
Et qui voudroit, selon mon sens, 
Encontre lui débat ovrer , 
Moult bien le porroit comperer , 
Je cuit , ou auprès , ou au loing. 
6250 Son ami voit-on au besoing 

Au miex que s'en puet conseillier , 
Et je m'en voil bien traveillier 
Por tant que vengiez en soiez. 
J'en seroie certes moult liez 
Se li véoie anui avoir. 
S'en lui éust point de savoir , 
Ne de bien ne de cortoisie , 
N'éust pas la proie saisie 
Si tote que n'en éusson. 
6260 Honni somes se nos lesson 
A lui issiques defoler , 
Qar tost nos porroit afoler 
Se nos ne l'osion desdire. 
Si lo c'ainz que la chose enpire 
Que nos queron et art et guilc 
Par qoi la vcnjance soit prisr 



aSa ROMAN 

Por vos trestot premièrement 
Qu'il a mené si malement 
Par la force que il a faite, 
6270 Que nostre part nos a tolaite 
La proie qui estoit conmune. 
Ne se déust fere si brune , 
Por ce s'il est par desus nos , 
Qar par la foi que }e doi vos 
Qui estes mes compères chiers. 
Ne sera si mal ne si fiers 
Que bien n'en aion la venjance. 
Ysengrin ot la covenance 
Que Renart li dist et présente , 
6a8o Que se il velt selonc s'entente 
Ovrer et selonc son savoir, 
Il l'en fera venjance avoir 
De ce que il Ta mal mené 
Et il le het plus c'ome né 
Por le mal qu'il li avoit fet 
Sanz ce que ne li avoit fet 
Chose por qoi il le déust 
Si mal mener : se il péust , 
Il li féist volentiers fere 
6290 Chose qui li déust desplere 
En tel guise, ce sai de voir, 
Que ne s'en puist aparcevoir 
Devant que la chose fust fête. 
U s'apense que sa retrete 



DU RENART. a33 

Ne sera à fin, n'acomplie 
Sa pensée , s'il n'a aie 
Et durement ne se porchace 
A un home qui auques sache 
Et puist dire séurement, 

63oo Trut, fet se il, je me dément : 
De noient je voi mon compère 
Qui plus m'aime ne fet son frère, 
Et plus set de barat toz sens 
Certes ne sevent vint et deus 
Des meillors de la Cort le Roi , 
Et je ne li descoverroi 
Mon cuer ! Non, qar je n'oseroîe : 
Péor ai , se je li disoie , 
Qu'il ne m'encusast au Lion , 

63 1 G Qu'il a en lui moult mal cion, 
Ce dist-on par tôt le pals 
Dont il est estraiz et nais. 
Por ce si ne m'i os fier, 
Mes ne cuit pas qu'il aut crier 
A cort ce que j'ai enpensé. 
Avoi ! or ai-je fol pensé 
Envers mon compère Renart, 
Je ne cuit pas , se Diex me gart , 
Que il me mesféist por rien , 

6320 II est preudon , ce sai-ge bien. 
Pieça que je l'ai esprouvé , 
Et encore l'ai-je trouvé 



23/, ROMAN 

Jusques ici moult loial home. 
Foi que doi Saint Père de Rome 
A son conseil me maintendrai , 
Il est mes compères en lai , 
Si pens que ne me mesferoit , 
Ne mal ne me porchaceroit. 
Issi à lui méismes tence , 

633o Et en la fin de sa sentence 
S'acorde à ce qu'il li dira 
Et à son conseil en fera 
Conment que li aferes aut , 
Qar nus tant ne set ne ne vaut 
A nul besoing conme Renart. 
Lors conmence à dire par art 
Paroles con bien afaitiez , 
Et si a dit par amistiez : 
Biax doz amis , biax doz conpere , 

63/,o Conseilliez moi si qu'il i père, 
Que vostre conseil m'a mestier. 
Jà ne verrai mes l'anuitier 
Se de Noble ne sui vengié 
Qui si m'a le vis escorchié 
Que le cuir en est aval mis : 
Por ce le vos di , biaus amis , 
Que por moi tant vos travailliez 
Qu'à bone foi me conseilliez. 
Si feré-je, ce dist Renart , 

635o Par le baron Saint Lienart ; 



n 



DU RENART, 235 

Mes orendroit n'en est saison , 
Alez ent en vostre meson , 
Si le lesson ester huimès. 
Atant est le Conseil rcmès, 
Si vet Renart à son repère, 
Et Ysengrin son chier compère * 
Est retomez à son manoir. 
Ici fait Pierres remanoir 
Le conte où se volt traveillier , 
636o Et lesse Renart conseillier. 

' On lit dans le manuscrit Delayall , n° 2718 : 

Et Tsengrin le depntaire 
Est Tenus à son domicile. 
Sa femme traere et sa £ami]ie. 
Chi fait Perrins remanoir 
Le livre de Renart pour yoir 
Duquel s'est toIus trarillier : 
Tsengrin laist à consillier ; 
Se par ce meschiet Tsengrin 
Li blâmes en ert sus Perrin. 

Chi faut li romans de Renart , 
Bien li chiet oui sa fraude n'art. 



236 ROMAN 



fSi canm t)0m0rtti iKirtt la Unt ans itm 

Or vos redirai d'Ysengrin 
Qui se remist en son chemin , 
Car il s'en voloit repairier. 
Qant il ala esbanoier 
Les brebiz oit es chans bélier, 
Celé part emprent à aler. 
Si con il fu dou bois issuz , 
Deus moutons a es chans véuz , 
L'un fu Belin , l'autre Bernart , 

6370 Moult les amoit sire Tiehart : 

Au chief du champ s'esbanéoient 
Et de lor cornes se hurtoient. 
Que qu'il fesoient leur mellée 
Lor bergiere s'en iert alée, 
Li bergiers les ot oubliez , 
Uuec s'en erent outre alez. 
Li vilain qui moult par sot peu 
La maie garde pest le Leu , 
Si entre Bernart et Belin 

368o Ne se gardent voir d'Ysengrin ; 
Se cil ne sont et sa^^e et cointe 
Mar i fu fête celé pointe. 



DU RENART. ^i^'j 

Belin si fu le plus coarz, 

Premièrement parla Bernarz, 

Bien veingniez-\os , biau sire Leus. 

Je ne vos salu mie andeus, 

Jà beste ne saluerai 

Puis que je mengier la vodrai. 

Sire Ysengrin , nos savons bien 

6390 Que nos somes ambedui tien 
Et que andui nos mengeras 
De quel eure que tu vodras ; 
Mes se toi plet par ta franchise, 
Primes nos fai tant de servise 
Entre nos deus met acordance, 
Si tendra leu à grant vaillance : 
Qar il dist que cest chans est siens 
Et je redi que il est miens ; 
Sire, se vos le partisiez 

6400 Et el champ bien nos méissiez 
Si que g'en eusse ma part. 
Et Tautre en doinsissiez Bernart , 
Dont poez fere vo plaisir 
' De nos deus et toz vo désir. 
Dist Ysengrin, moult volentiers. 
Or me dites conment premiers. 
Sire, soiez en la foriere, 
Chascuns de nos se traie ariere, 
Et devant vos vendron corant. 

6410 Cil qui premier vendra avant, 



!i38 ROMAN 

De tant con il plus tost corra, 
La greingnor part du champ ara. 
Dist Ysengrin , et je l'otroi , 
Or vos traiez en sus de moi; 
fielin ira de çà à destre , 
Et Bernart ira à senestre. 

Belins estoit le plus igniax 
Qui estoit le plus jovenciax; 
Mes Bernart estoit plus senez 

6420 Por ce qu'il estoit li ainz nez. 
Conmunément sont esloingniés 
Si con li Leus Tôt desresnié. 
Il lor a dit, seignor, movez, 
Fêtes le miex que vos povez. 
Belin s'esmuet de grant ravine, 
Qant vint au Leu , ses cornes cline , 
Par grant vertu fiert Ysengrin 
Si qu'il le giete tout sovin 
Tout estendu de l'autre part. 

64*^0 Au relever es- vos Bernart 

Qui le fiert en l'autre costé , 
Devers Belin le r'a gité : 
Qatre costes li ont brisié , 
A bien petit l'ont mort lessié , 
Puis si s'en tornent à itant, 
Du Leu s'en vont cscharnissant. 
Il se pasme plus de cent foiz , 
Si est angoisseus et destroiz ; 



DU RENART. 289 

Le sanc 11 saut à grant randon 
6440 Par mi le nez à grant foison. 

Qant il fu un poi acoisiez , 

De pasmoison est repairiez : 

Ha! las, dist-il, dolenz chaitis, 

Con sui maléurez tout dis! 

La costume ai à l'esprevier 

Qui l'aloe vet tant chacier 

Que il la prent par tost voler , 

Et puis si l'en relet aler : 

Le vif déable , li seignor 
6450 M'avoient fet partisséqr ; 

Et que devoit à moi tenir 

De terre doner et p^irtir! 

Geste branche est boné et petite 

Et bien fête , s'ele est bien dite. 



a4o ROMAN 



0t rottnu lUmnrt (vA avaln tf&mffcva itbnt} U 

|tttt0. 

Or me covient tel chose dire 
Dont je vos puisse fere rire , 
Qar je sai bien, ce est la pure, 
Que de sarmon n'avez-vos cure, 
Ne d'un cor saint oir la vie, 

6460 De ce ne vos prent nule envie. 
Mes de tel chose qui vos plaise. 
Or gart bien chascun qu'il se taise, 
Qar de bien dire sui en voie, 
Et bien garniz , se Dex me voie ; 
Se vos me voliez entendre, 
Tel chose porriez aprendre 
Qui bien feroit à retenir. 
Si me seut-l'en por fol tenir, 
Mes j'ai ol dire en escole , 

6470 D'aucun fol hons sage parole. 

Lonc prolongues n'est point à fere , 
Or dirai, ne me voil plus tere. 
Une branche et un sol gabet 
De celui qui tant set d'abet , 
C'est de Renart , bien le savez , 
Et bien 01 dire l'avez. 



DU RENART. 241 

De Renart ne va nus à destre, 
Renart fet tôt le monde pestre; 
Renart atret, Renart acole, 

6480 Renart est de moult maie escole ; 
De lui n'a nul corroies ointes ^ 
Jà ne sera si ses acointes. 
Moult par est sages et voiseus 
Renart, et si n'est pas noiseus, 
Mes en cest monde n'a si sage 
Qui à la foiz n'aut au folage. 

Or vos dirai quel mesestance 
Avint Renart et quel pesance. 
L'autrier estoit aie porquerre 

6490 Sa garison en autre terre 

Con cil qui avoit grant soufraite 
Et grant fein qui moult le deshaite. 
Si con il vint en une arée , 
Si s'en entra en une prée , 
Puis s'en vint droit en une broce 
Moult dolent, et moult se corouce 
Que il ne puet chose trover 
Qu'il puist mengier à son soper. 
Il n'i voit riens por sa pasture, 

65oo Lors se remet en l'ambléure ' 
Fors del bois et vint en l'oraille; 
Arestez est , de fain baaille. 
Maigres estoit et moult chaitis , 
Grant fain avoit en son pais : 
I. iG 



'i/,î ROMAN 

D'eures en autres s'estendeille , 
Et ses" ventres si se merveille, 
Et si bouel qui sont dedenz, 
Que font ses poes et ses denz , 
D'angoisse gient et de destrece , 

65 lo Et de la fain qui mbult le blece; 
Lors dist qu'il fait malvès atendre 
En leu oïl l'en ne puet riens prendre. 

A icest mot par un sentier 
S'en corut un arpent entier; 
Onques ne volt aler le pas 
Tant que il vint à un trespas. 
Si con il ot le col bessié, 
Si a choisi en un plessié, 
Par encoste d'unes avaines, 

6520 Une Abaie de Blans Moines, 
Et une granche par dejoste 
Où Renart velt fere une joste. 
La granche fu moult bien asise , 
Li mur furent de roche bise 
Moult fort, ne vos en mentiron, 
Et furent clos tôt environ 
D'un fossé dont haute est la rive 
Si que ne lor puet riens qui vive 
Tolir par force nule chose 

65^o Puis que la porte est ferme et close. 
Plenté i a de norreture , 
Qar ele est en bone pasture; 



DU RENART. ^43 

Moult par estoit riche la granche , 

Mes à aucuns estoit estrange : 

Assez i a de tel viande 

Gon Renart H Gorpis demande ; 

Gelines, chapons, coz, anez. 

Renart est celé part tornez , 

Parmi la voie a fet un saut 
6540 Toz abrivez de fere asaut. 

Onques lie fu ses frains tepuz 

Tant qu'il est as chapons venuz. 

Sor le fossé s'est areëtez 

De gaaingnier toz apretez 

Et de gelines asaillir ; 

Mes il n'i pooit avenir. 

Cort et recort entor la graàche , 

Mes ne trove ne pont, ne planche, 

Ne pertuis. Moult se desconforte : 
655o Lors s'acropi devant la porte 

Et vit le guichet aovert 

Et le pertuis à descovert : 

Celé part vint, outre se lance. 

Or est Renart en grant balance 

Que s'il puéent aparcevoir 

Que il les voilie décevoir, 

Li moine retendront son gage 

Ou li méismes en ostage, 

Qar félon sont à desmesure. 
656o Cui chaut? Tôt est en aventure. 



a44 ROMAN 

Or vet Renart par le porpris , 
Grant péor a d'estre sorpris; 
Vînt as gelines, si escoute, 
C'est veritez que moult se doute , 
Que bien set qu'il fet musardie : 
Retornez est par coardie, 
Grant péor a qu'on ne le voie, 
Ist de la cort, s'entre en la voie 
Et se conmence à porpenser 

6570 Que besoing fet vielle troter, 
Et la fain tant le par tormente, 
Ou bel li soit ou se repente , 
Le refet arieres fichier 
Por les gelines acrochier. 
Or est venuz Renart ariere , 
En la granche entre par deriere 
Si coiement que ne se murent 
Les gelines, n'en aparçurent. 
Sor un tref en ot troi juchies 

658o Qui estoient à mort jugies, 

Et cil qui est alez en fuerre , 
S'en monta sur un tas de fuerre 
Por les gelines aprouchier. 
Les gelines sentent hochier 
Le fuerre, si en tresaillirent 
Et en un angle se tapirent , 
Et Renart après eus s'en torne , 
S'es a prises toutes à orne 



DU RENART. a/jS 

Là où il les vit enanglées , 
6590 Toutes troi les a estranglées. 

Des deus en fet ses grenons bruire , 
La tierce vodra porter cuire. 
Qant ot mengié , si fu aaise j 
De la grandie ist par une haise 
Et la tierce geline en porte; 
Mes si con il vint à la porte 
Si ot moult grant talent de boire, 
Cil qui bien sot la gent deçoivre 
Se porpensa que il feroit 
6600 Et conment à boivre averoit. 
Un puis avoit enmi la cort, 
Renart le vit , celé part cort 
Por sa soif que il volt estaindre , 
Mes il ne pot à l'eve ataindre. 
Or a Renart cel puis trové , 
Moult par le vit parfont et lé : 
Dedenz ne volt-il pas saillir, 
Péor ot de soi maubaillir. 
Ne il ne put engin savoir 
6610 Conment il puist de l'eve avoir. 
Seignors, or escoutez merveilles : 
En cel puis si avoit deus seilles; 
Qant l'une vient et l'autre vet , 
Et Renart qui tant a mal fet, 
Desus le puis s'est acoutez 
Grains et marriz et ti'espensez. 



346 ROMAN 

Dedeuz conmence à regarder 
Et son ombre à aboeter : 
Or l'ont déable decéu , 

6620 De son ombre qu'il a véu 

Guida que ce fust Hermeline 
Sa famé q'aime d'amor fine , 
Qui herbergie fust laiens. 
Renart fu pensis et dolens ; 
Il li demanda par vertu , 
Di moi , là dedenz que fès-tu ? 
La voiz du puis vint contremont, 
Renart loi, drece le front; 
Il la rapele une autre foiz, 

663o Gontremont resorti la voiz. 

Renart l'ot, et moult se merveille. 
Ses pies a mis en une seille , 
One n'en sot mot , si vint à mal. 
Or li est encontre moult mal , 
Qant il fu en l'eve chaûz 
Lors sot bien qu'il est decéuz 
Qant sa famé n'i a tenue 
Que il cuidoit avoir véue. 
Or est Renart en raale frape , 

6640 Maufez l'ont mis en celé trape. 
Acostez s'est à une pierre , 
Bien vôsist estre mors en bière : 
Li chaitif sueffre grant hachie , 
Or a sovent la pel moillie ; 



DU RENART. a47 

Or est miex qu'en fers ne en gés, 
A bon droit est-il concluez. 
Que tôt }ors il met son pooir 
En tôt le monde décevoir. 
Or ne set Renart trover guise 
665o En quel manière du puis isse; 
Or est à aise du peschier, 
Nus neF porroit esléescier. 
De grant ire est tout esméuz 
De ce qu'einsi est decéuz , 
Ne prise deus botons son sens. 
Seignor, il avint en cel tens. 
En celé nuit et en celé eure 
Qu'Ysengrin sanz nule demeure 
S'en est issuz d'une grant lande , 
6660 Que querre li covint viande. 
Que la fain le griève forment. 
Tornez s'en est iriéement 
Devant la meson as Renduz , 
Les granz galoz i est venuz; 
Le pais trova moult gasté , 
Ci conversent, fet-il, maufé 
Qant l'en ni puet trover viande 
Ne riens nule que l'en demande. 
Tornez s'en est tôt son passet, 
6670 Gorant en vint vers le guichet; 
Par devant la rendacion 
S'en est venuz tôt le troton ; 



^ 



348 ROMAN 

Le puis trova enmi sa voie 
Où Renart le rous s'esbanoie. 
Desor ce puis s'est aclinez 
Grains et marriz et trespensez; 
Dedenz conmence à regarder 
Et son ombre à aboeter. 
Con plus i vit, plus esgarda, 

6680 Tôt ensi con Renart ovra : 
Con il se coucha sus adenz, 
De son ombre qu'il vit dedenz 
Quida ce fust dame Hersent 
Qui herbergie fust laiens 
Et que Renart fust avec H. 
Sachiez pas ne li abeli 
Et dîst, moult par sui maubailliz. 
De ma famé vilz et honiz 
Que Renart li rous m'a fortraite y 

6690 Et avec lui çaiens a traite. 
Moult est ore traître lerre 
Qant il déçoit si sa conmere , 
Si ne me puis de li garder , 
Mes se jel' pooie atraper, 
Si faitement m'en vengeroie 
Que jamès crieme n'en aroie. 
Lors a ullé par grant vertu, 
A son ombre dist, qui es-tu? 
Que pense-tu , putain provée 

6700 Qant o Renart t'ai ci trovçe?- 



DU &ENA.&T. :i49 

La voiz resorti oontrenMMit, 

Sa li semble qu'il li responL 

Lors a allé une autre fiMz, 

G>ntremoiit resorti sa toîz. 
Que qulsengrin se dementoit 

Et Renart trestoz ooiz estoit, 

Qant assez Tôt lessié uller. 

Puis si l'a pris à apeler. 

Qui est-ce, Diez! qui là parole? 
6710 Jà tien-ge ça dedenz esoole. 

Qui es-tu , va, dist Ysengrin ? 

Jà sui-je Yostre bon TCHsin 

Qui fit jadis YOStre compère. 

Plus m'amiez que Tostre firere; 

Mes l'en m'apele feu Renart 

Qui tant saYoit d'engin et d'art. 

Mes or sui mort, la Dieu merci. 

Ma penitance ùa ici. 

Dist Ysengrin, c'est mes oonfiorz : 
6720 Dès quant ies-tu, Renart, dont morz? 

Et il li respont, dès l'antrier : 

Nus bons ne s'en doit mervcnllier 

Se je sui morz, aussi morront 

IVestuit cil qui en vie sont. 

Parmi la mort les covendra 

Passer au jor que Diex voudra. 

Or atent m'ame nostre sire 

Qui m'a jeté de cest martire, 



25o ROMAN 

De cest puant sieck où j estoie; 

6730 Mes que Diex à la mort vos voie. 
Je vos pri, biau compère douz, 
Que me pardonez les courouz 
Que l'autrier éustes vers moi. 
Dist Yseugrin, et je Totroi, 
Or vos soient tuit pardoné , 
Compère , et ci et devant Dé ; 
Mes de vostre mort sui dolenz. 
Dist Renart, et j'en sui joianz. 
Joiauz, amis! Voire, par foi. 

6740 Biau compère, di moi porqoi. 

Que li miens cors gist en la bière 
Ciliés Hermeline en sa tesniere, 
Et m'aoïe est en paradis mise , 
Devant les piez Jhesu assise : 
Compère , ne vos merveilliez 
Se de ce sui joianz et liez , 
Bien sachiez que ce est savoir, 
Et si vc^s di sanz décevoir 
Que j'ai trestot quanque je voil. 

6750 Je n'oi onques cure d'orgoil, 
Et si te di bien sanz fauser 
Que moult me déussiez amer , 
Car onques voir ne te mesfis , 
N'onques se bien non ne te fis, 
Si en sui joianz en mon cuer : 
Et si vos di que à nul fuer 



DU RENAKT. «5i 

Mal ne vos voudroie avoir fet, 
Je sui ci que que j'aie. fet. 
Se tu es el régne terrestre , 

6760 Je sui el paradis celestre ; 

Céanz sont les gaaingneries , 
Les bois , les plains , les praieries ; 
Géanz a riche pecunûUe , 
Céanz puez véoir mainte aumaille 
Et mainte oeille et mainte chievre , 
Céanz puez- tu vcoir vint lièvre 
Et bues et vaches et moutons , 
Espreviers, ostors et £aiucons. 
Ysengrin jure saint Sevestré 

6770 Que il voudroit là dedenz estre. 
Dist Renart, ce lessiez ester, 
Céanz ne povez^vos entrer : 
Paradis est celestîans , 
Mes n'est mie à toz conmunaus. 
Moult as esté toz jors trichierres , 
Fel et traîtres et boisierres , 
De ta Ëimem'as mesoréa^ 
Par Dieu et par sa grant Tertu 
One ne li 6s descoTemie^ 

6780 iTonques par moi ne fb crois^iur. 
Tu dis que tes filz avootrai « 
Onqaes certes ne le pensai 
Par cel Seignor qui me inl rié^ 
Que t'en ai dit la venté ; 



a5a ROMAN 

Serement en as toutevoie 

Sanz ce que point ne t'en dévoie. 

Dist Ysengrin^ bien vos en croi. 
Sel' vos pardoin à ceste foiz ; 
Mes fêtes moi laiens entrer. 

6790 Renart respont, lessiez ester, 
Céanz n'avon cure de noise, 
La povez véoir celé boise : 
( Au doi li a mostré la seille ) 
Ore escoutez une merveille ; 
Renart sot bien son sens espandre , 
Por voir li a-il fet entendre 
Que les seilles qui là estoient, 
Qui à la poulie pendoient, 
Poisez sont de bien et de mal 

6800 Par Dieu le père esperital. 

Dant Renart qui. tôt set trichier, 
Qui le béoit à conchier, 
Li a dit par itel esgart 
Que qant Tame du cors se part, 
Ou bon li sache , ou mal li griet , 
En une boise bien s'asiet, 
Et Dieu par est issi puissanz , 
Se li bons est bien repentanz 
Il s'en dévale ça de jus, 

6810 Et li ma\ remaint toz lassus; 

Mes bons, s'il n'a confesse prise. 
Ne porroit jà en nule guise 



DU RENART. a53 

Ci avaler, je le te di. 
' Ysengrin respons, or me di 

Einssi t'i mist Sains Esperiz, 

As-Jtu tes péchiez regehiz? 

Oïl, fet-il, à un viez lièvre 

Et à une barbue chievre 

Moult très bien et moult saintement , 
6820 N'aura mes m'ame dampnement 

Por chose que au siècle ai fête , 

Ne porchacie ne portrete. 

Si vos volez ci avaler , 

Aussi vos estuet confesser 

De voz péchiez et repentir, 

Qar nus ne puet çaienz venir 

Se confesse ne li amaine. 

Compains , jà por ce ne remaine 

Que je là aval à vos n'aille, 
683o Savez qu'il m'avint hui sanz faille : 

J'encontrai hui enmi ma voie 

Si conme mon chemin tenoie, 

Dant Hubert l'Escofle volant, 

A lui me confessai courant, 

Que onques n'il voil plus atendre , 

De li voil penitance prendre 

Et volentiers la me donna , 

Touz mes péchiez me pardonna 

Dont je cuidai avoir grant joie. 
6840 Biau compère, se je cuidoie 



ii54 ROMAN 

Que ce fust voirs que vos me dites 
Et de vos péchiez soiez quites, 
Au Roi proieroie celestre 
Que il vos dont céanz vostre estre 
Où vos seriez liement. 
Compère, or tost hastivement 
Me fêtes là dedenz entrer, 
Qar moult i désire à aler ; 
Par foi que doi Sainte Apetite 

685o La vérité vos en ai dite, 

Por Dieu pensez de moi tenser. 
Renart li conmence à crier, 
Or vos estuet dont Dieu proier 
Et moult saintement gracier 
Que il vos face vrai pardon 
De vos péchiez remission , 
Issi i porrîez entrer. 
Ysengrin ne volt plus ester, 
Son cul torna vers Oriant 

6860 Et sa teste vers Occidant , 
Et conmença à orguener 
Et moult doucement à uUer. 
Renart qui fet mainte merveille, 
Estoit aval en l'autre seille 
Qui el puis estoit avalée ; 
Ce fu par pute destinée 
Que Renart s'est dedenz couchiez, 
Ysengrin est par tens iriez. 



DU RENART. a55 

Dist Ysengrin , j'ai Dieu proie. 
6870 Et je, dist Renart, gracié, 

Vos vendrez aval sanz demore. 
Il estoit nuit à icele hore 
Et les estoiles cler paroient 
Et en l'eve del puis luisoient. 
Renart à qui tarde l'issue , 
Li avoit fet une treslue : 
Ysengrin , vois-tu ces merveilles , 
Que devant moi ardent chandoiles ? 
Jhesu te fera vrai pardon 
6880 Et moult bonne remission. 
Passion le fiere en là chiere , 
N'i avoit ne feu ne lumière , 
Ainz i avoit assez froidure 
Et oscurté et grant laidure. 
Ysengrin qui onc n'ot savoir, 
Guide Renart li die voir, 
Adonc s'esforce , adonc estrive 
Au séel abatre de rive. 

Il joint les piez, si saut dedenz. 
6890 Ysengrin fu li plus pesanz , 

Si se dévale contreval. 

Or escoutez le Ëatestal , 

Et puis se sont entrecontré , 

Ysengrin l'a araisoné : 

Compère, porqoi t'en vas-tu? 

Et Renart li a respondu , 



a56 ROMAN 

N'en fêtes jà chiere ne frume, 
Bien vos en dire la costume ; 
Qant li uns va, li autres vient, 

6900 C'est la costume qui avient ; 
Je vois en Paradis lasus , 
Et tu vas en Enfer là jus. 
Moult es à grant honte livrez , 
Et j'en sui hors, bien le sachiez, 
Par Dieu le Père esperitable : 
Là jus conversent li Déable. 
Dès que Renart vint à la terre , 
Moult s'esbaudist de celé gerre : 
Ysengrin est en maie trape, 

6910 Se il fust pris devant Halape, 
Ne fust-il pas si adolez 
Que qant el puis fu avalez. 

Seignors , or oez des Renduz 
Con il perdirent lor vertuz ; 
Lor fèves furent trop salées 
Que il orent mengié crevées, 
Si orent trop dormi le soir. 
La nuit dormirent conme loir , 
Li serjanz furent pereceus 

6920 Et d'eve furent sofreteus ; 
Mes il avint del cuisinier, 
Celui qui gardoit le mengier, 
Qu'il ot sa force recovrée , 
Au puis en vint la matinée, 



DURENART. aSy 

Si menoit un asne Espanois 
Et compaingnons de si a trois : 
Au puis en viegnent li troton 
Trestuit li qatre compaingnon. 
L'asne acouplent à la polie 
6930 Qui de trere pas ne s^oblie ; 

Li Rendu le vont moult ferant 
Et li asnes forment tirant. 
Li Leus par grande meses tance 
Estoit oïl puis plus d'une lance, 
Dedenz le séel s'est coulez , * 
Et l'asne fu si adolez . 

» 

Que il. ne pot n'ayant n'ariere, 
Ne por force que l'en le fiere, 
Qant uns Renduz s'est apuiez 

6940 Qui delez le puis s'est couchiez, 
Si prent dedenz à régarder 
Et Ysengrin à aviser. 
As autres dist, que fetes-vous? 
Par Dieu le Çere glorious 
Ce est le Leu que vos traiez. 
Estes-les-vos toz ^maiez, 
Si s'en torneht tuit vers meson 
Plus que le pas et le troton , 
Mes la polie ont atachie. 

6960 Ysengrin suefre grant hachie ,' 
Li frère apelent lor sei'janz , 
Par tens ert .Ysengrin dolanz. 

I. 17 



2<5o ROMAN 

Se il as poins le puet tenir 

7010 II li fera ses jeus puir ; 

Ser puis tenir, je vos plevis 
Que il n'estordra mie vis , 
Que devant moi croissi ma mère. 
Si compissa moi et mon frère ; 
Mes je l'en rendrai gerredon , 
Jà n'en aura se la mort non. 

Atant s*en rêva en sa terre 
Ysengrin, et fet mires querre 
Qui de lui se sont entremis. 

7020 Avec lui Airent ses amis 
Qui li ont mecine donée 
Par quoi sa force a recovrée. 
Ysengrin est gariz et forz , 
Se Dant Renart passe les porz 
Et il le tient dedenz sa marche , 
Sachiez qu'il li fera domage. 



DU RENART. 26c 



V>e Venn et in tm et Iru Wiaim qui trum0tre'- 

xtnt Imr cm, 

Ge vos voil un vers commencier , 

Mes je vos criens moult anuier ; 

Se vos volez je me teré, 
7o3o Et se volez je parleré 

Gonment avint à Ysengrin 

Qui se leva par un matin. 

Dame Hersent Tôt bien gardé 

Et de ses dolors respassé. 

Ore est tôt cras et revelous , 

Fel et hardiz et orgueillous : 

Grant aléure s'en aloit 

Par mi cel bois où il estoit ; 

Enmi sa voie a encontre 
7040 Un vilain qui avoit trové 

Un bacon qui estoit chaûz 

De la charrete à deux recluz. 

Il le tenoit devers la hart. 

Ysengrin vint de l'autre part : 

Où vas, dist-il? Esta iléuc. 

Por qoi, fait-il? Par foi por eue; 

Où as-tu cel bacon enblé ? 

Par foi, fait-il, ainz l'ai trové, 



a6a ROMAN 

Trové ! dont i auré*je part 
7o5o D'outre en outre jusq'à la hart. 
Dist li vilains, en nioie foi, 
Sire Ysengrin, et je PotiYn. 

Acompaignié sont li baron 
En poi d'eure por le bacon ; 
Endementiers que il parloient 
Et que il départir voloient, 
Estes-vos maintenant un Ors 
Qui lor est venuz à plain cors. 
Si con il fu ileuc Tenuz , 
7060 Sor le bacon s'est arestuz : 

Et qui est cil bacon , danz Lous ? 
Sire , dist-il, c'est à nos dous. 
J'en voil , dist-il , ma part avoir 
Par amistié, non par pooir , 
Dist li vilains, et ye Fotroi : 
Et je, ce dist 11 Leus, par foi : 
Or en soion donc conpaingnoa 
Tuit troi et bien le departon. 
Seignor, dist-il, vostre merci, 
7070 Conquis m'avez à vostre ami ; 
Or le metez-ci sor mon dos , . 
Je l'enporteré en cel bos , 
Qar tiez i porroit sorvenir 
Qoi tost le nos voudroit tolir. 
Atant li ont sor le dos mis , 
El bois se sont ariere mis ; 



DU RBNART. a63 

Sor Terbe jetent le bacon j 
S'en parolent li compaingnoB 
Goiiineitt il soit partiz à droit. 
7080 Li Ors qui pliis sages estoit, 
Lor dist qu il n'i est aorestez : 
Seignor, se mon conseij créez, 
En huimès le leron pendant 
A cest foa qui est bel et graïity 
Et le matin ci reveindron , 
Trestttit trois nos bu& mosterron . 
Et cil qui graingiior cul aura , 
Le bacon tout en pk>rtera. 
Ce dist li Leus, et je l'otroi ; 
7090 Et je , dist li vilains, par foi. 
Le bacon ont en haut levé , 
Et puis s'eri sont tuit troi allé. 
Li vilain vilnt en sa meson 
Où l'atendênt éi enfançon : 
Oii fôtefr-vos ) dist-il , dame Ame ? 
Je $uî ci, sire, dist sa famé, 
Por quoi avez tant demoré ? 
Suer , dist-il , que je ai trové 
Un bon bacon enz en cel bos, 
7100 Ainz de mes eulz ne vi si gro& , 
Mes nOs somes troi conpaîngnion ; 
Sez connicnt nos le partiron ? 
Le matin iron la tuit troi , 
Si mosterron nos eus tuit troi : 



!i64 ROMAN 

Qui graingnor cul porra mostrer , 
Le bacon en porra porter. 

Seignor, famé est et foie et sage. 
Et moult est foie de corage : 
Foie est que ne se set partir 

7110 D'une chose qu'a en désir ; 

Et sage est, car qant on li rove, 
Tost a trové une controve , 
Et vérité dist por mençonge 
S'ele en a métier et besongne. 
Ce nos dient cil fol musart , 
Plus que déables a un art ; 
Mes je di ce en ma partie , 
Que sage et foie est par mestrie. 
Moult fu sages cil qui ce dist 

7120 Et qui en son livre le mist : 
Selon les eures et le tens 
A bien mestier folie et sens* 
Moult est famé de parfont sens , 
Et ceste prist moult bon porpens y 
Si a raconté son seignor 
Que se il velt, demain au jor 
Que ses garnemens vestira , 
Et por le bacon s'en ira, 
Et se ce vient as eus mostrer , 

7 1 3o Grant fendace porra mostrer. 
Li vilain l'ot et si s'en rit , 
Par Dieu, fet-il, moult as bien dit. 



DU 

Qant vint an jor, levé se sont. 
Et par le bois andui s*en vont: 
H K ensaigne bien la voie 
Jusqu'à Festre panni Tarbroie; 
Et qant ele i est parvenne. 
For le vilain Font oonnéoe 
Li dui baron qui Fatendoient 

7140 Desouz le fou o il estoient. 
U li ont dit , are Tilain ^ 
Dame Dien vos doint bui bon nu^n ! 
Premier paria Pitons li Ors, 
Seignors, fetnl , jà est granz jors : 
Faites tost, foi que me devez ^ 
Seign<H-s, fet-il, vos eus mostrez. 
Sire, dist-il, moult volentiers. 
Or me dites conment premiers. 
Son cors estent oii par devant , 

^i5o Puis par dmere en estupant, 
Lieve sa qeue , le cul bée : 
Jusque laiens parmi Tentrée 
li puet-on véoir es bmax , 
Tant par est larges li tuiax. 
Sire Tsengrin, ce dist Patous^ 
Moult est voz eus grant et esUms : 
Vilain, dist-41, or estupez, 
Le vostre cul remosterrez. 
Gelé a ses braies avalées 

7160 Qu'elc avoît à son cul fermées, 



i66 KOMAN 

Ele a fait large enforcheure , 
Par bien raostrer celé nature , 
Son chief mist bag por estoper. 
Cil la prenent à regarder ; 
Tant s'en est Patous merveilliez , 
De son pié destre s'est saingniez. 
Noraini Dame , dist K Leti , 
A ces! cul devisent tuit treu , 
Se ice là est trestout eus , 

7170 Contre cela ne se prent nus. 
Il m'est avis « ce dist li Leus , 
Par fiofi que g'i voie deus treus. 
Ce dist Patoug, garde de près 
Se del' véoir es si eiigrès ; 
Je n'i ai soing d'aboester , 
Ne m'i estuet point alumer. 
Celé lor dist , or Mooutea y 
Mes eus est touz acostumez 
Sovedt de ^on ool afichier, 

7180 Por ce l'ai-ge tôt tens phis cliier. 
Ce dist Patous , Ysengrin , fui le , 
Alon-nos eti , clamons li quite. 
Vilain , dist*il , pren le bacon 
Et si l'en porte en ta mesonf. 
Ele si fist et lieve sus : 
De ceste branche n'i a plus. 



DU R EN ART. 367 



!•>••>•<•••<■ 



V^( VUmxt^ 0t tùtme il cmcïfià U Covbd in 

Entre deuz monz en une pladngne, 

Tout droit au pié d'une mùntaingne, 

Desor une rivière à destre^ 
7190 Là vit Renart un moult bel estre 

En mi le pré de l'autre part ^ 

Si conme l'eve les départ; 

Là vit Renart un fou planté 

Que les genz n'ont gueres hanté. 

L'eve plisse outre et vint lot droit 

Là où li fou planté estoit. 

Entor le £ou à fet la tresebe y 

Puis se coucha sor l'erbe fresche. 

Yostrez s'i est et refiroidiez , 
7200 A boii ostel est herbérgiez; 

Jà ne le ^esist vechangier 

S'il éust assez à meingier. 

Li séjorner i edtoit biaxy 

Et Dant Tieoeltn li Ci)pbiax 

Qui moult ot jéuné le jpr, 

IS^avoit cure de tel sejpr ; 

Par besoing ot le bois lessié, 

Et vint volant à un plessié, 



7.68 ROMAN 

Prîvéement en un detor, 
7210 Toz aprestez de fere estor. 

De fromaches vit un millier 
Qu'en avoit fet asoleillier : ^ 
Gelé qui garder les devoit , 
En sa meson entrée estoit ; 
Ele ert entrée en si meson. 
Tiecelin vit qu'il ert saison 
De gaaingnier, si lesse corre, 
Un en a pris por le restore. 
Sailli la vielle en mi la rue ; 
7220 Tiecelins vit que vers li rue 

Qaillous et pierres, si s'escrie, 
Yassax, vos n'en porterez mie. 
Tiecelin la vit auques foie , 
Vielle , fet-il , s'en en parole j 
Dites que je l'en ai porté, 
La maie garde pest le pré : 
Bien poez dire ge l'en port , 
Ou soit à droit, ou soit à tort. 
Del' prendre en ai eu le leu, 
7230 La maie garde pest le Leu; 

Le remenant gardez plus près , 
Gestui ne r aurez- vos jamès, 
Ainz en ferei mes barbes rere 
Moult liement à bêle chère, 

' M, Asoriliier. 



DU RENART. ^69 

En aventure de lui prendre 
Me mis por ce que gel' vi tendre, 
Jâunet et de bone savor. 
Tant ai del vostre par amor, 
Sel' puis porter jusqu'à mon ui 
7240 De cuit en eve et de rosti 

En mengerai tôt à mon chois, 
R'alez-vos en, quer je m'en vois. 
Atant s'en torne , si vint droit 
Au fou où Dant Renart estoit : 
Ensemble furent à celé heure, 
Renart desoz et cil deseure; 
Mes de tant i a desevraille^ 
Li uns menjue, l'autre baille. 
Li fromaches fu auques mox , 

725o Et Tiecelins i fiert granz cox 

De son bec , si que il l'entame , 

Mengié en a maugré la famé 

Et del plus jaune et del plus tendre , 

Qui tel anui li fist au prendre. 

Tiecelin fiert à une hie , 

Ainz n'en sot mot que une mie 

L'en est à la terre chéue 

Devant Renart qui l'ot véue. 

Il connut bien si fête beste , 

•7260 Si encrola deus foiz la teste : 
Il lieve sus por miex véoir, 
Tiecelin vit lasus seoir 



l^o ROMAN 

Qui son compère estoit de riez, 
Le bon fî*oniache entre ses piez. 
Premièrement l'en apela, 
Por les Siûns Dieu que voi-ge là ? 
Et Diex vos saut, sire compère, 
Bien ait Tame vostre bon père 
Dant Rohart qui si sot chanter! 

-2^0 Mainte (oit l'en ol vanter 

Que n'en avoit son per en France : 
Vos méismes en vostre enfance 
Vos en soûliez moult pener , 
Séustes onques orguener? 
Chantez moi une rotruenge. 
Tiecelin entent la losenge, 
Ovre la bouche et giete un bret , 
£t dist Henart , ce fît bien fet : 
Miex chantez que ne soliez , 

7280 Encore, se vos voliez. 

Iriez plus haut une jointe. 
Cil qui de chanter se fait cointe , 
Gonmence de rechief à brere. 
Diex! dist Renart, con or est clere 
Et con espurge vostre voiz ! 
Se vos vos gardissiez de noiz 
Au miex del monde chantissoiz , 
Chantez encore une autre foiz. 
De chanter velt avoir le pris , 

7290 Si l'a de rechief entrepris, 



DU RENAilT. 271 

Si s'escria à haute alaine , 

Ainz n'en spt mot que qu'il se paine , 

Que H piez destre U desserre, 

Et li fromaches chiet à terre 

Tôt droit devant les pi^z R^oart. 

Li lechierres fremist et art 

Et tôt se frit de lecherie, 

Mes n'en touche une seule mie , 

Qar encor , s'il puet avenir , 

7300 Voudra-il Tiecelin tenir. 

Le frofnache li gist devant, 
^ U leva sus en splevant , 

Le pié tept avant dont il cloche , 
Et la pel qui ençor li Ipche, 
Et la jaiiibe et le pié maumis 
Qui el braon fîi e^trepris, 
Bien velt que Tiecelip le voie. 
Hé Diex! fait-il, com ppi de joie 
M'a Diex dpné en ceste viie ! 

7310 Mes je ne sai que je en die, 
Cist fromachjes r^e put si fort 
Et flere si , jà m'aura mort; 
Si ai tel chose qui m'esmaie , 
Que fromaches n'est preuz à plaie , 
Ne de lui talent ne me prent , 
Car fisicle le me defent. 
Ha! Tiecelin,, car descendez 
Et de cest mal me délivrez : 



?.7« ROMAN 

Certes jà ne vos en priasse , 

7320 Mes Tautrier oi la jambe qasse 
En un broion par meschéance , 
Là m'avint cestc mesestance : 
Onques ne me poi destorner. 
Or me co vient à sejorner, 
Enplastre mètre et renoer 
Tant que je puisse respasser. 
Tiecelin cuide que voir die 
Por ce que emplorant li prie ; 
Il descent jus, à terre saut, 

7330 Mes miex li venist estre en haut, 
Se Dant Renart le puet tenir. 
Tiecelin n'ose pas venir, 
Il va traiant le cul arrière, 
Moult doute que Renart nel' fîere. 
Renart le voit acoarder, 
Sel' conmence à aséurer : 
Por Dieu, fait-il, ça vos traiez, 
Quel mal vos puet fere un plaiez ? 
Compère , traiez-vos en çà. 

7340 Li fox qui trop se desvoia, 

Ainz n'en sot mot que il sailli , 
Prendre le volt , mes il failli , 
Et neporqant qatre des pennes 
L'en remestrent entre les quennes. 
Tiecelin saut tos esmaiés 
Qui dut estre moult mal paies; 



DU RENART. a?^ 

Derrers et devant se regarde , 
Hé Diex , dist-il , si maie garde 
Ai hui prise de moi-méisme ! 
735o Jà ne cuidé que féist eme 

Cil fel , cist ros et cist contret 
Qui qatre des tuiax m'a tret 
De la destre ele et de la qeue , 
Li siens cors ait à maie veue! 
Faus et traîtres est por voir, 
Or m'en puis bien aparcevoir. 

Or est Tiecelin moult plain d'ire 
Et Renart s'en volt escondire , 
Mes Dant Tiecelin l'entrelet 
7860 Qui n'a plus cure de son plet , 

Ainz dist , li fromaches soit vostre , 
Huimès n'avérez point du nostre : 
Je fis que fox qui vos créoie 
Por ce que plorer vos véoie. 

Tiecelin parla et grondi, 
Renart un mot li respondi , 

Alez-vos ent , tenez vo voie 

Et je remaindré en l'erboie. 

Souef en a le duel vengié , 
7370 Que le fromache a tôt mengié 

Dont forment s'aloit delechant. 

Moult fu iriez, je vps créant, 

De ce qu'il li est eschapez 

Et que il ne l'a a! râpez ; 

18 



I. 



274 ROMAN 

Puis dist en terre que il sache 
Ne vit-il mes si bon fromache. 
Bien H valut une poison, 
N'en plaint que la maie foison : 
Onques sa plaie n'en jfu pire. 
7380 Atant s'en va, ne volt plus dire, 
Qar bien est son plet definez , 
Et Renart est d'iluec tomez. 



\ 



DU RENART. 276 



^«» 



Seignor , ce dient li devin , 
Il est escrit en parchemin 
Que cil a sovent Inati matin 
Qui près de lui a mau voisin : 
Je le vos di par Ysengrin 
Et por un prestre dant Martin. 
Yiellarz estoit àuques li pre^tres , 

7390 Ne fu on<pxes de letres mes très; 
Plus savoit de truie enfondue 
Que de letre desporvéue. 
Prestres Martins estoit moult sages 
De bien norrir par ces erbages 
Brebis dont il ot maint fromage ; 
Mes moult li fist plusors domage 
Li Leus 9 mal ait toz ses lignages ! 
Près de lui estoit es boscages , 
Si li a fait sovent anui , 

740D Qar il manoit moult près de lui, 
Sovent li fesoit ses oeilles 
Non per, s'eles erent pareilles, 
Et sovent les rapareilloit 
Se non pareilles les trovoit. 



27<> ROMAN 

Moult eit dolent prestre Martin 
De ce dont ert liez Ysengrin. 
Prestre Martin se porpensa 
C'une grant fosse chevera; 
Qant fête fu à sa devise 

7/,io Une perche a par de^us mise, 
Sor la perche met une cloie 
Tôt à conpas la contre moie , 
A la perche l'a bien fremée, 
La fosse a tote acovetée. 
Un aignel lia sor la perche, 
Se Ysengrin par là s'adrese 
Et l'aignel en voille porter, 
De sa cloie l'estuet tumer, 
Et jà si tost n'i montera 

7/1 20 Con il en la fosse cherra. 
Qant il Tôt bien apareillié, 
Aie s'en est, si l'a lessié. 
Ysengrin qui grant fain endure 
Se lieve h une nuit oscure 
Qant toute gent se dort ségure, 
Et est venuz grant aléure 
Là où seut prendre sa pasture. 
L'aignel trove par aventure ; 
Qant vit l'aignel , si fist grant jore 

7/|3o De ce qu'il a encontre proie : 
Or n'a peur que nus le voie, 
Séurement s'en va sa voie. 



DU RENART. a?? 

Sitost con monta sor la cloie 
Chaûz est enz, car ele ploie : 
Ysengrin voit que il est pris, 
De l'eschaper n'est-il pas fis. 
Ha! las, dist-il, dolent, chaitis, 
Con covoitise m'a sorpris! • 
Et puis-je bien dire et jurer 

7440 Que de ci ne puis eschaper : 
Or m'estbvra chier comparer 
La brebiz: que m'en vit porter ; 
Cil dit moult bien qui set conter 
C'une foiz doit le pot verser. 
Li Prestres fu toz trespensez 
Et celé nuit toz esgarez. 
Conques la nuit ne pot dormir. 
Sitost cori il vit esclarcir 
Il lie ve sus ignelement , 

745o Une maçué en sa main prënt, 
A la fosse vint, par le treu 
Si a dedenz véu le Leu. 
Qant il le voit grant joie en fait , 
La perche et la cloie sus trait, 
Puis se deffuble par grant ire, 
A Ysengrin conmènce à dire : 
Sire Ysengrin, or vos vaudrai 
Ce que je tant pramis vos ai; 
Aprendré vos à cest baston 

7460 Conment Prestres Martins a non. 



97» ROMAN 

Li Prestres lieve la maçue , 
Et Ysengrin Fa bien véue, 
En la teste le Tolt ferîr, 
Et Ysengrin sot bien guenchir , 
A ceie foiz neV toudia mie, 
Car il sot trop de l'escremie. 
Prestre Martin est aires , 
En autre sens s'est porpensez : 
En avalant le baston mist 

7470 Desor le Leu et si H dist, 

Enz en mon cuer forment me dueil 
S'a cestui cop ne vos crief l'ueil : 
Qant ot ce dit le baston boute. 
Ysengrin qui le coup redoute , 
Garde à son oil , le baston prent , 
Et le Prestre vers lui le tent ; 
A ses deus mains le sache fort , 
De çà en là li Leus s'estort, 
Le baston li cuide esrachier. 

7480 Qui donc véist Prestre esforcier 
Por bien tenir cele maçue, 
Li Leus d'autre part s'esvertue ; ^ 
Moult s'esforcoient anbedui 
Ghascun dou baston trere à lui. 
Si con nos conte l'escripture , 
Au Prestre avinit une aventure, 
Que la terre est soz lui fondue , 
Desoz ses piez li est chéue. 



DU RENART. 279 

Il s'en vet enz o le baston , 
7490 Or a Ysengrii) compaingnon : 

L'uns fu deçà , Tautre delà , 

De péor l'un l'autre e^g^rda. 

Moult ot Ysengrin grant péor, 

Mes li Prestre ot assez graignor. 

Il a conmencié son sautier 

Par toz les moz à verseillier, 

Et puis dist conmandacion 
-Que Diex le gart de la prison. 

Geste sept siaume disoit plus , 
7 5oo Miserere mei Deus ; 

Pater noster disoit enclin. 

Sor lé col li saut Ysengrin ; 

Ll Prestres chaï demi-mort, 

Et Ysengrin s'en va moult tost 

Par bois, par cbans aussi se fiche. 

Li prestres remest en la briche ; 

Prestre Martin ne rit, ne muit. 

Et Ysengrin moult tost s'en fuit; 

A lui-méismes rit assez 
7510 De ce qu'il est si eschapez 

Et qu'il li sailli seur le dos 

Qant en la fosse l'ot enclos. 

Si serjant l'en orent tost tret. 

Puis se rient de ce qu'a fet. 

Puis bien vos dire et aconter 

Que oiiques messe ne sautier 



28o ROMAN 

Ne chanta puis de bon entent 
Ne par si bon entendement 
Conme il fist ovec Ysengrin , 
7520 Tant con il fu en son engin. 



DU REN ART. a^i 



Or vos dirai conment avint 
A Ysengrin qant la nuit vint ; 
Parmi ces bos s'en va corant , 
Et si aloit ce porpensant 
Que fox est li bons et li Leus 
Qui onques va nule part seus 
Puis qu'il puist avoir compaingnie , 
Que mestier a souvent d*aïe; 
Et tiex puet-on acompaingnier 

ijSSo Dont l'en a puis grant enconbrier. 
Qant ce pensoit en son corage , 
Atant issi de cel boscage : 
Une jument vit en un pré 
Où ele pessoit près' d'un blé. 
Li Leus s'en va. grant aléure 
Droit au jument par la costure; 
Qant à lui vint , si la salue , 
Diex saut , fait-il , Rainsant ma drue l 
Et Diex vos saut , sire Ysengrin ! 

7540 Dont vqnez-vos issi matin ? 
Dame , dist-il , eschapez sui 
De maies mains où anuit fui: 



aHi ROMAN 

Prestre Martin un engin fist 
Por prendre moi et si me prist ; 
Toute une nuit fui en prison. 
Se i eusse un compaingnon, 
D*iluec m'éust bientost jeté, 
Por ce le vos ai raconté , 
Se voles estre ma cpnpaingne , 

755o Nos ferion moult grant gaaingne : 
Assez vos donré à mengier 
Duquel que auriez plus chier , 
Ou bon froment, ou bone avaine. 
Ou bone orge à quel que paine. 
Vos m'auriez moult grant mestier , 
Car je iroie por chacier : 
No oompatngnie seroit bêle , 
Car vos porpenaez , Damoisele y 
De cel vilain qui si vos tue 

756o Et vos fet irere à la charrue: 

Vos gaaingniez trestx>t son bicn> 
Ne vos n'en* aurez jà rien 
Fors le nouax que il aura 
Et ce dont il cure n'aura. 
Haï! Rainsant ma douce amie, 
Qar venez en ma conpaingnie , 
Si serez fors d'autrui dangier, 
Ne vos estovra charroier, 
Ne çà ne là porter nul fais , 

<;57o A toi jors mes vivrez ett pais. 



DU RENART. aSS 

Sire Yâengrin, se je péusse, 

Yo compaiojgme.chiere eusse , 

Mes je ne ^m& corre n'aler , 

Por ce VQÎl-je ci pastiirèr: 

De mon pïé destre par deriere 

Passai hier ea une cbariere ^ 

Une espine me ferî enz; 

$e la me traîiez as denz , 

A nul jor ne serok partie 
7580 De vos amor la druerie, ' 

Grant niisstier vos porrié avoir , 

Qar jie feré tot yo voloir , 

Qar s'&^ vos veit gaingaons huer 

Je sauré moult bien rejeter. 

Mordre des denz, ferir des piez: 

Qui consuivré toz ert jugiez; 

Cui ge porré bien asener 

N'aura talent de regiber. 

Dist Ysengrin , le piez raostrez , 
rj^Qo Celui où Tespine sentez , 

Tost la vos auré esrachie , 

Jà mar i aurez autre mire. 

Le pie li lieve , et il s'acrot , 

O ses ongles li vuide tot. 

Que qu'Ysengrin à vuidier brunche , 

Et il le pie nestie et furche , 

Jl. De yos la moie conpaignie. 



^8/i ROMAN 

Rainsant le pié a destendu 
Et Ysengrin a si féru 
Entre le pis et le musel , 
7600 Tout coi le jeta el prael. 

Rainsant s'en tome regibant , 
Qeue levée va fuiant, 
Et Ysengrin tôt coi se gist 
Grant pièce après et puis si dist : 
Haï! maléureus chaitis! 
Se j'oi hier mal, or ai hui pis ; 
Ne me sai mes en qui fier , 
Ne puis en nelui foi trover. 
Issi se démente Ysengrin , 
7610 Ici prent ceste branche fin. 



DU RENART. a86 

€'^t li !0i0n0^ Eenatrt si ronnu t)0an0nn le bâti* 

Or vos redirai de Renart 

Le TOUS , le fel , le deputart ; 

En sa chambre fu o sa famé 

Hermeline la bone dame : 

Renart si se fu endormiz , 

Que moult estoit souef ses liz. 

Si li avint en avison 

Qu'il iert toz seus sanz conpaingnon 

Près d'un bois à une montaingne , 

7620 S'ot vestu un rouge fustaingne , 
Mes -que par leus ert detrouez, 
Entor le col ert engouiez 
D'une liste trestote blanclie ; 
Mes l'entrée ert d'estroite manche , 
Le col si fort li estraingnoit 
A par un pou ne l'estrangloit. 
Renart de péor s'en esveille , 
A lui méismes se conseille 
Que puet estre que senefie. 

7630 Dame Hermeline est esperie , 
Cil li conte , celé soupire , 
Renart, fait-el, biau très doz sire, 
Grant péor ai de vos chnrpent , 
Car en cest songe ce entent 



a86 ROMAN 

Que vos aurez dolor et paine. 
Or oez du rouge fustaine , 
Por ce qull ert d^os engouiez 
Crieng ne soiez moult mal menez , 
Et ce m'esmaie encore plus 

7B4U Qu'entor le col par de desus 
Ert engouiez de blanche liste, 
De ce suî-ge dolente et tristre : 
Car je sai bien que ce sont vers 
Qui vos engouleront les ners. 
Ce me fesoit moult soupirer 
Que le col vos fesoit serrer. 
Ce senefie , ce m'est vis , 
Qu'en grant destrece seroiz mis. 
Mes or sai bien que je feré , 

765o Un bon charme vos aprendré , 
Si le vos di tout entresait , 
Jà le jor que vos l'aurez fait 
Mar esterez en grant dotance , 
Bien vos en otroi ma fiance 
Que nus en tôt le jor vos face 
Chose qui granment vos desplace , 
Ne jà le jor que le ferez 
Vie ne membre ne perdrez. 
Quant vos devrez issir de l'uis 

7660 Ou de fossé ou de pertuis, 
Ânçois que vos ailliez avant 
De vostre pie destre devant 



DU RENART. 287 

Fêtes troi croiz sor le lintel * 

Jà mar direz ne un veel , 

Puis porrez estre asseur, 

Qar cel jor n'aurez mal éur 

Que ii'en veigniez tôt au deseure. 

Renart saut sus , plus n'i demeure , 

Son charme fist, puis s'en toma, 
7670 Selonc le bois un mont trova. 

Le pas s'en va lez la ramille , 

Sor un fîist vit une cornille 

Qui de novel s'estoit baignié 

Et de son bec aplanoié ,^ 

Et encore s'aplanioit. 

Sitost conme Renart la voit 

Es-le-vos à terre estendu, 

Son v... a sachié trestot nu. 

La Cornille par aventure 
7680 Garda pafrmi la raméure, 

Vit de Renart le v... de fors, 

Guida c'oisel li éust mors. 

Ses éles tent en avalant, 

Selonc Renart descent volant , 

A lui vint et si l'agaita. 

Si conme celé l'aproucha 

Et ele volt bechier el v... , 

Renart saut sus qui son leu vit ; 

' Al, Ferez trois cous sor le lintel. 



•i8H ROMAN 

Par les eles Ta bien conbréc , 

7690 La teste li a engoulée. 

Entre le bois et la champaingne 
S'en va o tôt lez la montaingne , 
De Tautre part outre le mont 
A trové un marois parfont : 
Enz est entrez que nus nel' voie, 
Qar il voudra mengier sa proie. 
Mengiée Fa, si s^aquatuet 
Son chief , son cors qantque il puet. 
Del marchois s'en voloit issir, 

7700 Devant lui garde et voit venir 
Ysengrin qui riens ne l'amoit. 
Ysengrin garde, s'el parcoit, 
Renart , dist-il , par ça trairez , 
Par le mien chief or recevrez 
La mérite tout entresait 
De qantque vos m'avez mesfet. 
Grant honte et grant duel me féistes 
Qant Hersent ma famé f..... 
Et mes loviax toz conpissatcs 

7710 Et fils à putain les clamastes: 
Sez-tu , Renart , que je feré , 
Et quel loiier je t'en rendre ? 
Por ce que tu mes niez estoies 
Et que par faintise m'amoies , 
Et je t'amoie de bon cuer , 
Te metrai-je en si haut fuer. 



DU RENART. 289 

En tel tor et en tel estage 
Que n'ert de si haut parentage 
Qui mes te puisse fere anui , 

7720 Ne tu ne feras riens nului, 
Ne te porra mes nul laidir : 
Issi le te voudrai merir, 
Si te met rai en tel chastel 
Où mauvez agait ne cenbel , 
Enging , perriere ne befroi , 
Ne douteras prince ne roi. 
Renart entent qu'il li pramet, 
La qeue entre les jambes met ; 
Renart voit bien ne puet guenchir 

7780 Ne nule part ne puet foïr; 

Vers son oncle moult s'umelie 
Et doucement merci li prie : 
Oncles, dist-il, l'en dit en plait, 
Nus n'amende s'il ne méfait ; 
S'a amende m'en laist venir 
Je la feré à vo plaisir 
Se Diex me doint anor et joie. 
Et cil respont, se Diex me voie, 
J'ai grant joie qant je le voi , 

71740 Par Dieu le Père en qui je croi, 
Jà autre amende n'en prendrai, 
Dedenz mon ventre te métrai : 
Uleques seras à ostel 
Que jà n'en'passeras par el. 



ngo ROMAN 

Moult auroies isnel cheval , 
Se ne te puis livrer estai , 
Tant que je t'auré trangloti 
Et de mon ventre enseveli : 
De toi s'esleveront mi flanc, 

7760 De toi acuisera mon sanc, 

Si acroistrai mon hardement , 
Moult m'en douteront plus la gent. 
Que fetes-vos que vos n'entrez 
En ma geule ? Que demorez ? 
Qant ce ot dit adonc descent , 
Cort a Renart et si le prent. 
Renart enverse entre ses piez , 
Or set-il bien qu'il est jugiez, 
Conques nus hons , tant fiist chaitis 

7760 N'en terre de sarrazins pris , 
Ne fu si bien houcepingniez 
Con Renart fu et laidengiez. 
Son oncle sovent merci crie, 
Ysengrin ne l'escoute mie, 
Ainz Ta saisi par le chaon, 
Sel' mastine com un gainon ; 
Parmi le col qant que il puet 
La pel li deront et esquet , 
Ysengrin en fait son revel. 

7770 Renart a pelée la pel, 

Si fil matez , pas ne se faint , 
Ne se remue , ançois se plaint. 



DU RENART. 291 

Qant toi: fu las de martirier 

Si se conmence à desresnier. 

Renart, ne me puis porpenser 

De quel mort te face finer : 

Dignes es c on te doiè ardoir 

Ou mengier qant j'en ai pooir ; 

Mes je te voil longue fin fere 
7780 Ainz qu'à la mort te voille trere. 

Que qu'il à lui issi parole 

Des piez li moase la chavole. 

Si con il la geule baoit 

Et Renart estrangler voloit, 

Si l'en est prise grant pitié , 

Remembre li de l'amistié 

Qu'il ont tôt jors entre eus eue. 

Troublée li est la véue 

Si enconmença à plorer 
7790 Et durement à soupirer : 

Desus Renart s'est acroupiz , 

Haï! fait-il, con sui traïz! 

Mon mautalent m'a sorporté , 

Trop ai vilainement ovré ; 

Je n'ai mes cure dé déport 

Qant je mon conseillier ai mort. 

Renart l'oï , un poi s'estent, 

Dist li Leus , qu'est-ce que je sent ? 

Au cuer li bat aucune vaine 
7800 Et si n'en ist feu ne alaine. 



19^ 



ROMAN 

Reuart se drece seur ses piez 
Et dist, sire, ce est péchiez 
Qui si malement me menez; 
Ne soiez pas si forsenez, 
Vostre niez sui , ce est la some , 
Jà mar tendrez vil petit home. 
A cest mot garde lez un plain 
Renart , s'a véu un vilain 
Qui s'en aloit toute la voie : 
7810 Si ert chargiez que trestot ploie, 
Sor son col portoit un bacon , 
Venuz estoit de sa meson. 
Renart le vit, si a souriz, 
A son oncle dist , ce m'est vis. 
Oncles, oez bone novele 
Qui vos sera et bone et bêle; 
Un bacon porte cil vilains , 
Qar le meton entre nos mains. 
Ysengrin Tôt, si regarda, 
7820 Le bacon vit que cil porta. 
Et Renart entre ses piez gist. 
Son oncle esgarde, si li dist: 
Oncle, dist-il, lessiez m'aler. 
Car miez vos porrez saouler 
Del grant bacon à cel vilain 
Enquenuit et ore et demain. 
Que vos ne feriez de moi ; 
Et je vos en afi ma foi , 



DU RENART. agS 

Se orendroit ne le vos rent, 
7880 En revendrai à vos présent 

Dont porrez fere vo plaisir 

Et de mon cors tôt vo désir. 

Le bacon aurez tout entier, 

Et se vos nel' voulez mengier , 

Nos en devendrons marchéant. 

Que alon-nos ci delaiant ? 

Coron li sus , or n'i ait plus , 

Bien sai vendre char sanz refus. 

Ore en fêtes à vostre çsgart, 
7840 Je en auré la tierce part, 

Et vos les deus qui estes grans , 

C'est costume de marchéans 

Qu'il se déduisent liement. 

Ysengrin li mostre la dent , 

Et li respondi, par Saint Cler 

Vers vilain n'ai cure d'aler. 

Je passai hier par une rue , 

Un m'en feri d'une maçue 

Si que il m'abati tout plat : 
7850 Grant honte me fet qui me bat. 

Dist Renart , lessiez ce ester , 

Or m'estuet mon sens esprover : 

Se le bacon ne vos puis rendre , 

A une hart me fêtes pendre. 

Oncle , fait-il , or demorez , 
G'îrai avant se vos volez. 



^94 ROMAN 

Tant l'a blandi , tant l'a proie 
Qu'Ysengrin U donne congié. 
Renart saut sus si vilstement 

7860 Con s'il n'éust mal ne torment. 
Par devant li vilain s'est trez , 
Autressi con s'il fust contrez, 
Par devant li grant aléure 
Tant qu'il vint à la devanture 
Son chief covert d'un mantelet. 
Qant il fîi devant, jus se met 
Enz el mileu d'une chariere. 
Li vilain fist moult lede chiere 
Qant il a véu le gorpil : 

7870 Or est son bacon en péril , 

Dont Renart estoit forment liez. 
Selonc la voie il s'est couchiez, 
Et li vilain moult s'esjoïst. 
Sa maçue à une main prist 
Qant vit que traïnoit ses rains^ 
Qar bien le cuida prendre as mains, 
Mes Renart fist un petit saut. 
Di&t li vilains , rien ne te vaut ; 
Il lesse corre sa maçue , 

7880 A Renart roidement la rue, 
Sus la croupe li fist un treu , 
Puis si le sieut de preu en preu. 
Dist li vilain, par Saint Marcel, 
Ta pel ert mise en mon mantel ; 



DU RENART. agS 

Mes moult a entre dire et fere , 

Qart Renart li fera contrere. 

Tout jors enforce s'anbléure 

Et cil engraingne s'aléure. 

Li vilain suefire moult grant paine, 
7890 Ne puet aler , faut li Talaine : 

Adonc se prent à porpenser 

Qu'il ne porra après aler 

Ne que jamès ne le prendra 

Tant con le bacon portera. 

A la terre l'a jus geté, 

Et Ysengrin l'a regardé 

Qui près d'ilec le porsivoit 

Por véoir que Renart feroit. 

Renart s'en fuit touz les gaioz 
7900 Et H vilains sieut les esclos : 

Ysengrin n'a cure d'enchaut , 

Au bacon est venuz les sauz, 

Sel' jeté sor son chaaingnon , 

Fuit s'en à tôt en un buisson. 

Li vilain pense en son corage 

S'il prenoit cel gorpil sauvage. 

Que de la pel acuiteroit 

Grant part del bacon qu'il portoit. 

Et si i prendroit bon colier 
7910 Por son mantel fere acesmer. 

Mes moult remest de ce qu'il dist. 

Li vilain sa màçue prist , 



agô ROMAN 

Puis s'en aloit après Renart, 

Qui s'en aloit de l'autre part. 

Qant li vilain voit si fuliez 

Que jà s'estoit tant aprochiez 

Qu'il se cuida lessier chair 

Sus Renart que il vit fouir, 

Tôt vif le cuidoit as mains prendre. 

7920 Qui donc véist Renart destendre 
Conme qarrel ist d'arbaleste, 
Et cil toz esbahiz s'areste 
Qant il vit qu'il nel' consiévra, 
Au déable le conmanda, 
Ariere vint , s'en volt porter 
Son bacon , mes nel' pot trover. 
Or n'a l'escus ne la maaille, 
Mes Renart n'Isengrin n'en chaille. 
Qant vit c'ot perdu son bacon , 

7980 Onques tel duel ne fîst nus bon. 
Renart n'ot cure d'el vilain , 
Lesse le corre par le plain: 
Renart va tant deçà en là 
Que Ysengrin el bois trouva; 
Quant il fu venuz au buisson 
Si cuida partir au bacon. 
Ysengrin ot assez mengié , 
Si en estoit moult plus baitié : 
H a véu venir Renart, 

7940 Dou bacon a sachié la hart^ 



DU RENART. 297 

Devant lui l'avoit mise jus , 
Un de ses piez a mis desus. 
Et le bacon avoit repus 
De Terbe et de rainsiaus foilluz. 
Sire Ysengrin, ce dist Renart, 
Donez moi del bacon ma part. 
Renart, fait-il, car vos taisiez, 
Encore soiez-vos touz liez 
Se je vos claim quite à itant : 

17950 Alez-vos ent, je vos conmant. 
Que n'i auriez nule part 
Ne mes que solement la hart. 
Renart ne volt bataille fere , 
Ançois li conmence à retrere : 
La hart ait qui l'a deservie , 
Qar je ne l'ai deservi mie; 
Par Dieu le filz Sainte Marie , 
Mauvese est vostre conpaingnie : 
Ne puis ci longuement durer , 

7960 Vostre congié voil demander. 
Onques ne finai de pechier, 
Biax oncles douz, je vos requier 
Congié, Saint Jaque voil requerre, 
Pèlerin serai par la terre , 
Dist Ysengrin, et je l'otroi. 
Renart fu moult en grant efFroi , 
Quinze jors va à grant baudor. 
Onques Renart ne fist sejor. 



^98 ROMAN 

Si a Ysengrin conmandez 
7970 Au vis déables , as maufez. 

Va s'en Renart son grant chemin , 
Or veit engingnier Ysengrin; 
Bien li cuide le bacon vendre 
Dont il ne li volt sa part rendre ; 
Bien a la costume au gorpil. 
Devant lui trouva un mesnil , 
Là s'en torna, ce est la voire , 
Et vint au cortil au Provoire : 
Raz i trova à grant plenté. 
7980 Diex! dist Renart^ bien ai erré, 
Qar fain avoie à desmesure , 
Diex m'a doné bêle aventure. 
Des raz engingnier moult se paine, 
Arestez est à moult grant paine y 
Si aperçut un gresillon. 
Renart en fu en grant friçon, 
Qar péor a qu'il ne l'encuse. 
Tout contre val le cortil muse, 
Si escoute le chantéor 
7990 Qui el cortil est près del for. 
Le gresilkxn le connut bien , 
Tôt coiz se tint qu'il ne dist rien : 
Renart en tint le chief enclin , 
Clerc savent bien chanter latin, 
Je vos donroie bon loiier , 
Dant Clerc, dites vostre sautier. 



DU RENART. «99 

Le Gresillon prist à garder 

Conment Henart vodra ovrer; 

Bien s'aparçut qu'il ragailoit. 
8000 Qant Renart vit qu'il l'eagardoit 

Et qu'il voloit savoir sa fin, 

Si en ot le chief plus enclin. 

Lors li a conmencié à dire , 

Dant Clerc, volez-vos ci escrire? 

Se voulez reconmencier 

Por mon père vostre sautier , 

Je vos en sauroie bon gré, 

Si en seriez bien loiié, 

Et je issi fere le voil. 
8010 Le Gresillon dist grant orgoil : 

Tesiez-vos , traîtres provez , 

N'avez pas ci bergiers trovez, 

Trop me regardez de put oil : 

Par Saint Denis enquerre voil 

De quel pie, fet-il, vos clochiez. 

Env^s Renart s'est aprouchiez , 

Qar il le velt de près gaitier; 

Et Renart qui se velt vengier, 

Qui a péor de son aguet , 
8020 De s(m braz une mace trefc , 

Si l'en a esmé à ferir. 

Le Gresillon nel volt soffrir, 

Ânçois avoit jeté un bret. 

Et Renart qui tant set d'aguet, 



3oo ROMAN 

A la mace jetée jus, 
Frobert , fet-il , il n'i a plus , 
Bien voi se je te lesse vivre 
Tu me porras encui bien nuire. 
Lors se porpense qu'il fera 

8o3o Et conment il s'en vengera: 
Bée la geule et muet les dens , 
Qu'il volt Frobert englotir ens. 
Le Gresillon li dist, Renart, 
Con tu es or de pute part ! 
La maie passion te fiere , 
Moult es de mauvese manière. 
Or ont Déable un pèlerin 
Qui la gent mordra en la fin ; 
Se tu m'eusses engoulé , 

8o/|0 Mort m'eusses et afolé. 

Moult ai esté près de morir, 
Diex m'a gari par son plaisir : 
Je me rendre dedens enclos, 
Et tu te tiengnes par defors. 
Et dist Renart, je estoie yvres, 
Je cuidoie ce fust ces livres ; 
Certes se je mengié t'eusse 
Trestotes tes chançons séusse. 
Moult sui sorpris de grant malage, 

8o5o Que j'ai fait maint pèlerinage, 
Si puez bien savoir et penser 
Que je ne voi mie bien cler. 



DU RENART. Hoi 

Que vaut? Nel' puis choisir à Fuel, 

Certes moult durement me duel, 

Car trop sui plain de grant malage. 

Je ai fet maint pèlerinage 

Qui mon cors ont moult fort pené : 

Tel mal ai dedenz moi cové 

Par qoi me covendra finer , 

8060 Bien voi ne puis longues durer : 
Certes je sui un chaitis hon , 
Mes fêtes moi confession, « 
Car il n'a ci entor nul prestre, 
•Et vos savez bien tôt cel estre, 
Qar clers estes et bons et sages. 
En trestoz mes pèlerinages 
Vos recevré, se Diex me voie, 
Qar je sai bien se je cerchoie 
Tout cest païs ci environ, 

8070 Ne troveroie plus preudon. 

Li Gresillon conmence à rire, 
N'avoit soin de sa chançon dire. 
Bien connoissoit les fez Renart, 
Si li a dit, se Diex me gart, 
Renart, ne soiez en effroi 
De confesser, que jusqu'à poi 
Aurez prestres à grant plenté, 
Dire porrez vo volenté. 

Endementiers que il parloit 

8080 Et que au parler entendoit. 



3o2 ROMAN 

Ainz que se fussent regardé, 
Sept gaingiion vienent descopié; 
En après vienent venéor, 
Arbalestier et chacéor. 
A poi que Renart n'est malmis 
Des gaignons qui si l'ont sorpris. 
Uns des vénères huie et crie , 
Renart entent la taborie, 
Ne set que puisse devenir, 

8<K)o Si s'apareille de foïr, 
Et H venéor vet après , 
Si descouple les chiens en grès. • 
Or Tribole! or Clarenbaut! 
Par ci fuit le Gorpil , Rigaut ! 
Or tost Plesence, après alez: 
Ses lévriers a toz descopiez. 
Renai^t s'en va grant aléure, 
Li lévrier viegnent à droiture ; 
Moult menace le Gresillon 

iSj oo Qui li a fait tel traïson, 

G'onques ne l'en volt acointier. 
Qant il vit les gaingnons coitier 
Et lor cors ot aparcéu , 
Et qant Renart ot tant coru 
Qui fil amatiz et lassez , 
Vers le for se r'est apassez 
A ses piez qu'il ot enbouez 
Et de l'arzillierre enterrez ; 



DU RENART. 3o3 

Sor le partais saut les galoz 

8110 Oïl U Gresillon fii encloz 

Par cui il est tant dommagiez : 
Or est-il bien de lui vengiez, 
Sa meson a si estoupée 
N'en istra mes de ceste anée. 

Renart ne fet pas grant séjor, 
Ainz saut sor la creste del for: 
Là se quati, li chien l'outrèrent, 
Le flair perdirent, sel' passèrent; 
Et qant Renart les vit passez 

diao Et que il lor est eschapez, 
A terre vint les sauz nienuz, 
Droit au pertuis en est venuz 
Où li Gresillon est enclos, 
Ses gas li lance par defors. 
Preudcms , fet-il , se Dex t'ament , 
Es-tu or laiens chaudement ? 
Je cuit bien t'i puez es tu ver, 
Car point de froit n'i puet entrer, 
Tu n'az garde de la gelée, 

8i3o Que j'ai si estoupé l'entrée. 

Se Diex me gart, que ne puis plus. 
Or gar que soies bons rendus, 
N'aies cure de lecherie 
Ne de mauvese coardie ; 
Et se riens fêtes toutevoie. 
N'avez voisin qui pas vos voie : 



3o', ROMAN 

Par eus ii'aqeutlrez mauves los, 
Qar je vos ai moult bien enclos. 
N'avez garde, par Saint Mandé, 

Si^o Qu'en vos voie de cest régné, 
Votre aferes est bien celez. 
Filz à putain, escoz pelez, 
Que honiz soit qui vos porta 
Qant ele ne vos avorta! 
S'en éust esté la pel tendre , 
Oïl péustes hardement prendre 
De moi fere si mal mener : 
Or povez laienz orguener 
Se vos savez rien par cuer dire, 

8i5o Que vos n'i verrez goûte à lire, 
Ce me semble, à vostre sautier. 
Je cuit qu'il vos ert bien mestier 
Que sachiez que que soit par cuer, 
Ne foi que doi Hersent ma suer 
Or puis-je bien ça defors fere 
Trestot qant qu'il me porra plere ; 
Ainz ert ceste anée venue 
Que vos i aiez mes véue. 
Or vos tenez laienz toz coiz 

8160 Que vos n'avez garde d'effroi : 
Je garderez par ça defors 
S'il i a gelines ne cos, 
Ne riens que je puisse mengier. 
Que j'en aroie grant mestier. 



DU RENART. 3o5 

Ainssi dist Renart son gabois, 

Et li chien s'en vont vers le bois 

Qui Forent lessié sor le for. 

Si lor est avenu cel jor 

Qu'entre le bois et le chemin 
8170 Encontrerent sire Ysengrin. 

Déables li ont amené 

Qui li avoient destiné : 

Onques nel' vodrent deffier, 

Sa pel conmencent à peler, 

Et il durement se desfent, 

Qui il consieut as denz le fentr 

La bataille est. par contençon, 

De son dos volent li flocon. 

Renart le vit , si en fu liez , 
8i8o Or. est bien d' Ysengrin vengiez. 

Prent la bataille à regarder , 

Et Ysengrin à ramposner: 

Mar i menjastes le bacon , 

Ore en avez le guerredon ; 

Maufez vos firent tant mengier , 

Le cors eussiez plus legier 

Se j'en eusse eu la moitié, 

Vos n'eussiez pas tant mengié ; 

Miex fust qu'en eusse ma part, 
8190 Ysengrin aperçoit Renart, 

Et voit qu'il est liez et joianz 

De ce qu'il est à mal parenz: 
I. ao 



3o(> ROMAN 

Volentiers s'en alast vers lui, 
Mes H chien li font grant anui 
Que neV lessent celé part trere. 
Et Renart se met el repère, 
Vers Malpertuis s'est adreciez , 
Ileques s'est moult aaisiez. 
Ysengrin est en mal déport , 

8 joo Qar illec ot un gaignon fort ; 
Ysengrin asailli as braz , 
Or est*il chaoit en mau laz, 
Car il li présente les denz 
Et li boute en la pel dedenz, 
Et il les blece malement 
Et les ocist defforcément. 
Li chien ne porent endurer, 
Ysengrin lessierent ester : 
Tornez s'en est grant aléure 

8210 Et vet aillors querre pasture 

Con cil qui estoit moult dolent. 
Renart menace durement 
Et dist se il le puet tenir , 
De maie mort l'estuet morir. 
Or puet menacier durement, 
Qar Renart le fera dolent ; 
Ainz que viengne l'Acension 
Li vendra-il chier le bacon 
Dont il li ot donné la hart , 

8220 Encor le tendra por musart. 



DU RENART. 3o7 

&i conme Xjfmtsnn 0'aia pUtinîrr^ ie fUnart à 

la Cort U ii0i. 

Ce fu à un tens de pascor 
Qu'Ysengrin estoit à sejor, 
. Si pensoit moult à son afere , 
Et li soviût d'un grant contrere 
Que Dant Renart li avoit fet, 
Si en fu en moult grant deshet , 
Si en soupira moult forment 
Por la lionte Dame Hersent ; 
Si en fil moult forment pensis , 

8280 Moult corouciez et moult marris 
Et en son cuer avoit grant duel 
De sa famé : contre son voil 
Li avoit Dant Renart croissue 
Dont il a moult grant honte eue. 
Si asembla de ses amis , 
Et lor a à conseil requis 
Que il l'aident à conseillier 
Conment il se porra vengier : 
Lors alerent au parlement 

8240 Et en dist chascun son talent. 
Qaut orent dit lor volenté , 
En la fin se sont acordé 



3o8 ROMAN 

A ce qu'il s'en alast clamer 
lii où porra le Roi trover ; 
Et maint o lui Dame Hersent. 
Atant finent lor parlement, 
Si s'en est chascun retornez. 
Ysengrin s'est acheminez 
Et erre tant qu'il vint à Cort. 
^i5o Or cuit que il tendra moult cort 
Renart le rous, s'il puet tant fere 
Qu'à jugement le puist atrere, 
Car moult ert veziez et sages 
Et sot moult de divers langages, 
Et li Rois l'ot fet conestable 
De sa meson et de sa table. 
Parvenu sont jusqu'au paies 
La où li Rois tenoit ses plès : 
La cort estoit grant et pleniere, 
S'iGo Restes i ot de grant manière , 
Foibles et fors, granz et petites 
Qui totes sont au Roi sougites. 
Li Rois sist en un faudestuet, 
Itel con à tel home estuet; * 
Tôt environ siet en coronne 
Sa mesnie qui Tavironne : 
N'i a un sol qui noise face. 
Atant es-vos ennii la place 

' ^l. Si riche conme à roi estuet. 



DU RENART. 809 

Dant Ysengrin lui et s' amie 
8270 Qui la clamor ont aramie: 

Trestuit li autre font silence , 

Et mesire Ysengrin conraence 

Devant le Roi en sozpirant : 

Rois, justise va enpirant, 

Veritez est tornée à fable, 

Nule parole n'est éstable. 

Vos féistes le ban roial 

Que jà mariage par mal 

N'osast nus fraindre ne brisier : 
8280 Renart ne vos velt tant prisier 

C'onques tenist por contredit 

Ne vostre ban ne vostre dit. 

Renart est cil qui toz max semé , 

Car il m'a boni de ma feme. 

Renart ne dote mariage , 

Ne parenté ne coraperage; 

Il est pire que ne puis dire. 

Ne cuidiez mie , Rois biau sire , 

Que jel' die por li reter 
8290 Ne por blasme sor li jeter : 

Rien que je die n'est mençoingne, 

Vez-ci Hersent qui tôt tesmolngne. 

Voire voir , sire , ce dist-ele , 

Dès le jor que je fui pucele 

M'ama Renart et porsivi, 

Mes jel' ai à toz jors foï , 



3ia ROMAN 

Qui vos estes ici clamée 
Que Dant Renart vos a amée. 
Et vos, amastes-le vos onques? 
Je non, sire. Or me dites donques 
Por qoi estiez donc si foie 
Qu'en sa meson aliez sole 
Dès que vos n'estiez s'amie ? 

836o Merci , sire, ce n'i a mie , 
Se vos plet, miex dire poez 
Selonc le claim que vos oez 
Que vos a dit li conoistable 
Mes sires qui bien est estables , 
Que il ensemble o moi là vint 
Oîi ceste vergoingne m'avint. 
Ert-il o vos ? Ouïl sanz faille , 
Qui cuidast ce que Diex i vaille , 
Que il esforcier vos déust 

8^70 Là où li vostres maris fust? 
Lors s'en est Ysengrin levez , 
Sire , fet-il , vos ne devez , 
Se vos plet , moi ne lui deffendre , 
Ainz devez plainement entendre 
A la clamor , que que nus die , 
Tant c'on l'ament ou escondie. 
Que je vos di bien à fiance 
Que j'en voel avoir la venjance. 
Que se Renart ert ci presenz, 

838o Je mosterroie qu'à Hersenz 



DU RENART. 2i3 

Jut-il à force, que jel' vi, 
Par la foi que je vos plevi. 

Li Lions par sa grant franchise 
Ne vost soufrir en nule guise 
Que fust en sa cort mal-menez . 
Qui d'amors fust achoisonez , 
Por rien les gages n'en préist , 
S'il poïst en pais les méist. 
De Renart doute la querele 

8390 Dont maistres Ysengrin l'apele, 
Si li a dit , se Diex me voie , 
Por nule rien ne sofferoie 
Qu'entre vos et Renart le court 
Vos combatissiez en ma court , 
Ne que eussiez guerre ensemble. 
Sire , dist Ysengrin , moi semble 
Que vos soutenez sa partie , 
Mes foi que doi Sainte Marie , 
Moult miex me déussiez aidier 

8400 Et ma partie consilier , 

Que je vos ai toz jours bien fait 
Assez miex que Renart n'a fait. 
Mais se j'eusse esté boisseres , 
Faus et traites et tricherres , 
Miex m'amissiez : par mon musel 
Mau dehait ait cui il est bel , 
Que je si bien servi vos ai 
Qant si mauvais loier en ai ; 



Hi/« ROMAN 

Mais on suelt dire en rcprovier 
8410 Que (le tel seigneur tel louier, 

Qant II Rois voit qu'il veit tcncier , 
Si conmença à agencier, 
Si Ji respondi mot à mot , 
Ce, fait^'il , que Renart l'amot, 
L'escuse auques de son pechié. 
Se par amors vos a trichié , 
Certes proz est et afaitiez, 
Et neporqant s'ert-il traitiez 
Par jugement et par raison 
8420 Selonc l'esgart de ma mesoii^ 
Bien en feré prendre conroi. 
Li Chameus siet joste le Roi, 
Moult fu en la Cort chier tenuz , 
De Lombardie estoit venuz 
Por aporter mon seignor Noble 
Tréu de vers Costentinoble, 
Li Pape li a voit tramis , 
Ses Legas ert et ses amis: 
Moult fu sages et bons legistres. 
8^480 Mestre, fait li Rois, s'onc oïstes 
En vostre terre tex conplaintes 
Gon à ma Cort a-l'en fait maintes , 
Bien vodrions de vos aprendre 
Quel jugement en en doit rendre. 

Quare, mesire, me audite, 
Nos trobat en decrez escrite 



DU RENART. 3i5 

Legem expresse publicate 

De matremoine violate ; 

Primes le doiz examinar 
8440 Et s'il non se puisse espurgar, 

Grevar le puez si con te place , 

Que moult à grant chose mesface. 

Hec est en la moie sentence, 

S'estar non vult en amendence 

De si que parmaine conmune 

Universe sone pecune, 

De lapidar la corpe ou ardre 

De Faversier de la Renarde , 

Et se vos siez, bone Rege 
8460 Ce est qui destruie la lege 

Et qui la vuel vituparar, 

Il les doie fort comparar. 

Mes, sire, par la corpe sainte 

Que si le jugement ert fainte, 

Et tu non soies bon seignor, 

Fai droit jujar por ton henor, 

Par la sainte cruche de Dé , 

Que tu ne soies bone ré , 

Se reson ne droit ne velt far 
8460 Si con fîst Julius César, 

Et en ta Cort fâches droit dir 

Se tu vels estre bone sir, 

Videte bonne favelar, 

Par la foi teue tien toi car; 



3i6 ROMAN 

Se ne tiens car ta baronie, 
Rent toi por amender ta vie; 
N^aies cure de roiaitat 
Se tu ne juges par bontat , 
Se tu ne gardes bien t'enor, 

8470 Tu non siées bone seignor, 

Favelar, Roi, qanque te place, 
Plus ne te di, ne plus n'en face. 

Qant H baron forent 01, 
Tiex i a se sont esjoï , 
Et tiex qui en sont corocié. 
Li Lions a le chief drecié , 
Alez , fet-il , vos qui ci estes 
Les plus vaillanz, les graignors bestes^ 
Si jugiez de ceste clamor 

8/480 Se cil qui est sorpris d'amor 
Doit estre de ce encoupez 
Que ses compains l'a acoupez. 
A ces paroles lievent sus , 
Du tref roial s'en vont en sus 
A une part por conseillier , 
Plus en i a là d'un millier. 
Dant Brichemers le Gers i va 
Qui de mautalent s'aïra 
Por Ysengrin qui est trichiez ; 

8490 Et Bruns li Ors s'est atichiez , 
Dist qu'il vodra Renart grever. 
Avec els deus ont fet lever 



DU RENART. 817 

Baucent le Sengler qui de droit 
En nul sens guenchir ne vodroit, 
Ensemble sont à parlement. 
Li Gers parla premièrement 
Qui s'est sor Baucent acordez : 
Seignors, fait-il, or escoutez; 
Vos avez oï d'Ysengrin 
85oo Noslre ami et nostre voisin, 
Gon il a Renart acusé , 
Mes nos avons en Cort usé 
Qant l'en se plaint de forfeture 
Et l'en en velt avoir droiture, 
Mostrer l'estuet par tierce main , 

Que tiex porroit d'ui à demain 

Fere clamor à son voloir 

Dont autre se porroit doloir. 

De sa famé vos redirou , 
85 lo Celui a-il en sa prison 

Qanque il velt dire et taisir , 

Tôt li puet fere à son plaisir , 

Et bien mentir à escient : 

Ne sont mie soficient ' 

Itex tesmoing à esprover, 

Autre li covendra trover. 

Par Dieu, seignors, ce a dit Bruns, 

Des jugéors sui-ge li uns, 

Puisque nos somes ci ensemble, 
8520 Je dire ce que il me semble. 



'.i8 ROMAN 

• 

Dant Ysengriii est Conoistables , 
Et bien de la Cort est créables ; 
Mes se il fust uns bareteres , 
Ou faus, ou traîtres ou lerres, 
Sa famé ne li poïst mie 
Porter tesmoing ne garantie; 
Mes Ysengrin est de tel non 
Que s'il n'i avoit se li non , 
Si Ten poist-on très bien croire. 

85 io Par foi, sire, dist Baucent, voire; 
Mes autre chose i a encore , 
En vostre foi car dites ore 
Qui est li pires ne ii mieudre , 
Chascun se velt as bons acueudre , 
Se vos dites que Ysengrins 
Est li mieudres de ses voisins , 
Renart li vodra contredire 
Que il n'est mains loiax ne pire, 
Chascun si se tient à preudome. 

8 540 Por ce vos di à la parsonie 

Ce ne puet estre que vos dites , 
Dont ne seriez-vos pas qui tes , 
Chascun porroit tel clamor fere 
Por sa famé à garant atrere, 
Et dire cent sols me devez, 
Dont maint liome seroit grevez. 
Ce n'ert pas fait là où je soie, 
Issuz estes hors de la voie : 



DU RENART. Sig 

A vos me tieng, Dant Brichemer, 

85v5o .Il n'a home jusqu'à la mer 
Qui en déist plus sagement 
Ne loiauté ne jugement. 

Seignors, ce dist Piatiaus li Dains, 
D'autre chose est ore li clains, 
Que mesire Ysengrin demande 
Estroitement de sa viande 
Que Renart prist en sa meson 
A force par maie raison , 
Et qu'il pissa sans nul respit 

8 5 60 Sor ses enfanz par fin despit, 
Si les bâti et chevela 
Et avoltres les apela; 
Et à ce afiert grant amende 
Se Dant Renart ne li amende, 
Et il s'en puet atant estordre , 
Encor s'i vodra-il amordre. 
Et lors dist Bruns , c'est veritez , 
Honis soit et deshenorez 
Qui jà Renart consentira 

8570 Que un preudome honira, 
Et si li toudra son avoir , 
Si n'en porra nul droit avoir: 
Dont aroit-il borse trovée. 
Ce seroit folie provée 
Se li Rois ses barons ne venge 
Que Renart honist et laidenge; 



320 ROMAN 

Mes à tel tnorsel itel leche, 

Chaz set bien quel barbes il leche, 

Je ne cuit pas, sauve sa grâce, 

858o Que mesire s'onor i face 
Qui s*en aloit ore riant 
Et Ysengrin contraliant 
Por un garron , un losengier. 
Diex me dont de son cors vensrier! 
Por Dieu, fait-il, ne vos soit grief 
Se je vos fas un conte brief 
Du traïlor félon encrime 
Con il conchia moi-méisme. 
Renart qui moult estoit liaïz 

85(jo Avoit dejoste un plaiséiz 
Une riche vile espiée 
Novelement édifiée. 
Lez le bois avoit un manoir 
Où un vilain soloit manoir 
Qui moult avoit cos et gelines. 
Renart en fist tiex deceplines 
Que bien en menja plus de trente, 
Tote i avoit mise s'entente. 
Li vilain fait Renart guetier, 

8600 Ses chiens avoit fait afaitier, 

El bois n'avoit sente ne triage 
Oïl il n'éust cepel ou piège, 
Ou trebuchet ou las tendu , 
Ou roiz ou roisel estendu. 



DU RENART. 3ai 

Renart greva qanque il pot, 
Car à la vile aler ne sot, 
Dont se porpensa li déables 
Que g'iere grant et bien véables , 
Et il ert petiz et menuz, 

8610 Si i seroie ainz retenuz 

Ou fust à bois où fust à plain , 
Plus tost méist-on à moi main 
Où que nos fusomes nos dui 
L'en tendroit ainz à moi q'à li , 
Et ge miex i fusse atrapez 
Et il plus tost fust eschapez. 
Il savoit bien que je aim miel 
Plus que chose qui soit soz ciel , 
A moi vint où estoie oen 

86ao Devant la feste Saint Johen: 
Ahi ! dist-il , biau sire Brun 
Quel vessel de miel je sai un! 
Et où est? Ghiés Costant Desnoes. 
Porroie i ge mètre 1m poes? 
Oïl , je l'ai tout espié , 
Li blé estoient espié , 
Le postis trovames ouvert, 
S'entrames enz par l'uis ouvert; 
Lés une granche en un vergier 

863o Là nos déumes herbergier 
Et gésir trestot en repos 
De si au vespre entre les chos. 
I. ar 



3î2 ROMAN 

Celé nuit al aserier 
Devions le vessel brisier, 
Le miel mengier et revenir , 
Mes li gloz ne se pot tenir : 
Vit les gelines ei paillier, 
Si conmença à baaillier. 
Il les asaut, eles crièrent, 
8G'|0 Et li vilain qui laiens erent, 
Lievent la noise par la vile , 
Tost en i ot plus de deus mile ; 
Vers le cortil vindrent corant 
Et Renart durement huiant 
Plus de quarante en une rote. 
Ne fu merveille se j'oi dote , 
Les grand gaioz en sui tornez. 
Renart se fu tost destomez 
Qui sot les pas et les destroiz, 
865o Sor moi torna toz li esfroiz. 

Qant jel' vi trere à une part , 
Conment, di-ge, sire Renart, 
Volez-me vos lessier en place ? 
Qui miex porra fere, si face, 
Biau sire Brun , or du hâter, 
Que besoing fet viele troter : 
Fêtes del miex que vos poez , 
Se tranchanz espérons n'avez 
Et bon cheval por tost aler, 
8660 Cil vilain vos vodront saler. 



DU RENART. 3^3 

Or oez con il font grant noise, 
Se vostre peliçon trop pôise, 
Jà n'en sciez desconfortez , 
Il vos sera par taiîs estez. 
G'irai avant en la cuisine , 
Si porteré ceste geline 
Si la vos apareilleré, 
Dites quel savor g'i feré. 
Atant li traître seslesse, 

8670 Si me gerpi enmi la presse. 
La noise ala si engringnant 
Li chien m'alerent ataingnant : 
A moi se lient pelle melle, 
Et pilez volent conme grelle , 
Si cornent li vilain et huient 
Que tuit li champ entor en bruient. 

Qant j'oï les vilains corner, 
Qui lors me véist trestorner * 
Vers les mastins' tôt de randon , 

8680 Et fouler et mordre environ , 
Hurter et batre et desconfire. 
Bien péust por venté dire 
Que ainz ne fa véue beste 
Qui de chiens féist tel tempeste , 
Bien me péusse d'eus deffendre. 
Qant je vi les pilea: descendre 
Et les sajetes barbelées 
Chaoir entor moi granz et lées; 



3a4 ROMAN 

Qaot les vi venir , st m'en part, 
8690 Les chiens guerpi de l'autre part , 
Vers les vilains ving eslessiez, 
Atant me fu li chans lessiez. 
N'i ot si hardi ne si oointe, 
Dès que je fis vers eus ma pointe , 
Qui lors ne s'en tornast fuiant. 
Je ving l'un d'eus aconsuiant, 
A terre à mes piez le cravant : 
Un autre s'en fuiant avant 
Qui portoit une grant maçue, 
8700 Cil que je ting s'escrie et hue. 
L'autre retorne , si me grieve , 
A deus mains la maçue lieve , 
Tel cox me feri lez Foreille , 
Chaoir me fist , voille ou ne voille. 
Qant je me senti si qassié , 
Son compaingnon li ai lessié. 
Si sailli sus et il s'escrient, 
Et li chien à moi se ralient, 
Si me sachent et me detirent. 
8710 Qant li vilain entre eus ce virent , 
Estes-les vos toz apoingnant, 
De lor glaives me vont poingnaùt, 
Pierres jetent, sajetes traient 
Et li mastin crient et braient. 
Là oii je poi un d'els ataindre. 
De totes parz me vi açaindre; 



DU RENART. aaS 

Je vi que g'iere moult plaiez , 

Adonques fui moult esmaiez : 

Vers le bois conmencé à tendre 
8720 Par là oîi la presse estoit mendre. 

Si m'en estors au miex que poi, 

Retenuz i fusse à bien poi; 

Mes que fuiant, que deffendant 

Par une broce en un pendant 

Maugré trestoz mes anemis 

Fis-ge tant que el bois me mis. 

Einssi Dant Renart m'a bailli 

Por les gelines q'asailli ; 

Ge nel' di pas por clamor fere , 
8730 Mes por essample de lui trere. 

Or s'est clamez Dant Ysengrin , 

L'autrier se clama Tiercelin 

Qu'il le pluma en traïson , 

Si le voloit mètre en prison 

Tybert lî Chas en un chepel 

Où il redut lessier la pel , 

Et puis refist-il bien que lerre 

Que la Mesenge sa conmere, 

Qant il en besant l'asailli 
8740 Conme Judas qui Dieu traï. 

S'en doit bien estre conseil pris 

Qant il si sovent est repris , 

Que nos i avons grant pechié 

Qui tant li avons alechié. 



3a6 ROMAN 

Li Ors a parlé longuement, 
Baucent li rcspondi briément : 
Mesire Bruns , fet*il , cist plais 
N'iert parfinez as premiers trais , 
Encor n'est ore aconséue 

8750 La clamor qui ci est venue. 

Moult seroit sages qui sauroit 
Jugier d'uo droit, et il n'auroit 
L'autre partie encore atainte: 
Nos avons oi la conpiainte, 
Or devons la response atendre , 
Et Tun droit après l'autre rendre , 
Tant que l'en viengne à la parsome : 
En un jor ne fist-l'en pas Rome. 
Nel' di pas por Renart tenser, 

8760 Mes nus ne doit à ce penser 

Que nos les mellomes en Cort , 
Que péchiez seroit et grant tort , 
Que ne sai que dire en doions 
Devant qu'ensemble les oîons. 
Qant Renart ert à Cort venuz , 
Et cist clains sera retenuz 
Qu'Isengrin a ci amené 
Dont à primes ert ordené 
Gonment sera de l'amendise 

8770 Par le jugement de justise. 

Ce dist li Singes Cointeriaus,' 
Mal dahez ait cil hateriaus 



DU RENART. 327 

Se vos ne dites que i a. 
Et li Ors respondu li a : 
N'estes mie trop forsenez 
Qant devers Renart vos tenez, 
Qu'entre vos deus savez assez : 
Maint mauves pas avez passez, 
Si fera-il encor cestui 
8780 Se l'en velt croire vo$ et lui. 
Le Singes voit qu'il se coroce , 
Petit li est de ce qu'il groce , 
Moe li fet por plus irestre : 
Se Dex vos saut , fet-il , biau mestre , 
Or me dites en vostre endroit , 
Que en diriez-vos par. droit? 
Soz ciel n'a Cort , par Saint Bichier , 
Que n'osasse bien afichier, 
^ Se j'en dévoie estre créuz , 
8790 Que trestoz cist max est venuz 

Par Dânt Renart et par 3a corpe , 
Et qu'Isengrin à droit l'encorpe ; 
Et qu'alez-vos plus atendant 
Qant la chose est venue avant 
Que il est pris en avoutere 
Méesmen(ient de sa conmere ? 
Bien se desrenent envers lui 
Hersent et Ysengrin andui : 
Por ice seroit avenant 
8800 Que Renart fust pris maintenant,, 



328 ROMAN 

Puis U lîast-on poins et piez , 
Si fust jetez trestoz liez 
En la chartre ou en la jéole , 
Puis n'i éust autre parole 
Que de fuster ou d'escoillier, 
Dès qu'il esforce autrui moillier. 
D'esforcier famé n'i a el 
Nis s'ele est famé conmunel, 
L'en en doit fort justice prendre 

8810 Que autre foiz n'i ost entendre. 

Et qu'est donc d'une famé espouse 
Qui dolente en est et hontouse 
De ce que ses mariz le sot ? 
Et qui cuide Ysengrin si sot 
Qu'il éust plet de ce méu 
S'il ne l'éust as eulz véu? 
De tant est-il plus vergondez 
Se cist mesfet n'est amendez , 
Dont Ysengrin tesmoing li porte':* 

8820 Dont sera bien justice morte. 
Dist li Singes, ci a dur conte 
C'on baillist henor à tel honte, 
G'un preudome por tel mesfet y 
Por Dieu se Renart a mesfet , 
De pechéor miséricorde , 
Si en fêtes aucune acorde; 

' Al. De ce Hersent garant li porte. 



DU RENART. 829 

Li Leus est mendre c'an ne cuide , 
Et grant vent chiet à poi de pluie. 
Renart n'est pas vaincuz encore , 

883o Encor vendra, ce cuit, autre orc; 
Dist en avez vostre plaisir , 
S'avez perdu un biau taisir. 

Dant Brichemer fu moult voiseus, 
Ne fu jenglerres ne noiseus , 
Si con cil autre compaingnon : 
Seignors , fet-il , or en prenon 
Un jor de cest acordement, 
Renart en face serement 
Et s'amende par tel devise 

8840 Con il a Ysengrin pramise ; 
Car si con li Singes le dit. 
Ne por mesfet ne por mesdit 
Qui n'est apers ne requenuz, 
Ne doit jà estre plet tenuz 
D'ome afoler ne de desfere , 
Âinz i afiert la pès à fere. 
Mes primes gardons par mesure 
Qu'il n'i ait riens de sorpresure» 
Une chose qui moult me serre , 

885o Se li Rois n'est en ceste terre, 
Devant qui ert li plaiz traitiez 
Se Renart n'en estoit haitiez ? 
Li chien Frobert de la fontaine , 
Cil nos en metra hors de paine, 



^^o ROMAN 

Eo lui a moult bon chien et vrai, 
Ne jà home ne troverai 
Qui ne die que c est bien fet 
Qu'en a devant li mis cest plet. 
A ce se sont tuit asenti 

HHGo Que nus d'eus ne s'en repenti : 
Li conseuls ne fu plus tenuz. 
Estes-les vos avant venuz 
A grant joie et à grant baudor 
Devant le Roi el consitor : 
Tuit li autre vont arestânt 
Et Brichemer fu en estant 
Qui la parole a conmenciée : 
Bien Ta conduite et agenciée 
Si conme bons Restoriens : 

8870 Sire, iait-il, nos estiens 
Aie le jugement enquerre 
Selonc la guisë de la terre ; 
Trové l'avon , s'il n'est qu'il die , 
Jel' dire , puis que l'en m'en prie , 
Volontiers , sauve vostre grâce. 
Li Lions li torne la face , 
Del otroier li a fet signe. 
Et Dant Brichemer li encline. 
Seignors, fet-il, or m'entendez, 

8880 Et se je fail , si m'amendez. 

Ce m'est avis que nos déismes 
D'Ysengrin qui se clnma primes. 



DU RENA.RT. 33i 

Que tôte sa. droiture aura 

De qanque demander saura ; 

Mes il li coveudroit trover, 

Se il la chose velt prover , 

Soi tierz por amender son droit 

A jor nomé ci orendroit , 

Puis féismes par droit ester 
8890 Qu'il ne pooit riens conques ter, 

Ne droiz n'estoit qu'il conqiiisist 

Por riens que sa famé déist. 

Brun et Saucent en desputerent, 

Mes cil qui avec nos là erent^ 

Se tindrent miex à ma partie ; 

Mes la chose est si bien partie 

Que chascun aura sa droiture. 

Puis gardomes en quel mesure 

Et qant en sera la loi. dite 
8900 Que Isengrin claint Renart qùite. 

G'iert diemençhe par matin 

Devant Roonel le mastin ; 

Là manderé Renart qu'il viengne 

Et qu'en tel guise se contiengne 

Qu'il face sa pès de par Dé 

Si con nos l'avons devisé. 

Li Lions réspont en riant , 

Jà par les sainz de Belléant 

Ne fusse si liez por mil livres 
8910 Con de ce que j'en sui délivres: 



33a ROMAN 

Or ne m'en voil plus entremetre , 
Aînz lor donré jor de plaît mètre; 
Tuit i seront li compaingnon 
Devant Roonel le gaingnon , 
Li chien Frobert de la fontaine 
Après la messe diemenche. 
Renart se veit adès repondre ^ 
Mes je le feré asemondre , 
Grinbert le Tesson i ira 

8920 Et de vostre part li dira 
Que après la porcession 
Li face satisfacion , 
Ne jà riens il n'en contredie 
De qanque Roonel li die. 

A cest mot se sont tuit téu , 
Et foible et fort , jone et chanu ; 
A son ostel s'en va chascun , 
Brichemer et Baucens et Brun , 
Et d'autres une grant partie. 

8930 Et qant la Cort fu départie, 
Grimbert va son mesage fere. 
Droit à Malpertuis son repère 
Trove Renart et si li conte 
Conment li Baron et li Conte 
L'ont ajorné del plet à fere, 
Si en sera Roonel maire , 
Gart qu'il i soit , li Rois li mande. 
Renart dist que miex ne demande , 



DU RENART. 333 

Très bien i ert et bien fera 

8940 Qanque la Gort esgardera. 

Grimbert s'en va, Renart remaint, 
Or li covient qu'il se demaint 
Plus sagement que il ne seult , 
Mes moult est fox et moult s'orgeult , 
Ne se porquiert ne ne porchace , 
Ne li chaut gueres qui le hace, 
Gon puet, si praigne ses aferes. 
Mes Ysengrin ses averseres 
N'a pas la chose en tel despit, 

8960 C'au tierz jors devant son respit 
Vint droit à Roonel devant 
Qui se déduit en abaiant , 
Et gist el paillier à grant aise 
Sor le fumier delez la haise. 
Ysengrin le voit, si l'eschive, 
Mes il le rapele par trive , 
Si li a dit moult simplement , 
Je vos dirai tôt erraument, 
Gonseils sui venuz à vos querre , 

8960 Moi et Renart si avons guerre , 
Gar il a moult vers moi mespris. 
Je m'en clamai , jor en est pris • 
Après la messe diemenche , 
Gi outre n'a ne tor ne ganche , 
Renart i ert par tel devise 
Que vos ferez dou plet justise ; 



3"^', ROMAN 

Et l'en m'a dit del jugement 
Que Renart par un serement 
Se doit envers moi escondire 

Hij'jo De qanque je li sauré dire. 
Or vos proi-ge con mon ami 
Que vos soiez dou plel ami 
Tant que nos l'aions confondu : 
Tôt ai clamé et respondu , 
N'i a mes autre chose à fere 
Que porchacier le saintuere , 
Mes de ce sui moult esgarez. 
Par foi , fet-il , assez aurez 
En ceste vile sains et saintes , 

HijSo Jà mar en ferez tiex conpiaintes : 
Très bien en serez conseilliez , 
Car je serai apareilliez 
Fors de la vile en un fossé. 
Vos me tendrez por enossé, 
Direz que je sui mehaingniez , 
Je me gerrai denz rechingniez , 
Le col ploie, la langue traite. 
Là soit vostre asemblée faite , 
Renart i ert et vos li dites 

8090 Qu'il sera bien envers vos quites 
S'il puet jurer desor ma dent 
Qu'il n'a mespris envers Hersent. 
S'il tant s'aproche de mon groing 
Que jel' puisse tenir au poing, 



DU RENART. 335 

Bien porra dire ainz qu'il m'estorde , 
Que ne vit mes saint qui si morde , 
Et s'il de ce se velt re traire , 
Qu'il ne parviengne au saintuaire , 
Ne puet aler là où bien ait, 

9000 Que je auré mis en agait 

Bien plus de quarante gaingnons 
De toz nos meillors conpaingnons , 
Des plus igniax , des plus aidables , 
Dont iert Renart plus que déables 
Se par reliques ou par chiens 
Ne puet chaoir en nos liens : 
Diex vos saut, pensez del bien fere. 
Ysengrin se met el repère 
En la forest en une lande : 

goio Moult se porquiert et molt demande 
Là où a nul de ses aînis. 
N'i a nul mesage tramis , 
Mes il méismes les va querre 
A plain et à bois et à terre ; 
Ne remest ne chanuz ne chauz. 
Dont Brichemer li senechauz 
I est venuz la teste droite , 
Et Dant Bruns li Ors s'i esploite ; 
Baucens le Senglers vint à Cort , 

9020 Musarz li Chamez i acort. 

Li Lions mande li Liepart 
Que il viengne de seue part : 



336 ROMAN 

La Tigre i vint et la Pantere, 
Et Cointeriaus li enchanterre , 
Uns Singes qui Ai nez d'Espaingne 
S'est ajustez à la compaingne. 
Tant fet li Leus qu'il les assemble ; 
Qant il sont parvenuz ensemble 
Moult les a semont et proiez. 

9o3o Biaus Seignor, fet-il, or oiez, 
A mon plet vos ai amenez , 
Or vos pri que le maintenez 
Puis que ci estes aune 
Et li estrange et li privé. 
Et tuit cil de son parenté 
Li ont plevi et créante 
Que jà ne seront recréant 
Devant qu'il ait tôt son créant. 
Bien les a toz desouz ses mains , 

9040 Mes Renart nen a gaires mains, 
Einsi a sa gent atornée 
Et trestouz ceus de sa mesniée 
Qanque pot avoir par prière 
Sont aûné à sa baniere. 

Cel jor porta le confanon 
Li putoiz qui Foinez ot non , 
Et Tybert li Chaz est avec 
Qui Benart het, mes ne por ec 
S'en fet-il ce que à lui monte. ' 

(i) Jl, Moult en i ot de par Renart 



DU RENART. 337 

9o5o Grimbert qui ot fet ]a semonce 
N'en ose Renart escondire , 
Ne jà por riens qu'en sache dire 
Ne li faudra jà , c'est del mains , 
Car il est ses cosins germains ; 
Nis Rouselez li Escureus 
Qui n'estoit mie pereceus, 
N'i va pas corant, mes i trote : 
Et Dame Gente la Marmote , 
Gorte la Taupe et Danz Pelez 
go6o Li Raz qui bien fu apelez; 

Dant Galopins i vint li Lièvres , 
La Lurtre , la Martre et li Bievres , 
Li Heriçons et la Mostele , 
Et li Formiz pas ne s'i celé 
Que il n'i viengne fièrement, 
Que il vodra hardiement 
Renart aidier à cest besoing ; 
Mes li Gonnins n'en éust soing 
De son venir, car moult s'eschive, 
9070 Mes Dant Renart en a pris trive. 

A l'asembler ot moult grant presse , 
Renart ne fine ne ne cesse , 

Qui tuit se tienent de sa part. 
Mesure Grinberz en fa uns, 
C'onqaes ne pot amer Dan Brans ; 
Cosins estoit Renart germeins. 
Cil ne li pot faillir au meins , 
Ne Rosselet U escurens, etc. 

I. ^2 



33» ROMAN 

Ne cU c|ui avec lui alereut , 
Jusqu'à la vile n'aresterent 
Où 11 plez doit estre tenuz : 
Dant Yseugrin i est venuz, 
Il et Renart ont départies 
Lor compaingnes éh deus parties. 
Sire Ysengrin fu en la plaingne 

()n8o Et Renart fu en la montaingne. 
Dant Rooniax qui Renart gaite 
Le col ploie, la langue traite. 
Contrefait si la morte beste 
Qu il ne remuet ne pie ne teste. 
Sor le fossé s'est arestez , 
Toz est li agaiz aprestez 
En un vergier delez la soi 
De ceux qu'il ot menez o soi , 
Bien qu'entre lisses et gaingnons 

9090 Plus de cent de ses conpaingnons , 
Prisiez et esléuz par non , 
Qui ne béent se Renart non. 

Bricbemer fu cbief de la rote , 
A lui s'encline la Gort tote , 
Car par conmun asentement 
Fu enparliers du parlement. 
Tôt pr^erains s'en est levez , 
Renart , fait-il , vos qui devez 
A Ysengrin faire escondit 

9100 Einsi con li baron l'ont dit, 



DU RENART. SSg 

Àprochez-vos du sereittent , 

Si le ferez delivrement. 

Nos savons bien se lui pléu^t 

Q'assez croire vos en déus^t 

Sanz le jUrer ; mes nequedent 

Vos jurerez desus la dent 

Saint Hdonel le reohingnié 

Que Yséngrin n'avez boisié'^ 

N'a vostre conmere jeu , 
9110 Ne par vos tel hantage eu 

N'en tel manière deeéu , 

A tort vos en a mescréu. 

A cest mot sait Renart en place , 

Moult s'apareille et se rebrace^ 

Et moult s'atarne vistement 

Con de fere lé serement. 

Toz jors sot moult Renart dé jguenche , 

Ainz n'en sot tant Biche soz branche : 

Bien aparçut qu'il ert gaitieî 
9120 Et que Rooniax ert haitiez 

Au flanc qu'il débat et demainé 

Qant il soufle et reprent s'alaine : 

Amer se tret qu'il le resoitigiie. 

Qant Brichemer voit qu'il s'esloingne , 

Renart^ fait-il, que ce prttèt estre? 

Mètre Vos covieilt la main deëtre 

Sor la dent RoQiiel tôt droit!; ' 

Fêtes tant que vos aiez droit ' 



34o BOMilN 

Et fêtes vostre serement 
9]3o Devant nos toz apertement. 

Renart respont, Dant Brichemer, 
Vos me soliez moult amer; 
Miex vodroie gésir en l'aire 
Que nel' fiance au saintuaire. 
Je voil Rooniax ait son droit, 
Dont ne di-ge reson et droit; 
Oïl, vos dites bien c'apert, 
Vos savez bien que Dant Frobert , 
Uns riches bons c'on dit Desnoes 
^ 1 40 Bien a sept mois norri trois oes. 
Ce dist Renart , vos dites voir , 
Je les cuit bien encui avoir , 
Nus ne puet fere serement. 
Ne bone offrande loiaument 
S'il n'a avant un poi mengié , 
Il en a le cuer plus haitié : 
Grimbert respont, ia, ia. 
Lors dist Renai^t , encore y a 
Plus riche oflfrende en un lardier 
9i5o Se Dant Bruns m'en voloit aidier, 
Et Dant Tybert fust d'autre part, 
Je lor feroie bone part, 
Si a bon miel novel requit , 
J'en mengeré encui, ce cuit. 
Qant Bruns 01 del miel parler , 
Lors dist qu'il y voloit aler 



DU RENART. 34i 

Entre lui et Tybert li chat , 
Mes. je cuit bien que chier l'achat, 
Qar Renart pense en son coragé* 
9160 Que chascun i laira son gage. 

Dist Brichemers, Dan t Brun, Tybert, 
Irez- vos donc chiés Dant Frobért? 
Oïl, sire, se Diex me voie 
Avec Renàrt en ceste voie; ^ 
Dist Bruns li Ors, or del aler, 
Qu'il nos en covient tost r aler. 
Âtant se metent à grant cors 
Renart , Tybert et Bruns li Ors , 
Lors a dit, seignor conpaingnon , 

9170 Gardez qu'ensemble nos tenon. 
Car vilain sont moult deputaîre , 
Et je le voi là batre en l'aire. 
Je sai moult bien trestot cest estre , 
Or regardez ceste fenestre , 
Par ci en ert nostre sentiers. 
Or del aler moult volentiers , 
Ce dist Danz Bruns, qu'il ne demande 
Que de mengier de la viande. 
Tantost s'en vont tuit troi à destre 

9180 Tant qu'il vindrent à la fenestre, 
Overte estoit pour essorer. 
Tybert et Bruns sanz demorer 
Saillirent enz isnelement, 
Et Dant Renart tôt ensement 



^t^^ ROMAN 

Por tnieK honir ses conpaingnons. 
Or dou mengier ne nos faingnons, 
Ce dist Renapt qui les foloie ; 
Et Bruns menjue et si goloie: 
Que que Renart lechoit defors , 

9190 Tybert et Brun mordent grant mors. 
Or pense Renart qu il ira 
Là fors, si les conciliera: 
Tybert, Dant Bruns, or del mengier. 
J'ai grant péor de vos gagier, 
Trestoz li cuers el cors me tremble. 
A icest mot tantost s'en emble 
Renart li rous fors de laienz, 
Qui moult par est liez et joianz, 
Par la fenestre que il clôt, 

9 '2 oc» Tybert et Bruns laienz enclôt. 

Renart crie , Dant Brun , Tybert , 
Anuit aurez moult bon Herbert : 
Mengiez souef à grant loisir, 
Car vos n'en porrez pas issir 
Tresque vos aiez lessié gage 
Seignor Frobert de son domage. 
Brun oï bien qu'il ert traîz , 
Renart s'en va au plaiséiz, 
N'a voit que fere de lonc conte, 

<)2io Qar péor a qu'il n'i ait honte. 

Qant Bruns se voit enclos laienz , 
Del eschaper est-il noienz; 



DU RENA.RT. 3/,3 

Àhi! fait-iiy Renart, Renart, 
Encor pendrez à une hart , ^ 
Se de ceste puis eschaper 
Je vos cuit tant batre et fraper. 
Ha! Diex, ce dist Tybert li Ghaz, 
Coq nos a mort cil ort rachaz , 
Cil rous puans , cil bapeterres ! 

9220 Séu sera par toutes terres. 

Es-vos poingnant sire Frobert 
Et Dant Costant et Dant Robert, 
Dant Brun oïrent gramenter. 
Lez la paroi vont escouter , 
Qant il oent que c'est Dant Bruns , 
Par les denzJbieu, ce dist li uns, 
C'est Bruns li Ors , li Ghaz Tybert , 
Ne li aura mestier haubert, 
Qu'autre foiz m'ont-il fet domage. 

9280 Par poi que li vilains n'enrage, 
Il apele toz ses voisins 
Et ses parenz et ses amis. 
Oi* ça , baron, or ça, à l'ors! 
Et li viUin viengnent le cors , 
Qu'il portent flael et maçue, 
Grant merveille est s'on ne le tue. 
Tigarz i vint , Brisefouace , 
Et le filz Robert de la Place, 
Et Hondeberz , Bruisebrachie 

9240 Néis SA famé a-il huchie : 



344 ROMAN 

A son col porte une grant bole. 

Mar vit Dant Bruns le miel de Torle 

Tuit le menacent d'escorchier. 

Nis le filz Caillot le vachier 

Jure du cuir fera réonges 

A Dant Frobert qui est ses oncles. 

Vint tost à Tuis, s'entre dedenz, 

Et Brun li Ors jeté les denz 

Qui le volt saisir au poing destre. 

9260 Icil le fiert devers senéstre, 

Hondeberz le fiert de sa boule , 
De lui joue con d'une soûle. 
Tant il bâtent et os et pel 
Que plus fu mol dlun viez drapei. 
Tybert les garde, si les voit, 
Par un petit qu'il ne desvoit ; 
Tel péor a et si grant duel 
Boutez s'en est en un bouel. 
Nus ne remest dedenz la vile 

9260 Fors seulement Dame Poufile, 

Que tuit ne soient à l'Ors batre , 
Çà dis, çà sept, çà troi, çà qatre, 
Trestuit batoient Dant Brun l'Ors , 
Et Renart escoutoit defors , 
Et si se pense en son corage 
Cor puet-il bien fere domage 
Sire Goubert d'une crasse oe , 
James n'en metra en sa moe. 



DU RENART. 345 

Qae que vilain Brun TOrs batoient 
9iiiyo Et à son damage entendoient, 
Et le fièrent de renc en renc , 
Et Renart s'en va droit esrant y 
Une ce saisi par le col, 
Et les autres ont fet lor vol 
Par desus la meson Poufile. 
Lors crie en haut , ça, bêle fille , 
Renart le rous enporte l'oie, 
Sire Goubert n'en aura joie. 
Maintenant celés escrierent, 
giSo Et li vilain qui laienz erent , 
Saillirent fors isnelement, 
Fors que qatre tant solement. 
Après Renart crient et huent 
Et tant le chacent con il puéent : 
Et cil qui Brun ont en prison , 
Virent Tybert par la meson. 
Li uns regarde un poi en haut , 
Si vit Tybert , lors crie en haut , 
Or çà, compains, je voi Tybert 
9290 Qui a mengié le miel Frobert ; 
La qeue en pert par de defors , 
En cel booit en est li cors , 
Par là qeue le sache et tire. 
Or est Tybert entrant martire, 
Si sont tuit troi li conpaingnon 
Ghacié de maint vilain garçon; 



^4^' ROMAN 

Renart chacent et Brun bâtirent , 
Tybcrt de lor piex cinvanterent. 
Que qu'il entendent à Tybert , 

9^00 Et Brun saut sus par l'uts overt , 
Maugré trestoz ses anemis 
Se mist li Ors el plaiséis. 
Moult se gramente , moult se deut, 
Encor tendra Renart s'il puet 
Qui tôt ce li a porchacié. 
Et li vilain l'ont moult chacié, 
Tybert meinent en grant viltance , 
Fere li font sa penitance 
Del bacon que mengié avoit. 

93 10 Un grant pertuis laiens avoit, 

Tybert le voit , mouh est joianz , 

Il i monta lor eulz voianz, 

Si s'en refuit et il le chacent, 

Moult sont dolent , moult le menacent , 

N'est pas remez li chacéis 

Qu'il sont tui troi el plaiséis. 

Brun s'en fuit tote une charierc , 

Et Tybert le suit par derrière, 

Si li a dit, sire compains, 

<)'^2o Moult par est granz nostre mehains: 
Ce m'a fait Renart , biau conpere , 
Honiz soie se nel' conpere ! 
Aussi me r'a-il fet tant batre 
En deus, en quint, en troi, en qatre, 



V 



DU RENART. 34? 

Que je ai ma qeue perdue 
£t ma teste toute fendue ; 
Se Renart ainssi s'en estort 
Miex en vodroie avoir la mort. 
Tybert s'en fuit et Brun qu'en chace , 

93 3o Enoor n'est pas remez la chaoe; 
Moult le menacent li vilain , 
Et Bàudrinez le fik Gilain 
Dient entr'eus ne fineront 
Tant que il trové les auront; 
Et Brun ne dit pas , cul , sieu moi , 
Mes se tu puez pense de toi. 
Il s'adrece par une voie , 
Au chast^l Renart tint sa. voie. 
Renart ne doute home ne famé, 

g34o Cil sont devant la barbacane, 
11 sont en haut et cil en bas, 
Renart lor a gité deus gas : 
Dant Brun, de Dieu soiez saingniez, 
EsteS'^'Vos de vain€ saingniez ? 
Vostre bras vos est escrevez, 
. Je cuit trop tost coru avez^ • 
Et vos, Tybert , oîi est la qeue ?' 
Aie estes en maie veue : 
Por le cuer bien q'avez- vos fet ? 

9350 Qu'avez-vos Dant Goubert mesfet? 
Nule chose que je ne «sache, » 
Avez mengié ne buef ne vache ? 



348 EOMAN 

Lessié avez trop riche gage. 
Qant Brun Toi, par poî n'enrage, 
Renart, diftt Bruns, par ceste teste, 
Har i clotislea la fenestre. 

Renart respont, voir non fis onques , 
Ainçois chai; or dites donques 
Que ne saillistes-vos ça fors 
9360 Qant vos mengiez les granz mors ? 
Dites Brichemer je li mant 
Ne puis fere mon serenient, 
Que cil vilain toz nos dechacent , 
Je oi de ci qu'il nos menacent. 
Alez-vos ent , Brun biau doz sire , 
Vos avez bien mestier de mire, 
Gardez ne soit plus respitié, 
Je ai de vos moult grant pitié. 
Bruns ot Renart, ne set que dire, 

9^70 Par poi que il n'esrage d'ire. 

Que que Renart et Brun parloient , 
Et li vilain le bois coupoient 
Por fere basions et roaçues, 
Brun regarde devers les rues 
Et voit l'ariere-ban venir. 
Moult le menacent à tenir : 
Tybert, dist Bruns, or del alcr, 
Trop i porrions demorer. 
Or s'en vont cil , Renart remaint , 

gSSo Si fais desrois a-il fait maint; 



DU R£NART. 349 

Cil s'eûfuient trusques à l'ost , 
Et li vilain retornent tost. 
Qant Brichemér vit l'Ors saingnier, 
Si se coamença à saingnièr, 
Et il n'aporte nule oreille, 
Trestote la Cort s'en merveille, 
Et Tybert qui n'a point de qeue, 
Or va la terre maie veue. 
Que que Bruns fesoit ses conplains, 

9390 Atant es-vos parmi les plains 

Sire Gonberz toz plains de rage, 
Ses poinz detort , ses cheveus sache , 
Et plus d'un cent du parenté 
Qui tuit ont dit et créante 
Que jamès jor ne filneront 
Devant que Brun trové auront , 
Et Dant Tybert et Dant Renart 
Menacent que pendront à bart. 
A ces paroles , à cest mot 

g4oo Es-vos Gonbert plus que le trot 
Et ses parenz et ses amis , 
Et Bruns s'est à la voie mis 
Qui moult dote cop de vilain : 
Tenu l'avoit le filz Gilain 
Et Aymeris de la Ruele , 
Et Fremeris et Vide-escuele , 
Il et Tygiers Brise^fouace , 
Et Hondebert qui chiet sor glace , 



35o ROMAN 

Qui Tybert ot batu la pel 
9^10 Dont Renaît fa et bon et bel^ 
Por ce ensemble tuit s*en fuient ^ 
Et II vilain après les huient , 
Traient sajetes barbelées 
Menuement et grânz et lées. 
Li une chiet sor Brichemer, 
Miex vosist estré dedenz mer ; 
Li autre chiet sor Rûonel, 
Et il saut sus tost et isnel : 
Mort se fesoit por engingnier, 
9^20 Reiiart le rous voloit mengier. 
H se fesoit saint apeler. 
Mes Renart le fera trembler 
Et toz les autres trflitors 
Maugré Tybert et Dant Brun l'Ors. 

Li vilain cuident estrangler 
Mon seignor Baucent li sengler : 
Il le vont tuit tivironant , 
Les denz li brisent maintenant. 
Lors le pendent lez une poise, 
i^43o Moult lor anuie et moult lor poise ; 
A Dant Grimbert r'ont entendu, 
Moult Tont blechié et bien batu, 
A grant paines est eschapez, 
Mes nequedent moult fu frapez; 
Mes Roonians ne l'en dut gaires 
Qui du scremertt se fîst maires 



DU RENART. 35i 

Et Reaart voloit conchier, 

Mes il s'en sot inoult bien gaitier 

Con cil qui assez sot barat. 

9440 A itant d'entr'ôus se départ 
Et vient ariere au serement^ 
Bien velt tenir le covenant 
Que li baron avoient fet. 
Tôt droit au serement s'en yet 
Gonme cil qui muer ne l'ose, 
Sire , fetril , or voi tel chose 
Espoir que vos ne véez mie , 
Si ai talent que je vos die, 
Mes ne puet estre, or le lairons. 

945o Dant Grimbers ses niés li Taissons 
Aperçut bien la traïson , 
Si li a trait autre raison. 
Sire^ car entendez à moi, 
Je cuit que je bien vos dirai 
Reson et droit au mien espoir, 
Qar Renart ne doit mie avoir 
Presse de toute celé gent, 
Ne seroit mie bel ne gent 
A tel baron n'a si vaillant 

9460 Qu'en li voist sor le col saillant : 
Fêtes vos barons esloingniai* 
Tant que il se puist aproùchier 
Au mains devers le saintuaire, 
Tant que il puist l'escondist fere. 



35a ROMAN 

Dist Brichemer, ne m'en gardoie, 
Je li feré vuîdier la voie 
Tant qu*il puist venir et aler 
Ses honunes a fiiit avaler 
Et trere ariere plus c'ançois. 

9470 Renart a fet le tor guichois 
Qui n'a cure de séjomer: 
Qant as reliques dut torner, 
D'autre part a torné sa chiere , 
Foui s'en est H mal trichiere. 
Renart s'en fuit teste levée 
Par une viez voie chevée; 
Si anemi si Tescrierent, 
Et ii chien qui en aguet erent , 
Li saillent après et corurent , 

9480 ]à m'orrez dire qui il fiirent. 

Primes i cort ainz que li autre , 
Lance levée sdr le fautre, 
Roonel le chien Dant Frobert 
Et Espillarz le chien Robert , 
Le riche vilain dei plaissié, 
Icil Tont premier enchaucié. 
Après revint à grant esiés 
Harpin et Morant et Bruiés, 
Espinars et Hurte-vilain, 

9490 Et Rechingnié le chien Gillain 
Qui fil famé Erart le drapier. 
Après se metent el sentier 



DU RENART. 353 

Afeitiex, Gorfax et Tiranz, 
Roilliez , Loviax et Amiranz ; 
Clemens i fti et Oliviers , 
Le chien Malbarré Deriviers ; 
Après i cort Tornebrias 
Et Herbeioz avec Prias, 
Brisegauz , Frisanz et Voisiez , 

9^00 Liepart, Tisson et EscoiUiez; 
Cortin i cort après KTgaut , 
Et Passe-levriers et Gringaut , 
Lohier et Passe-outre et Fillarz , 
Et Estormiz et Vacularz, 
Le chien sire Conber Duchesne,* 
C'est celui qui miex se desresne, 
Et plus tost va et miex le trace. 
Après se metent à la chace 
Pilez, Ghapez et Alingniez, 

9610 Pastor, Hector et Euginiez, 
Escorchelande le barbez 
Et Ivolez li max florez , 
Et Oisellez et Grésillons, 
Estorniax et Esmerillons, ' 
Ghanuz et Morganz et Vergiez , 
Et Passe- avant et Ront ses giez; 
Et après est venuz Bolez, 
Porchaz et Poingnant et Malez, 

' Al, Tibert del freme. 
^ Al. Esclarîax esmerillons. 

I. 23 



356 KOMAN 

Cil s'euruieut, Renaît eschapc, 
Dès or gart bien chascun sa chape. 

Renart est en sa forteresse ^ 
Ne lor fera huimès destrece ; 
De fine mort liet Ysengrin , 

g^iHu Lui et Roonel le mastin 
Qui parlèrent la tralson 
Par quoi Renart fu en prison : 
Fet li ot boire grant peur. 
Mes or est auques asséur ; 
Nés a niès cure d'esmaier, 
Par defors les lesse abaier. 
Ysengrin maine moult grant duel , 
Car retenu l'éiist son voil ; 
Mes il voit qu'il est eschapez, 

ij5()o Crient jamès ne soit atrapez 
En lieu où il en ait droiture , 
Moult amast s'ame s'aventure. 
El bois ariere en sus ala, 
Totes les bestes apela ; 
Dant Roonel et vos Dant Bruns, 
Dant Saucent, vos estes li uns 
De cens où li Rois miex se croit , 
Or avez bien oï le droit 
Et la mesdite de Renart, 

9600 Plus est lerres de Meviart. 

Or voit-on bien que tort avoit, 
Et de vérité le savoit , 



DU RENART. 355 

Ysengrin \a les chiens huiant, 
Et se Renart s'en va fîiiant, 
Jà n'i doit-I'en nul mal noter, 

955o Que besoing fet vielle troter. 
A Toraille du bois menu 
Li en sont qatre avant venu , 
Trenchanz, Briamouz et Falz: 
Renart qui moult estoit haiz 
Ot issi grant péor de mort , 
N'avoit en soi nul reconfort. 
Toz jors est bien Renart chaii , 
Mes or li est si mal chaû, 
Ne li orent mestier ses bordes, 

9660 Que n'en volassent les palordes. 
Tant ont Renart li chien tiré 
Et desachié et depelé, 
Qu'en bien plus de qatorze leus 
Li est aparissant li gieus. 
A la parfin l'ont tant mené , 
Tant traveillié et tant pené , 
Tant l'ont folé et debatu , 
Qu'à Malpertuis l'ont enbatu 
Moult corouciez et moult dolenz. 

gS/o Et Dant Renart ne fu pas lenz 
De coroucier ses anemis , 
Et il se r'est en Mal-crués mis, 
Moult li est or poi de menace , 
Qui le volt haïr si le hace. 



358 ROMAN DU RENART. 

Por ce qu il li fesoit grant tort j 
Os por le cuer, os por la mort. 
Retez me vos de traïson 
Sire Grimbert? Sire, ge non, 
Mes por Renart dont il me poise, 
Alez à Cort , ne fêtes noise 
Se rien i a de mesprison , 
Là vos en fera-il reson. 
Dist Ysengrin, je m'i'acort , 
9640 Quel part que la parole tort , 
Ouen en mai ferai mon clain , 
A mon seignor que je moult aim 
Me clamerai del traiteur 
Et amenrai tesmoingnéeur 
Qui tesmoingneront vraiement 
Qu'il ne fist pas le serement. 
N'en i ot nul qui plus dëist 
Jusqu'au jor que la Cort asist. 



FIN DU TOME PREMIER. 



V 



GLOSSAIRE 



DES MOTS HORS D'USAGE. 



A. 



A ; avec. 

Aaise : content , satisfait. 

Aaisier : aider , secourir ; 
s'aaisier , prendre ses 
aises. 

Aaisiez : qui a des faci- 
lités y qui a ce qu'il dé- 
sire. 

Abaeresse , abaiaresse : 
qui aboie, qui imite le 
cri des chiens. 

Abai : aboiement. 

Abaier : aboyer. 

ABEiiiR : plaire, être agréa- 
ble. 

Abet : ruse, finesse. 

Abeter : duper, trom- 
per. 

Aboester , aboeter : aper- 
cevoir , regarder , me- 
surer des yeux; de bu- 
tum en basse latinité. 

Abrivé : hâté^ empressé, 
prompt. 

AçAiNDRE : environner; de 
cingere, 

AcENER : faire signe. 

AcEsittER : orner , parer. 

Achat : il achète. 



AcHoisoN ; occasion , su- 
jet. 

AcHoisoNNE : soupçonné , 
accusé. 

AcLiN : penché , incliné , 
couché. 

AcLiNER ( s* ) : se pencher. 

AcoARDER : devenir lâ- 
che , trembler de peur. 

AcoiNTE : ami, familier. 

AcoiïTiER : approcher , 
aborder, se familiariser. 

Agoiser : se reposer, de- 
meurer tranquille , d'où 
acoisiez , reposé , calmé. 

AcoisoN : raison, motif. 

AcoLER : embrasser. 

AcoNséu : atteint; acon- 
suiant, qui atteint , qui 
rejoint. 

AcoNTER : raconter, con- 
ter. 

AcoPLER , acoupler : join- 
dre , approcher. 

AcoRBER : courber, pen- 
cher , ainsi qu'on le fait 
lorsqu'on est long-temps 
sur ses jambes pour at* 
tendre. 



36o AFA 

AcoEDE : paix, accord, 
convention. 

AcoEENT : ils accourent. 

AcoEEE : arracher le cœur, 
les entrailles , donner 
la mort. 

AcosT : fréquentation , 
compagnie. 

AcosTEz : appuyé. 

AcouPEE : débaucher la 
femme d*autrui ; accu- 
ser. 

AcouTBE ( s* ) : s'appuyer. 

AcouTEEE : préparer, ar- 
ranger. 

AcovETEE : couvrir. 

AcRéAUTEE : promettre. 

AcEOT ( s* ) : il s'accroupit. 

AcuEUDEB : associer; ac- 
colligere, 

AcuiSEE : aiguiser au fi- 
guré ; acuere, 

AcuiTKE : acquitter, payer. 

AcupiE. Fojr, AcouPER. 

Adehis : baissé. 

Adentez, adenz .* ren- 
versé, couché sui* le 
ventre. 

Adoisee : toucher, appro- 
cher. 

Adolé : triste , affligé. 

Adrecié : dirigé , qui suit 
un chemin. 

Ai : âge, vie. 

Aeinnent : saisissent, du 
verbe aerdre, 

Aerdre : s'attacher , pren- 
dre , saisir ; d'où aerty 
il saisit. 

Afaitehent : manière , 
façon. 



AIG 

Afaiter , afaiiier : dispo- 
ser, préparer, instruire; 
d'où iîfaitié , instruit , 
spirituel. 

Afeee (s') : son affaire. 

Afeemk : affirmé , assuré. 

Afichiee : assurer , affir- 
mer ; s*afichier : s'élever, 
se tenir ferme sur ses 
étriers. 

Afiee : jurer, fkire ser- 
ment, promettre ; s'afiery 
se fier , se confier. 

Afiert : il convient, il 
faut. 

Afolee : rendre fou ; bles- 
ser, estropier. 

Afondee : couler à fond. 

AoAiT : vedette , embûche, 
embuscade. 

Agaitiee , aguetier : épier. 

Ageugiee : disposer, pré- 
parer, accommoder. 

Agrandoiee : agrandir. 

Agu : aigu. 

Aguet : ruse, finesse. Foy, 
Agait. 

Ahan : peine , travail ; 
mais ici il paroit signi- 
fier courage ! 

Aheng : ce mot paroit 
être l'interjection ah ! 

Ahie ! au secours ! 

AiDABLE : capable d'aider. 

Aïe : aide , secours ; d'où 
aier, aider , secourir. 
Diez aïe! avec l'aide de 
Dieu. 

AiGNEL : agneau. 

Aigre : ardent , prompt, 
du latin acer. 



AMB 

AiM : j'aime. 

Aiirçois : avant , plutôt 

Ainsi ( s' ) : si ainsi. 

AiNz : au contraire , avant 
plutôt , jamais ; eùnz 
mes y jusqu'alors ; mnz 
que y avant que. 

AïR : colère , dépit , force, 
violence. 

Aire : place. 

AïRER ( s' ) : se fâcher, se 
mettre en colère ; d'où 
aïrez, aïriezy cpii est 
en colère. 

Aise : commodité , conve- 
nance. 

Ait : qu'il aille. 7354. 

AïsT , eut ( m' ) : m'assiste, 
me secoure. 

Ajornée :1e point du jour. 

Alasghier : vider, des- 
serrer. 

Alegue : ce mot paroit 
signifier compagnon, as- 
socié y à'alligatus. 

Alentir : retarder, ren- 
dre une action plus 
lente. 

Aleter : se nourrir de 
lait. 

Al^éure : allure , pas. 

Aloe : alouette. 

Alumer : regarder fixe- 
ment. 

Ahain ( rime ) : amené , 
réduit. 

Amander : améliorer, pro- 
fiter , corriger. 

Amati : lourd , fatigué. 

AjiBEDUi : les deux, tous 
deux. 



ANU 36i 

AMBLiéuRE : amble , allure 
entre le pas et le trot. 

Ame ( m' ) : mon âme. 

Amender , faire répara- 
tion. Foy. Amander. 

Amendise : réparation. 

Ame NT. Fbjr» Amender. 

Amesuré : prudent. 

Amissiez : vous aimeriez. 

Amonester : animer, en«- 
courager. 

Amont : en haut. 

Amor ( m* ) : mon amour ; 
s*amor, son amour. 

Amordre : amorcer , ha- 
bituer, s'attacher. 

Amort]^ : amorti, affoibli. 

Anblant : qui va l'amble 

Anbler, Foy. Embler. 

Ançois. Foy, Ainçois. 

Andeus, andui: les deux, 
tous deux. 

Ane , anez : cane , canard. 

Anel : anus. i24S> 

Angle : coin. 

Angoisser : presser , ser- 
rer de près, faire souffrir. 

Angoisseus , angoissas : 
triste , chagrin , qui a le 
cœur serré. 

Anlagier : enlacer, enga- 
ger. 

Anoiez : souffrant , impa- 
tient. 

Anor : honneur. 

Anui : ennui, peiné, impa- 
tience. 

Anuier : ennuyer, nuire , 
faire de la peine. 

Anbit : cette nuit , aujour- 
d'hui. 



36a ARA 

Ahuitibr : le soîr, la nuit. 

Ao&c& : adorer. 

AovEaT : ouverU 

ArAEçoiraE : apercevoir. 

Apamee : aller. 

Apehsbe ( s' ) : réfléchir , 
méditer* 

Apcnt : qui appartient , 
qui tient à quelque chose. 

Apeet : ouvert , franc , 
agile, évident ; en apert, 
ouvertement , franche- 
ment. 

Apesaet : un poids, une 
charge incommode. 

Aplawiee , aplanoier 
aplanir , polir, rendre 
doux au toucher. 

Aploiee : appliquer. 

Apoiee : appuyer. 

ApoiifGNAiiT : piquant des 
éperons. 

Aport: j*aporte. 

Apostole : le pape. 

Aprimee : approcher. 

Apeiver : apprivoiser. 

AQBn&E : il attaque , il 
fait violence. 

Aqeudrez : vous acquer- 
rez, 

Aqeut à mengier : il com- 
mence à manger. 

Aquatuet : il appuie , il 
^ repose. 

Ara : il aura. 

Araisonner : parler, con- 
verser , entretenir. 

Aramir : promettre avec 
serment , s'engager à 
une preuve par le com- 
bat judiciaire. 



ASE 

Ar BROIE : forêt, taillis. 
Arbeoissel : arbrisseau. 
Archir : portée d*arc , 

Tespace que parcourt 

une flèche lancée avec 

un arc. 
Aroer , ardoier, ardre : 

brûler, briller. 
Arée : terre labourée , 

sillon. 
Arer : labourer. 
Aresmier. f^ojr. Araisoic- 

NEE. 

Aeest^u : arrêté ; s'ares- 
iut,i\ s'arrêta. 

Arez : vous aurez ; an'ez , 
vous auriez, aro/e, j'au- 
rois. 

Aeez terre labourée. 
a6o2. 

Aroutee : s'acheminer , 
faire route , accompa- 
gner. 

Aet. 420. io55. 499^* 
7296. 11 brûle ; mais aux 
vers 107. 656. 1268, 
etc. , habileté , finesse , 
subtilité , artifice ; sa^ 
voir d*ar£ , être fin , rusé . 

Arz : brûlé , arsus. 

Arzillièrre : argile, boue. 

As : aux, avec. 

AsAuoRoiiT : ils attaque- 
ront ; asausites , vous 
attaquâtes , du verbe 
Assaillir. 

AsAUVAGiR : devenir san- 
vage. 

Asemondre : avertir, ajour- 
ner. 

AsKNER : atteindre. 



ATO 

AsENTEMENT : Consente- 
ment 9 accord. 

AsENTiB. : consentir, ac- 
quiescer. 

AsERiER : le soir. 

AsEUR : qui est en sûreté y 
sans crainte y assuré. 

AsiÊURER (s') : être tran- 
quille , sans crainte. 

AsoLEiLLiER .' rcssuycr , 
sécher au soleil. 

Asorber : engloutir, anéan- 
tir. 

ASORILLIER. P^Ojr. Aso- 
LEiLLiER. 

AsoTER : tromper , rendre 
sot. 

AsouAGié : soulagé. 

AssAUDRÉ : j'attaquerai. 

AsséuR. Foy, AsEUR. 

AsTELB : copeau, éclat de 
bois. 

Atalenter : faire plaisir , 
avoir pour agréable. 

Ataut : alors , en ce mo- 
ment. 

Atarger : retarder , dif- 
férer. 

Atendabtge : attente , es- 
poir. 

Atenir : abstenir. 

Aticer : exciter. 

ATiRiER^mal) rmaltraiter. 

Atoitre : ce mot expliqué 
dans le Glossaire de la 
langue romane par le 
joug qu'on met aux 
bœufs, paroît signifier ici 
les bestiaux euxomémes. 

Ator : préparatif , dispo- 
sition , appareil. 



AV I 363 

Atorner : équiper, arran- 
ger ; disposer ; atort , 
dispose. 

Aube crevée : le jour. 

AuGupHE : ce mot paroit 
signifier un traité de la 
chasse aux oiseaux ; du 
latin aucupari. 

Auge (s'en) : qu'il s'en aille. 

AuMAiL : bêtes à corne , 
bœufs , vaches , etc. 

AuMoiRE : armoire. 

Kvvi : réuni, rassemblé. 

AuQUEs : aussi, alors, 
également , à présent. 

Aus : eux. 

AuT : qu'il aille. 

Autel : pareillement. 

Autre SI : de même , ainsi. 

AuTRiER : avant-hier , l'au- 
tre jour. 

Aval : en bas, en descen- 
dant. 

Avaler : descendre ; à 
l'avaler, en descendant. 

AvAWT ( se Diex t' ) : si 
Dieu te protège. 

Avenant : convenable , à 
propos. 

AvENDRA : il arrivera ; 
avenist , il arrivoit. 

Avéra : il aura ; avérez , 
vous aurez , averoit , 
il auroit. 

Avers : avare. 

AvERSiER : ennemi , ad- 
versaire. 

AviRONNER ; entourer , 
environner. 

Aviser : apercevoir. 

AvisoN : songe, vision. 



364 BAR 

Avoi : hélas ! ha ! excla- 
mation. 

A VOIE & : conduire , mettre 
dans le chemin ; se Diex 
t'avoit , si Dieu te con- 
duit; 3ia6. ^719. 

Avoia : biens, richesse». 

AvoLca : voler , envoler. 



BIA 

AvoLTRB, avostre , ai Qu'- 
ire : bâtard. 

AvoMES : nous avons. 

AvouTBEE : adultère. 

Aveu THE a : commettre un 
adultère; mais au vers 
6781 , il signifie y appe- 
ler bâtard. 



B. 



Bacon : lard , cochon salé. 

Baillie : puissance , pos- 
session , juridiction. 

Bailliee : saisir, prendre, 
se rendre maître ; don- 
ner ; gouverner, traiter. 

Balcane : sarbacane. 

Balee : s'agiter, remuer. 

Baleveb : la mâchoire in- 
férieure. 

Ban : proclamation , or- 
donnance, édit. 

Ban ASTRE : banne, toile 
ou couverture qu*on 
met sur les voitures pour 
les garantir de la pluie 
et du soleil. 

Baoit : il ouvroit , de baer, 
ouvrir. 

Bar AT, barate : ruse, trom- 
perie , fraude , perfi- 
die. 

Barater , baréter : trom- 
per, frauder. 

Baratere, baretere : trom- 
peur. 

Barbagane : défense exté- 
rieure d'une ville , d'un 
château. 



Bargaicne : cérémonie, 
façon. 

Baron : homme en général, 
mari , homme titré. 

Baronie : assemblée de 
barons. 

Batestal : ce mot, dont je ne 
trouve point l'étymolo- 
gie , paroit signifier ici 
résultat. 

Baudor : joie , plaisir. 

Baut , bauz : gai , joyeux. 

BÉANCE : espérance, désir, 
attente. 

Bechier : béqueter. 

BiÊER : aspirer, désirer, 
"^tendre; mais aux vers 
7i5i, 8o3i, ouvrir. 

Bel et gent : gracieu- 
sement. 

Belleant : Bethléem. 

Benéie : qu'il bénisse. 

Ber : homme , seigneur. 

Besoingneus : qui est dans 
le besoin , dans l'indi- 
gence. 

Besongne : besoin , af- 
faire. 

Biau m'en soit : que cela 



BOU 

me soit agréable, que 
cela me plaise. 

Bien de moi : en bonne 
intelligence avec moi. 

BiEYRE : castor. 

Bise : noirâtre. 

Blandir : caresser 9 flatter. 

Blez ( entre deus ) : entre 
deux champs de bled. 

BoiF : je bois. 

Boise : bûche, gros bâ- 
ton; mais il paroît si- 
gnifier ici un seau, du 
mot boissellas y dans la 
basse latinité. 

BoisiER : tromper. 

BoisiEBRE, boissere, trom- 
peur, fourbe. 

Boisson : buisson. 

BoLE : tromperie , astuce 5 
mais au vers 9241, mas- 
sue. 

BoLUT : il bouillit. 

Bon : plaisir, volonté. 

BoNTAT :. bonté. 

BooiT : lieu retiré , en- 
foncement , cachette ; 
de bodium. 

Borde : tromperie, men- 
songe. 

BoRNiR : fixer, détermi- 
ner. 

BoRSE : bourse. 

Bos : bois , forêt. 

BoTER , bouter : pousser , 
mettre, presser- 

BoTON : bouton. 

BouEL : boyaux, 6607; 
mais, 9^58. f?>j. Booit. 

Boule : tromperie; mais 
au vers 92? i , massue. 



BUS 



365 



Bouler : tromper. 

BouTEGULANT : qui cher- 
che en poussant , en 
retournant ce qui est 
devant lui. 

BoviER : bouvier* 

Bracer : machiner, s'intri- 
guer. 

Braghet : braque , chien 
de chasse. 

Bracie : brassée. 

Braies : haut de chausses, 
culottes. 

Brait , bret : cri. 

Braon. Fqy. Broion. 

Brere : crier, pleurer. 

Breton {^chien) : il paroit 
que les chiens de cette 
province étoient renom- 
més pour la vitesse de 
leur course. 

Briche : brigue , cabale, 
piège. 

Broge , ^roc^e : petit bois, 
bruyères. 

Broion : piège pour pren- 
dre les bétes puantes. 

Bruire : faire du bruit , 
résonner. 

Brungher : se laisser trom- 
per , faire une école. 

Brune : sombre, orgueil- 
leuse , fière. 

Buis : bœuf. 

BuissET : petit bâton ou 
morceau de bois qui 
entre dans la formation 
du piège appelé broion» 

BuscHETER : abattre du 
bois, couper des bran- 
ches. 



366 



CHA 



CHA 



C- 



r.A : ici, donc. 

Cae : cher; canis, 

Ca&doitax : cardinal. 

Caeenon : carillon , peut- 
être. 

Caeieeb : chemin. 

Cay^e : creusée. 

Ckl : cet , celui. 

Celée : déguisement , ca- 
chette. 

Celer : cacher. 

Cehbel : joute , combat. 

Cbfel : entrave , fers ; 
paroit être mis ici pour 
piège. 

Cbrcribe : chercher. 

Ce ET : assuré. 

Cbetbs (par) : assuré- 
ment. 

Craaimgmon : le cou. 

Chacéis : chasse , pour- 
suite. 

Chacéoe : chasseur et 
cheyal de chasse. 

Chàel : petit chien. 

Chaillb ( ne li ) peu lui 
importe , du verbe cha- 
loir, 

Chainse : chemise , jupe , 
voile. 

Chaïe : tomber. 

Chaitis : malheureux , in- 
fortuné. 

Chameus, chamez : cha- 
meau. 

Champaikgne : campagne. 

CuANPARTiR ; lever le droit 



de champart; mais ici il 

paroit être mis pour to-> 

1er 9 enlever. 
Chautéoe : chanteur. 
Chahtissoiz : vous chan-r 

teriez. 
Chahu : qui a les cheveux 

blancs , vieillard. 
Chaoir : tomber; chaoit , 

tombe, 
Chaon : le cou. 
Chape : robe ou manteau 

qui avoit un chaperon 

pour couvrir la tête. 
Char : chair, viande. 
Charibre : route, chemin. 
Chaeval : la partie char- 
nue. 
Charpekt : est mis ici 

pour le corps. 
Char R A : il tombera; c^r- 

rasy tu tomberas. 
Charrokt : ils tomberont. 
Charretil : charrette. 
Charreton : charretier. 
Chartrk : prison. 
Chastbl : biens, fortune. 
Chastoier : corriger. 
CuAii : tombé. 
Chauz : chauve. 
Chaucher : cocher, action 

du coq qui couvre la 

poule. 
Chausist (ne me) : peu 

m'importeroit; cui chaut, 

qui cela regarde-t-il ? du 

verbe chaloir. 



CHO 

Chayole : cbevelur€ ; ca- 
pillatio, 

Chaz : souliers ; caicei. 

Chéoite : chute. 

Chepel. Foy. Cepel. 

Cherra : il tombera. 

Cheu : tombé ; cheuee , 
rompue. 

Cheyeçaille couvre- 

chef, chevelure. 

Cheveler : arracher les 
cheveux. 

C HE VER : creuser; chevée , 
creusée. 

Chevesce : chaperon , col- 
let d'habit, tête d'une 
robe. 

Chevestre : licol , le haut 
de la bride. 

Chief : extrémité, issue, 
fin, commencement; el 
chief; à l'extrémité ; de 
chief en chief, d'un bout 
à l'autre; à bon chief 
trere, venir à chief, ter- 
miner , venir à bout ; ne 
set à quel chief trere , il 
ne sait par quel bout 
commencer, quel parti 
prendre. 

Ghienaille : meute de 
chiens. 

Chiere : visage , mine , ac- 
cueil , réception ; à bêle 
chiere, avec plaisir ;yàz>e 
lede chiere^ faire mau- 
vaise mine. 

Chiés : extrémité , bout. 

Choisir : apercevoir, dé- 
couvrir. 

Chol , chos : chou. 



COL 367 

Choser : blâmer, gronder, 
quereller. 

CiEx : le ciel. 

Cil et cil : les uns et les 
autres. 

CioH : jet d'arbre ; mais il 
est mis ici au figuré , et 
signifie progéniture. 

CisEL : ciseaux. 

CiST : celui-là, ces, ceux-là. 

Claim , clmns : plainte ; 
mais au vers 2575 , je 
demande , du verbe 

Clamer : nommer, décla- 
rer, accuser, se plain- 
dre ; claint, il déclare. 

Clamor : propos, plainte. 

Clers : savant , instruit; 

Cliner : cligner; baisser. 

Cloie : claie. 

Closistes : vous fermâtes 

Clost ( saint ) : Saint- 
Cloud. 

Clous : clos , parc , en- 
ceinte. 

CoARDiE : crainte , lâcheté. 

Cochet : petit coq. 

CoDRE : le coudrier, ar- 
brisseau. 

Coi : quoi. 

CoiEMENT : doucement , 
sans bruit. 

CoiNGNiE : cognée. 

CoiNTE : gentil , aimable , 
mignon; prudent, rusé, 
bien instruit. 

CoiTiER : presser, exciter, 
aiguillonner. 

Coiz : paisible, tranquille. 

CoLEE : coup. 

CoLER : couler. 



368 CON 

CoLoiEE : tourner la tête 
de tous c6tés pour exa- 
miner ; de colium, 

CoMMUHEL commun , 

commune. 

CovpAiircNB : compagnie. 

CoMPAmCE, comparer : a- 
cheter , payer. 

CovpEM ACE : dariole , es- 
pèce de pAtisserie. 

CoMPissEE : pisser dessus. 

CoN : conune. 

CoHBEBE : empoigner, sai- 
sir avec force. 

CoNCHiBE : tromper 9 mo-> 
quer, mépriser. 

Conduit : route , chemin. 

Coif r ANON : drapeau, éten- 
dard. 

Cour on DU : abattu. 

CoNiif : lapin. 

Co!fJOÎE : se réjouir avec 
quelqu'un , le féliciter. 

CoiTMAHDAcioH : rccom- 
maudation , prière. 

Cohmant : ordre, comman- 
dement ; mais au vers 
401a , je recommande. 

CoNMEiiçAtLLE : Commen- 
cement. 

CONMUXEL. F. COMMUNEL. 

CoNNoiSTEK : confesser , 
avouer. 

CoiiPAiH : compagnon, ca- 
marade. 

CoifPAS : justesse, ordre, 
proportion. 

CoNPLAiNS : plaintes, do- 
léances. 

CoifQUEEEE , conquester : 
i;a«:^ner , profiter. 



COO 

CoHE^EE : bien traiter, ar- 
ranger. 

CoHEOi : soin y arrange- 
ment. 

CowsEULS, conseils: conseil. 

CoNsiÉVEBE : atteindre, 
poursuivre; consievra : 
atteindra ; consieut : at- 
teint ; consul : atteignit ; 
consuivré: atteindrai. Ce 
mot, au vers 88, parolt 
signifier se priver, s'é- 
loigner. 

CoNsiTOE : conseil , assem- 
blée. 

CoKTEifçoK, content : dé- 
bat, querelle, différend. 

CoNTEEE : conteur, faiseur 
de contes. 

CoHTEAiEB, contrere :mal- 
beur , peine , cbagrin , 
adversité. 

CoNTEALiEE : Contrarier, 
contester. 

CoNTEE-MOHT : eiî remon- 
tant , en haut. 

CowTEET , contrez : mal- 
fait , estropié , difforme. 

Contée-val : en descen- 
dant, en bas. 

CoHTEOUVEE invcutcr 

une fausseté. 

CoNTEOVE : fable, inven- 
tion , mensonge. 

CoifvEES : firère lai. 

C0HVEE8EE : habiter, de- 
meurer. 

CoNvoiTos : qui convoite, 
qui désire. 

CooRGE : sangle, fouet de 
charretier. ' 



cos 

Gop : coup. 

CoRAGE : esprit, volonté, 
pensée, cœur. 

CoRENT : ils courent. 

CoR^oR : coureur , cheval 
de chasse. 

CoRNi^E : corneille. 

Cornu : qui a des pointes. 

CoROGiER : courroucer. 

CoRONE : couronne, ton- 
sure , d'où coroné, ton- 
suré, 

CoRouços : courroucé, en 
colère. 

CoRPABLE, corpe : coupa- 
ble. 

CoRPE : coupe ; cuppa , 
8453 ; mais 8791 , faute , 
crime; culpa, 

CoRRE : courir ; corre, qu'il 
courre; et au vers i665, 
course. 

Corroie : lanière de cuir. 
Au vers 6481, de lui n'a 
nul corroies ointes, on 
doit entendre que le re- 
nard est trop fin pour se 
laisser attraper. 

CoRROz : courroux ; co- 
lère. 

Cors : le corps , corpus; le 
\. cœur, cor; cors : course , 
cursus ; venir le cors , 
aller grand train. 
CoRT : cour, curia, 
CoRTiL : jardin. 
CoRTOis : honnête, poli, 

affable. 
CoRTOisiE : grâce, poli- 
tesse , affabilité. 
Cos : un coq. 

I. 



CRE 369 

CosTEL : couteau. 

C0STENTINOBLE : Constan- 
tinople. 

CosTURE : champ , terre 
labourée. 

Cote : tunique Jbilbit , dé- 
pouilles. 

Coule : bâtiment, ferme; 
de colacium , de la basse 
latinité ; ou cuisine , du 
latin cuUna. 

Cous : on appeloit ainsi le 
mari dont la femme étoit 
infidèle. 

CovER : couver, couvrir, 
abriter. 

CovERT : couvert. 

CovERTURE : couverture , 
excuse. 

CoviNT : qu'il convint. 

CovoiTER : convoiter, dé- 
sirer. 

CovoiTEUs. Foy. Cowvoi- 

TOS. 

Cox : coups; mais 83^7, 
Voyez Cous. 

Cran PI : plié , courbé. 

Cras : gras. 

Cravanter : écraser, bri- 
ser. 

Cr^able : croyable ; créez, 
croyez ; créion , nous 
«royons. 

Créant : promesse, enga- 
gement. 

Créanter : promettre , as* 
surer, engager sa foi. 

Cremir : craindre, appré- 
hender. 

Crépon, crespon : crou- 
pion , échine. 

24 



370 DED 

CniE : crée , produit. 

CaiEr : je crève; criet, il 
crève. 

CaiBME : crainte. 

CaiEHT : il craint. 

CaiT : IToue. 

CaoïaE (<l^ : se confier. 

Caoïsaaa : craquer, casser; 
croissu, cassée , rompue. 

CaoïsT : augmente. 

Croler : remuer y bran- 
ler. 



DEM 

Ceope : la croupe. 
Caopia I croupir: être assis^ 

accroupi. 
CaouTE , fosse , tanière. 
Cédés, creux, trou. 
CuiaiE cuirasse. 
Cuit : il pense , du yerbe 

ciader, 
CurvEET : méchant y in* 

fâme. 
Clee : soin. 
CuauT : il courut. 



D. 



Daarain : dernier. 

Dahez : imprécation équi- 
valente au vœ des La- 
tins. 

Daintiez : je pense que ce 
mot signifie un jeune 
daim , et quil est mis ici 
pour toute sorte de ve- 
naison. 

Danois R : obstacle, diffi- 
culté; au vers SiSa, 
puissance , domination. 

Dant : seigneur , maître. 

De : mis souvent au lieu 
de que. 

DÉ : Dieu. 

Decepliue : discipline. 

Deouiant : en s'amusant, 
se divertissant. 

Déduire (se) : s'amuser, 
jouer, se divertir; <fe'- 
duiez, vous .vous amu- 
sez. 

Déduit : passe -temps, 
plaisir, récréation. 



Deffet : estropié. 

Deffoegémeitt : avec vio- 
lence , par la force. 

Deffublbr (se) : se dévê- 
tir , 6ter ses habits. 

Definer : finir , terminer. 

Defors : dehors. 

Déissiez : vous diriez. 

Dbjoste : à c6té, auprès. 

Del : de, du, des. 

Delez : proche , à côté. 

Délivre (tôt à) : sans au- 
cun obstacle. 

Delivrement : facilement, 
sans peine , librement. 

Delt : troisième personne 
de l'indicatif présent du 
verbe doloir y souffrir, 
sentir de la douleur. 

Demain ER , démener: con- 
duire, tourmenter; de— 
mainer joie , se réjouir ; 
démener la faim, souf- 
frir de la faim; demaint, 
qu'il se conduise. 



DES 

Demaitois : à l'instant, sur- 
le-champ. 

Demeine : pouvoir, puis- 
sance. 

Dementer (se) : se plain- 
«dre, gémir ; se livrer à 
la douleur. 

Démesure (à) : avec ei- 
cès. 

Demoré : retard, délai. 

Départir : partager. 

Dépiquer : remplir de pi- 
qûres , de meurtris- 
sures. 

Déport : joie , plaisir. 

Déporter (se) : se récréer,! 
se réjouir. 

Deputaire , deputart: mé- 
chant, perfide, abject. 

Deresnier , desresnier : 
parler, haranguer, plai- 
der, se défendre. 

Deront : il déchire. 

Derrers : derrière. 

Desarez ( se mettre as ) : 
prendre sa course , fuir. 

Descirer : déchirer. 

Desclos : ouvert. 

Desconseilliez : aban- 
donné, qui ne sait à qui 
demander conseil , in- 
fortuné. 

Desgonvenue : malheur, 
tristesse, accident, chose 
déplacée. 

Descopler : découpler. 

Decoverra : découvrira , 
dévoilera. 

Desgréu : diminué de 
hauteur, du verbe dé- 
croître. 



DES 371 

Desenor : déshonneur ; 
desenorer, deshonorer. 

Déserter : gâter, ravager. 

Deseure : dessus. 

Desevraille : séparation, 
distance. 

Deshaitier , desketier : 
rendre triste , chagrin , 
malade. 

Deshet , tristesse y abat- 
tement. 

De si au : jusqu*au. 

Desnoer : dénouer. 

Desoz : dessous. 

Despegier : briser, mettre 
en pièces. 

Despendre : dépenser , 
consommer. 

Despisant : méprisant , 
dédaignant. 

Despit : mépris. 

Desporvéu : sans ré- 
flexion, témérairement. 

Desraison : injure. 

Desroi : faute, égare- 
ment , mauvaise action , 
dérèglement. 

Dessoivrer : séparer. 

Destendre : fuir. 

Destor , detor : détour. 

Destorber : détourner , 
empêcher. 

Destorbier : obstacle , 
empêchement. 

Destort : il tourne , il fait 
mouvoir. 

Destraindre : presser , 
tourmenter ; destrain- 
trent , ils tourmentè- 
rent. 

Destre (à) : à droite. 



X 



373 EES 

Destbisss : peine, tour- 
ment. 

Destroit : passage res- 
serré , étroit, 

Destroit : triste , chagrin, 
pressé. 

Desvé : rempli de chagrin, 
fou, hors de sens. 

Desyoiee : détourner delà 
▼oie, égarer, tromper, 
mourir ; destroit , il 
meurt. 

D ETE AI en sus dr moi: 
éloigne-toi. 

Detrehchike : couper par 
morceaux. 

Deteocé : percé , rempli 
de trous. 

Dkus : peine , chagrin. 
5076. 

Deut (se) : se plaint, se 
lamente. 

Dévaler : descendre. 

DEVAHTrRE : devant. 

Devise : manière , con.- 
vention ; à devise , à vo- 
lonté. 

Devisee : exprimer, par- 
tager, s'entretenir. 

Die : dit ; liient, ils disent; 
tUon , nous disions. 

Dis : jour, dics; tout dis , 
toujours; mais au vers 
614 > dix. 

DrvA : dame , exclamation. 



EGA 

DoiE : qu'il doive; tloions, 
nous devions. 

Doive : je donne; doin-^ 
sissiez, vous donniez; 
domt , qu*ii donne. 

DoLoiR : s'affliger, se plain- 
dre. 

DoH : je donne; donge, 
qu'il donne, qu'il venille; 
donra, il donnera; don- 
rote , je donnerois. 

Dort : d'où, donc. 

DoKT : qu'il donne ^ qn'il 
veuille, qu'il permette. 

Dot : je doute. 

DoTARCE , douie : crainte, 
peur. 

Dou : du. 

Douter : craindre. 

Doz : doux. 

Drapel : chiffons, haillons. 

Droiture : justice , raison. 

Dru : fidèle ami, compa- 
gnon ; tinte, amie « maî- 
tresse. 

Drueeie : fidélité, atta- 
chement. 

DcEiL , dttel (me) : je suis 
triste, je m'afflige. 

Duel : peine , chagrin. 

Dui : deux. 

DuEEMERT : beaucoup , 
avec excès, abondam- 
ment. 

DrsQUEs : jusques. 



E. 



: j ai. 
Kg : cela. 
£êsiez« / '0^-. Aaisiez. 



Efforcier : Cure des e^ 

forts. 
EcAUMiKT : également. 



ÉNC 

EiHz. Foy. AiNZ. 

EiE : hier ; Vautre eir , 
avant-hier. 

£l : dans , au , autrement , 
autre chose; un et el , 
choses et autres. 

Els : eux , elles. 

Elz : les yeux. 

EMBATaE : enfoncer , four- 
rer , entrer, arriver, 
précipiter. 

EMBLAié : empêché , em- 

« barrasse. 

Embler : enlever, voler, 
ravir; s'en embler , se 
soustraire , s'enfuir. 

Ehe : respiration , haleine. 

Empaindre : heurter, pous- 
ser, précipiter, enfoncer. 

EupiRiÉ : endommagé. 

Ehplez : remplissez. 

Emploraitt : pleurant , 
fondant en larmes. 

Emprendre : entrepren- 
dre, commencer; em- 
.prendre sa voie, aller, 
se mettre en chemin. 

En est mis souvent pour la 
particule on. 

ËNANGLié : placé dans un 
coin. 

ËiTBRAMiE : tourmentée , 
inquiète, gémissante. 

Enbron : morne, pensif. 

Enghagier : chasser. 

Enghanterre : enchan- 
teur, magicien. 

Evghaucier : poursuivre , 
chasser. 

Enchaut; enchauz : pour- 
suite, chasse. 



ENG 373 

En G HÉ ANE z : enchaînés. 

Enclin : baissé , incliné. 

Engliner : saluer. 

Englous : enclos, enfermé. 

Engonbrier : perte, mal* 
heur. 

Encontre : rencontre , a- 
venture, combat. 

Engorper : accuser. 

Engoste : à côté. 

Engoupé : accusé. 

Engrassié : engraissé. 

Engrime : ce mot paroit dé- 
river à^incrementuniy et 
porteryî?/o72 au superlatif, 

Encui : aujourd'hui , avant 
la fin du jour. 

Enguser : accuser. 

Endementiers : cepen- 
dant, tandis que. 

Endroit ce que : vu que ; 
endroit le vilain : vers 
le vilain. 

Endui : les deux , tous 
deux. 

Enfantosmer : ensorceler, 
enchanter. 

Enfondue ( savoir de 
truie ) : façon de parler 
proverbiale dont je n'ai 
pu trouver Tétymologie. 

Enforchéure : écarte- 
ment qui présente la 
figure d'une fourche. 

Enforgier : augmenter. 

Enfrete : rompue , brisée. 

Engien , engin , enging : 
ruse, finesse, tromperie ; 
génie , esprit ; instru- 
ment pour la péchç; 
machine de guerre. 



374 ENT 

ENCiirGiiER : tromper, du- 
per. 

Englacier : geler. 

ËifGonLER : manger avec 
avidité, eogloatir; mais 
au vers 7622 , ert en-- 
goulez , signifie avoit 
Touverture. 

ËNGRAiNGNER : augmenter. 

ËNGRis : tourmenté , pres- 
sé , désireux , avide , 
acharné, impétueux. 

Engringicant : augmen- 
tant. 

Enmi : au milieu. 

EifOR (t') : ton honneur. 

EifOssÉ : mort 

Enpaindre. f^ojr, Empain- 

DRE. 

Enpaints : attaque, défi. 

Enpa&lier : orateur, avo- 
cat. 

EifPOR-GE : j'emporte. 

Enquenuit : avant la nuit, 
aujourd'hui. 

Enquerre : chercher, s'in- 
former , demander. 

Ensemeitt : pareillement , 
semblablement , en mê- 
me temps. 

Enserrer : serrer, ren- 
fermer. 

Ensor : de plus. 

Ensorquetot : aussi, de 
plus. 

Entent , entente : inten- 
tion , affection , appli- 
cation , industrie. 

Ententis : attentif. 

Entérine : entière , par- 
faite. 



ÉRT 

Enterra : il entrera; en- 
terron, entrerons. 

Enterrez : garni, souillé 
de terre. 

Entesnier : entrer dans 
sa tanière. 

Entor : autour, à l'entour. 

Ent&e-fianger (s') : se 
promettre mutuellement. 

Entrelet : il laisse, il 
quitte. 

Entremès : intermède. 

Entrepelé : qui est pres- 
que dépouillé de son 
poil , qui Ta perdu par 
place. 

Entresait , entreset : en 
même temps, en atten- 
dant. 

Entretenanz : serrés, liés 
les uns aux autres. 

Entule : sot, imbécille. 

Envaîe : attaque, assaut. 

Envers : renversé, mis sur 
le dos, à la renverse. 

Enviz (à) : malgré soi, 
avec peine, avec répu- 
gnance. 

Envoisier (s*) : s'amuser, 
se réjouir. 

Enz : dans, intérieurement. 

Erboie : prairie , pâturage. 

Erent : ils étoient. 

Errant, erraument : sur- 
le-champ, grand train, 
incontinent. 

Erre ( grant ) : a la même 
signification q\iL errant. 

Errer : aller, marcher, 
voyager. 

Ert : il étoit , il sera. 



ESC 

£s : voici, voilà, 5497 ; 
s*eSf et il les, Soga. 

EsBAHiR (s') : s'étonner, 
être surpris. 

EsBAifoiEa : s'amuser, se 
dissiper, se divertir. 

ËscERVELEE : cdsser la 
tête, faire sauter la cer- 
velle. 

EscHAciEE : boiteux. 

ËSCHA& : dérision, raille- 
rie; 1004 et 4377> servir 
d*eschar , plaisanter y 
railler; mais au vers 
3 1249 avare, ménager. 

ËscHAENiR : insulter, of- 
fenser, railler^ se mo- 
quer; escharnissant y in- 
sultant, se moquant. 

EscHAESETÉ : avaricc , lé- 
sinerie. 

EscHAT : qu'il échappe. 

EscHiELETE : sonucttc , 
petite cloche. 

EsGHius : lâche, poltron. 

EscHivER : éviter, fuir, 
esquiver. 

Escient : avis, sens, con- 
noissance ; à escient , 
certainement; mon es- 
cient, à mon avis, selon 
moi. 

EscLARCiR : faire jour. 

EscLos : sabots; mais ici 
il est mis pour les traces. 

EsGOBicHiER : escamoter, 
enlever avec adresse. 

EscoiLLiRR : rendre eu- 
nuque. 

EsGONDiRE : refuser ; se 
purger d'une accusa- 



ESL 375 

tion , s'excuset, se dé- 
fendre. 

EsGONDiT : excuse, répa- 
ration. 

EsGOPiR : cracher. 

EsGORGE : est mis pour la 
peau ; 809 , etc. 

EscoRS : aide , secours , 
soutien; maiissansescorsy 
signifie, je crois, en ta- 
pinois., sans bruit. 

EsGossE : escot, escouse, 
escout : il se remue, il 
s'agite , il secoue. 

EsGOTER : faire un écot, 
une dépense par moitié. 

EsGouER : priver de la 
queue. 

Escoz : esclave mis en li- 
berté , terme d'injure. 

EscREMiE : escrime. 

EsGREVEz : accroître, ag- 
graver en parlant du mal. 

EsGRiER : crier, appeler. 

EscRiv : coffre , cassette. 

EsFORGiER : faire violence ; 
esforciez, très grand. 

EsFRAEz : effrayé. 

EsFRoiz : émeute. 

EsGARDER : considérer , ju- 
ger, décider, ordonner. 

EsoAREz : hors de soi- 
même. 

EsLAis , eslès : saut , bond , 
galop , rapidité. 

EsLiÉESciER : divertir, dis- 
traire. 

EsLESsiÉ : gai, joyeux; ex- 
sultans. 

EsLESsiER : s'élancer , sau- 
ter, avancer. 



^ 



3:6 ESP 

EsLOiVOE (s*) : sVIoîgne. 

EsMAiBE : troubler , in-> 
quiécer, chagriner, tour- 
menter, fâcher. 

EsMAARi : fâché, aflli|;<^. 

EsME : intention, désir. 

EsMCA : faire mine de vou- 
loir quelque choie, viser, 
préméditer. 

EsMÉD, participe du verbe 
esmouvoir , ébranler , 
mettre en mouvement. 

EsMiEE : casser, briser. 

EsMOiB (ne t*) : ne t'in- 
quiète pas , du verbe 
esmaier ci-dessns. 

EspANois : Espagnol. 

EspARDE : éclate. 

EsPBRia :• reprendre ses 
esprits ; mais ici, s'éveil- 
ler. 

Es PERIT AL : spirituel y cé- 
leste. 

EspBRiTE ( Sainte») : le 
Saint-Esprit 

EsPEusE : épouse. 

EspiB (blé) : blé monté 
en épi. 

EsPiNAz : épines. 

EspLoiT (à grand) : grand 
train, en diligence. 

EspLOiTBR : agir, travailler. 

Espoir : peut-être. 

EspoNDRB : expliquer « ex- 
poser. 

EsponssE (m*) : ma femme, 
mon épouse. 

EsPRENDRB : embraser , 
brûler , allumer. 

EsPEOVE : épreuve. 

,£sPUROBR : puiger^ et au 



EST 

figuré, se perfectionner. 
EsQUKT : il secoue. 
EsRjàGiER : enrager. 
EsRAMT. Voy, Erraht. 
EssART : champ inculte, 

rempli de broussailles. 
EssAuciER : exalter. 
EssoiHE : empêchement , 

difficulté, excuse. 
Essorer : sécher. 
Esta : arrête; esta ileuc, 

reste là , du latin sta. 
EsTABLE : stable, ferme, 

permanent. 



ESTAGE 



maison 



rang 



état , place. 

Est AL a la même signi- 
fication. 

Estant (en) : debout, levé, 
droit. 

EsTAR. Fojr, Ester. 

EsTACBLETÉ : fermeté, du- 
rée , constance. 

EsTELÉ : étoile. 

Estehoeiller: s'allonger, 
s'étendre comme ma 
homme qui se réveille. 

Ester : demeurer, rester, 
subsister, comparoitre; 
lesse m* ester y laisse-moi 
tranquille; lessiez ester, 
ne parlez plus de cela; 
esterez, vous serez; es- 
tez, restes. 

Este- vos : voilà ; estes-les- 
vos, les voilà. 

EsTiEVs : nous étions. 

EsTONE : retentit , tremble. 

EsTOPER : boucher, fermer. 

EsTOR : mêlée, combat, 
assaut. 



FAI 

EsToaDaE : se soustraire, 
se dégager, s'échapper. 

EsTos, estons : furieux, 
fou , déréglé , extrava- 
gant; stultus. 

EsTOT (rime) : au lieu à^es^ 
tuei, il conyient. 

EsTons. Foy. Estos. 

EsTOUT : folie, extraya- 
gance. 

EsTouTOiEa : quereller. 

EsToyoïT : il falloit, il 
étoit nécessaire ; estovra, 
il conyiendra , il faudra. 

EsTRACE : race , origine , 
extraction. 

EsTRAiEK : éloigner; mais 
je pense cpi'au yers 26a i 
il signifie, se retirer sur 
sa litière ; de stemere, 

EsTRAiN : paille. 

EsTRAiNDRB : prcsscr , 
comprimer. 

EsTRANGE : étranger, in- 
connu. 

EsTRE : état , situation , 
maison, place. 



FAI 377 

EsTRiER : choisir, mettre 
à part , préparer.. 



à part , préparer.. 
iTRip : querelle, noise., 
rixe. 

EsTRiysR : disputer^ que- 
reller, débattre. 

EsTROiT : il seroit. 

EsTROiTEMENT : très sé- 
rieusement, avec force. 

EsTRons (à) : à l'instant, 
sur-le-champ. 

EsTUET : il faut, il conyient. 

EsTUPER : boucher, clore, 
cacher. 

EsTUT : il resta. 2406. 

Es-yos : yoici. 

Eue ( por ) . : pour cela. 

EuLz : les yeux. 

ÉuR : bonheur , félicité , 
chance ; mal éur, mal- 
heur, accident. 

Eure : heure, hora. 

Eus : yolonté , gré , choix. 

EyAiH : Èye. 



£yE : eau. 

EyRE : œuyre , travail. 

Ez-yos : voici, voilà. 



F. 



Façons : que nous fas- 
sions. 

Fail : première personne 
de l'indicatif présent du 
Terhe /àillîr y manquer, 
se tromper. 

Faillaitge , /aille (sans) : 
sans faute , certaine- 
ment. 

Faille : paroit signifier au 



vers 1 4o5 , fente , ou- 
verture. 

Faire ( ne ) : ne fais ; Tin- 
finJLtif est mis quelque- 
fois au lieu de la se- 
conde personne de l'im- 
pératif. 

Fais , /aiie (si) : pareil , 
semblable. 

Faitement : parfaitement , 



3:8 FES 

heureusement, avec art. 

Fameillbus : affamé. 

Fahow : manipule que les 
prêtres se mettent sur 
le bras lorsqu'ils offi- 
cient. 

Faedel : fardeau y paqueL 

Faudbstuet : fauteuil. 

Faudeé : je manquerai , je 
tromperai, du verbe ^i^- 
lir. 

FAusRa (sans) : sans trom- 
per. 

Fausrt : voix aiguë. 

Faut : 3* personne de 
rindicatif présent du 
\evhQ faillir y manquer, 
tromper , tomber. 

Fautes : garniture d'une 
selle pour tenir la lance. 

F A VELE : flatterie , cajo- 
lerie. 

Faz : je fais. 

Fel : méchant , perfide , 
faux. 

Félonie : méchanceté , 
mauvaise foi , perfidie , 
cruauté , iniquité. 

Fendaht : hardi. 

Feret : vers 53o7. 

Ferir : frapper , battre , 
heurter ; se ferir, se je- 
ter , entrer , se précipi- 
ter ;yèr/, il frappe, yî?- 
roity il frappoit ; fer- 
raient y ils frapperoient, 

Fermaille : promesse , 
gageure, enjeu. 

Féru : frappé. 

Fesomes : nous faisons. 

Feste : faîte , sommet. 



FOR 

Fête : faite ; si fête , sem- 

blable, pareille. 
Fbt soi : il se dit. 
Feus ( max ) : la foudre , 

le tonnerre. 
Fbz : foits, actions. 
Fi , y& .' certain , assuré ; ' 

de fi savoir y tenir pour 

certain. 
FiAwcBR : promettre, don- 
ner sa foi. " 
FicHiB ; placée , attachée. 
Fichier : placer , fixer , 

arrêter , se fourrer. 
FiBNS : fumier. 
Fibre , fiert : il frappe. 

Foy, Ferir. 
Fin : but , issue. 
Fin , Jlne : vrai , parfait , 

entier. 
Finement : parfaitement. 
Finbr : cesser, mourir. 
FisiGLB : médecine. 
Flael : fléau. 
Flighe : flèche de lard. 
Florez : couronné , ré- 
compensé. 
Foiiêe : fois. 
FoiLLE : feuille. 
FoiLLiEz , foilluz : couvert 

de feuilles. 
Foison ( maie ) : disette , 

médiocrité. 
Fol ace : sottise , folie. 
FoLER : fouler. 
FoLoiER : cxtravaguer , stî 

tromper , faire injure. 
Force : ciseaux. 
FoRCHE : fourche. 
Forelores : plaisanterie , 

vaines paroles. 



FRA 

FoRFAiRE , forfere : mal 
faire , insulter , nuire ; 
d'où forfeture y crime, 
tort , insulte. 

FoRiERE : terre destinée à 
la pâture des animaux. 

FoRMEiTT : beaucoup , for- 
tement. 

FoRRBR : fourrer, pousser, 
d'où le part, forrée , 
fourrée, garnie. 

Fors : dehors. 

FoRSENÉ : extravagant , 
fou , hors de sens. 

FoRTRAiRE : séduire , en- 
lever par force ou par 
finesse. 

Fou : hêtre. 

FouRNiER : le lieu où est 
le four dans les maisons 
particulières ; mais il 
paroît mis ici pour le 
four même , ou le foyer. 

FousE : fosse. 

Fox : fou , insensé ; faire 
que fox, agir en insensé. 

Fraindre : rompre, hTi- 
ser ;fraingnent, ïLs rom- 
' peut. 

Franc : noble, naïf, sincère. 

Franchise : noblesse , gé- 
nérosité. 

François (gaster son) : 
perdre son temps en 
discours inutiles. 

Frape : ce mot, dont je n*ai 
pu trouver l'origine , pa- 
roît signifier ruse, piège; 
savoir de frape : être rusé; 
se mettre à la frape : fuir, 
se mettre en route. 



FUS 379 

Frapier : je n'ai également 
rien trouvé sur celui-ci , 
que je crois signifier, 
marche , route , fuite ; 
se mettre au frapier : 
prendre la fuite. 

Fremer : fermer, assurer. 

Frehie : il frémit. 

l^KiTyfrist : il frémit, il 
tremble. 

Froe : rompu , brisé. 

Fronchier : rêvet, réflé- 
chir. 

Frume : mauvaise mine, 
grimace. 

Fuer ( à nul ) : en aucune 
manière; mais au vers 
7716 , lieu, place. 

Fuerre : fourreau ; mais 
aux vers 29249 6582, 
6585 ^ paille , fourrage ; 
et au vers 658 1, chasse, 
recherche ; àefugare. 

Fuie : fuite. 

FuLiEz : fugitif, fuyant; 
à ce que je crois. 

FuMiERE : fumée. 

FuRCHER : nettoyer , enle- 
ver avec une fourche ; 
àefurca, 

FuRGiER : fouiller, cher- 
cher , ce mot paroît dé- 
river àefurca. 

FusoMEs : nous soyons ; 
fuson , nous fussions. 

FusTAiNE , fustaingne : 
sorte de vêtement, peut- 
être ainsi nommé parce 
qu'il étoit de futaine. 

FusTER : fustiger, battre 
avec un bâton. 



36o 



GAE 



GES 



G. 



GAAiHoira : gain, profit. 

Gaaivovirik : ferme « mé- 
Uirie. 

GAAiHGVisa : profiter , ti- 
rer de ravantage. 

Gabbe : railler , se mo- 
quer; d'où gabere, rail- 
leur, moqueur, et ga- 
berie , gaboie , gabois , 
raillerie, dérision. 

Gabet : facétie , plaisante- 
rie. 

Gagée : engager, trouver 
quelqu'un en délit cham- 
pêtre et en faire le rap- 
port. 

Gaihovae : escroc, vo- 
leur. 

Gaihgitov , gainon : chien 
mâtin , chien de basse- 
cour. 

Gaitee, gaitier : garder, 
guetter, préserver , se 
défendre. 

Gauche : détour, subti- 
lité. 

Gae : prends garde , fais 
attention. 

Gaeçoh : mauvais sujet, 
libertin , vaurien , valet, 
goujat. 

Gaedee : regarder , obser- 
ver , faire attention , dé- 

' fendre ; gardomes , re- 
gardons , examinons. 

Gaeet : guéret , champ 
ensemencé ou non. 



Gaeie : garantir, se sau- 
ver ; garirez , vous 
échapperez ; garra , il 
garantira. 

Gaeisoit : provision de 
vivres, garantie, salut. 

Gaewemenz : habillemens , 
vétemens. 

Gae VIE : munir , prévenir, 
avertir. 

Gaes. Fojr, Gaeçon. 

Gaet : qu'il prenne garde. 

Gas : raillerie , plaisan- 
terie. 

Gastiax : gâteau. 

Gaut : bosquet , bois, forêt. 

Geinoeb , gembre : se 
plaindre , gémir. 

Geliitiee : poulaiUier. 

Gent : gens , famille. 

Gent : joli , aimable , gra- 
cieux. 

Geepie : quitter, aban- 
donner. 

Geeeai : coucherai ; ger-- 
rez y coucherez , du 
verbe gésir. 

Geere : guerre. 

Geeeedon : récompense, 
loyer, salaire. 

Gis : liens. 

Gesine : état d'une femme 
en couches. 

Gesie : être couché , repo- 
ser , séjourner , être 
malade , connoitre char- 
nellement. 



GOU 

Geste (chanson de) : chan- 
son historique. 

Geu : séjourné , du verbe 
gésir, 

Geulk : gueule. 

Géuner : jeûner. 

GiussE : je resterois , je 
séjournerois , du verbe 
gésir, 

GiENT : 3* personne de 
l'indicatif présent du 
verbe geindre. Foy» ce 
mot. 

GiEu , giex : jeu , amuse- 
ment. 

GiEUE (se) : il se joue, 
s'amuse. 

Giron : ventre. 

GiSE , gist : il repose , il se 
couche. 

Glatir : japper, crier. 

Glaz : son des cloches 
pour annoncer la mort 
de quelqu'un. 

GhOT ^gloz : glouton, gour- 
mand. 

Glotohnie : goiirmandise. 

GoiNDRE : joindre, ap- 
procher. 

GoLE : ouverture , bord , 
entrée. 

GoLoiER : manger goulu- 
1 ment. 

GoiTB, gonele : casaque 
d'homme , cotillon de 
femme, r0be de moine. 

GoRGOCiER : murmurer , 
gronder. 

GoRHEx , gorpil : Renard, 
gorpille, sa femelle. 

Goule : gueule, bouche. 



GRO asi 

Gracier : adoucir, rendre 
agréable ; mais au vers 
6854 > remercier , ren- 
dre grâces. 

Graignor , gnàndrCy grei- 
gnor : plus grand. 

Graiit : fâché , en colère , 
chagrin^ ^acrimonia» 

Gramenter : se plaindre, 
se lamenter, se chagri- 
ner. 

Granghe : grange , métai- 
rie. 

Granment : beaucoup. 

Gréaitter : promettre. 

Grelle : menu , délié ; 
mais au vers i833 , in- 
strument de musique. 

Grenon : moustache , poil 
de la barbe. 

Grenor : plus grand. 

Gresillon : grillon , petit 
insecte noir. 

Greva R : punir. 

Grever, griever: fatiguer, 
tourmenter, couroucer, 
nuire; faire de la peine ; 
ne vos grief, ne vos 
griet y que cela ne vous 
fasse pas de peine, ne 
vous fâche pas. 

Gris : griffe. 

Grocier ; groucier : mur- 
murer, gronder, se plain- 
dre. 

Groig : groin. 

Grondir, grôndre. Voy, 
Grocier. 

Grouge , grosse : crosse , 
bâton fourchu. 

Grouse : grosse. 



382 HAR 

OuhNcaiL : détour, subliliu*. 
GuENCBiR : éviter , esqui- 
ver , aller de cùté. 

OuERlfON. yoy, GrERON. 

Gdrrpir : abaadonncr , 

quitter, se séparer. 
GuERREDON. Voy, Gerre- 

DON. 

GuERRXOONER : récom- 
penser. 
GuERS4i. Vers 3169. 



HIE 

GuiCHE : tour , subtilité. 

GuiCHois ( tor ) : je crois 
que par cette expres- 
sion on Youloit dire 
fuite ; faire le tour gui- 
choir ^ se sauver. 

GuiER : conduire. 

GniLE : ruse, tromperie, 
fourberie. 

GuiLER : tromper, attra- 
per. 



H. 



Hace : qu'il haïsse , haez , 
vous haïssez. 

Hachie : peine , souf- 
france, tourment. 

Uaise : clôture , ou bar- 
rière des cours des 
métairies ; porte faite 
avec des branches en- 
trelacées. 

IIaiter, haiUer : plaire, 
faire plaisir , réjouir, 
donner du courage. 

Uaitié : gai, alerte , gail- 
lard , robuste. 

IIalape : j'ignore quelle 
ville Tauteur a voulu dé- 
signer , à moins que ce 
soit Alep. 

Haoit : il haïssoit \ haons ; 
nous haïssons. 

Hardeillon , hardel, har- 
diares : botte , fardeau 
composé de la réunion 
de plusieurs choses. 

Hardembnt courage , 

hardiesse. 



Harou : cri ou clameur 
pour appeler du secours. 

Haste , hastier : broche ; 
mais au vers 249 9 il 
signifie viande cuite à la 
broche. 

Hasterel , haterel : le 
cou , la nuque du cou , 
le derrière de la tête. 

Hateriau : terme d'injure 
équivalent à marmiton , 
de l'ancien mot hasteur^ 
rôtisseur. 

Haye : je salue. 

Henap : vase à boire , 
coupe. 

Henor : honneur. 

Herbergier : loger, rece- 
voir en sa maison. 

Herbert : logis , hôtel. 

Herme : pour hermcline , 
femelle du Renard. 

HeSE. Voy, H AISE. 

Uktier. /^o/.Haiter. 
HiDE : frayeur, effroL 
Hie : instrument de pa- 



JEN 

veur , billot de bois , 
massue. A une hie : en- 
semble , en masse. 

HoNS : homme. 

HoNTAGE : déshonneur, op- 
probre. 

HoEDÉ : entouré y envi- 
ronné. 

HouGBPiNGNiER : houspil- 
1er. 



JOI 383 

Huche : grand coffre , ar- 
moire. 

HucHiER , huer , huier : 
crier après quelqu un , 
appeler, agacer, exciter 5 
huchie, appelée. 

Hui : aujourd'hui. 

HniMÈs : à cette heure, à 
présent. 



I. 



Ia : oui. 

Iaus : les yeux. 

Iaye : eau. 

IcE : ce , cela. 

1ère : j'étois; ierent^ ils 

étoient \ iert , il étoit. 
Ies : tu es. 
Ignel, igniax : vif, prompt, 

léger. 
Ignelement : vivement , 

promptement. 
Ileug, ileuques y illeques, 

Hoc : là , en cet endroit , 

par-là. 
Irascu : piqué , en colère , 

furieux. 



Irer , irestre , irier : fâ- 
cher , mettre en colère. 

Iriéement : avec colère. 

Iros : fâché , en colère. 

Is : sors , du verbe issir, 

IsifEL. Voy. Ignel. 

IsNELEHENT : promptc- 
ment.) 

Issi , issiques : ainsi. 

Issir : sortir; isty il sort; 
issue, sortie. 

Itant : d'autant , par ce 
moyen ; par seul itant , 
par la raison , à cause 
que , parce que. 

Itel : pareil , le même. 



J. 



Jaloie : certaine mesure 
pour les liqueurs. 

Jane : jeune. 

JàRS : grosse oie mâle. 

Jel' : je le. 

Jengler : jaser, babiller. 

Jenglerre : babillard , 
flatteur. 



Jenglois : babil, caquet, 
bavardage. ' 

Jeole : prison. 

Jesui : Jésus. 

JEU : couché. 

Jbuer : jouer , rire , plai- 
santer. 

JoiANT : joyeux , content. 



384 LAR 

JoiNTR : ce mot paroit si- 
gnifier nn ton de mu- 
sique plus ëleré. 

JoîsB : jugement. 

JowcHiERX : lieu maréca- 
geux où il croit des joncs. 

Joirs : jeune. 

Joste : à côté. 

JosTE : joute , combat sin- 
gulier ^ atta({ue. 



LET 

JoTSHCiAx : jeuac. 

JcivxTK : jeime. 

Jnxa : jouer, s'amuser. 

JuGAE : juger. 

JuGÉOE : juge. 

Juisx : jugement. 

JuEBVT : ils couchèrent; 
jut , il coucha, il resta 
couché, il étoit couché. 

Jus : jeu , plaisanterie. ' 



L. 



Lai ( rime ) : loi. 

Laidenciee , lédengier : 
injurier , insulter , ou- 
trager. 

Laidie : maltraiter, ou- 
trager. 

Laiiiueb : outrage, insulte ; 
mais au vers 6884, il 
signifie une chose laide , 
désagréable à la yue. 

Laienz : là-dedans. 

Laiea : il laissera, lairiez, 
TOUS laisseriez ; UUt, il 
laisse. 

Laîs : là-haut. 

Lai SI E : loisir. 

Lait : affront, outrage. 

Lançon : peut-être mis 
pour Alençon. 

Laedee : ce mot se trouve 
souvent dans nos an- 
ciennes poésies au lieu 
de arder , brûler. 

Laediee : saloir , garde- 
manger, lieu où l*on 
serre le lard. 

Large : généreux , libéral. 



Las , iasse : infortuné , 

malheureux ; hélas ! 
Lasus : là-haut. 
Le, lée : large. 
Lechaeessb : gourmande, 

luxurieuse. 
LxGHEEiB : gourmandise , 

friandise , libertinage , 

luxure. 
Legbieere : gourmand , 

glouton, débauché. 
Leoevciee. yqx* LAinxir- 

GIEE. 

Lbge : loi. 

Leoistee .'jurisconsulte. 

Leisie (par) : avec le temps, 
sans se presser. 

Leea : il laissera ; leré, je 
laisserai ; lesse, il laisse. 

Leeee : fripon, larron, vo- 
leur. 

Lesqex : lesquels. 

Lesse : chanson , air ; es- 
pace de temps , aban- 
don. 

Let : lait ; laid ; il lesse ; 
iet toute sa force ester : 



MAI 

il faut faire usage de 
toute sa force, 

Letre : littérature, scieuce. 

Leu : loup ; lieu , place. 

Lez : à côté, auprès, le 
long ; lez à lez , Tun à 
côté de l'autre ; de toz 
lez y de tous côtés ; mais 
au vers 401 1 , je laisse. 

Lentilleus : taché de rous- 
seur. 

Li : lui , le ^ la , les. 

LiANCE : plaisir. 

Lie , liez : • gai , content , 
joyeux. 

LiÉEMENT : gaiement. 

Lin : lignage, parenté. 

LiNTEL : linteau. 

LiQUEx : lequel. 

Lisse : chienne. 

Liste : bord, bordure. 

LiUE : lieue. 

LocHER : branler, mou- 
voir. 

LoER : louer, approuver, 
conseiller; lo , je suis 
d'avis , je conseille. 

LoiEZ : lié. 

Loué : récoinpensé , payé. 



MAI 



381 



Louer : récompense, sa- 
laire. 

Longe : longue; longe- 
ment y longues y longue- 
ment , long-temps. 

LoRDE : lourde, imbécille. 

LoRES : alors. 

Los : avis , conseil , appro- 
bation, réputation. 

LosENGE : tromperie, faus- 
se louange, flatterie. 

LosENGiER : tromper, flat- 
ter, caresser pour trom- 
per. 

LosENGiER : trompeur , 
flatteur. 

LouiER : récompense. 

LoviAus , loviax : petits 
loups. 

LoviERE : tanière, repaire 
d'un loup. 

Lues : aussitôt , sur-le- 
champ. 

Lui : est mis quelquefois 
pour elle. 

LuiTiER : lutter. 

LuRTRE : loutre, animal 
amphibie. 



M. 



Maart (saint) : saint Mé- 
dard. 

Mahaingnier , mahaner : 
blesser, mutiler, mal- 
traiter. 

Main : matin. 

Mainburnir : gouverner, 
administrer. 
I. 



Mains : moins. 

Maint : qu'il conduise. 

Maintenir : fréquenter, 
entretenir. 

Maior, maire: chef d'une 
commune , d'une corpo- 



ration. 



1 



386 M AU 

Miis : davantage , doré- 
navant. 

Mal , maie : maavais , dan- 
gereux. 

Malack : maladie, infir- 
mité, mauvaise santé. 

Malarz : mâle des cannes 
sauvages. 

Malbailli : mal ajusté , 
maltraité, en mauvais 
équipage. 

Maléiz , maléoît : infâme , 
maudit. 

Malfez , manfé : diable , 
démon, mauvais. 

Malvez : mauvais, mé- 
chant. 

Manc : mutilé, estropié. 

Maniers : habile, adroit. 

Manoie : demeurer, habi- 
ter, rester. 

Mant : je mande, je fais 
savoir, du verbe mander, 

Mantel : manteau; man- 
telet, diminutif de man- 
tel, 

Mae : mal à propos, à 
tort. 

Marchéant : marchand. 

Marchois , marois : ma- 
rais. 

Marrement : douleur , 
chagrin, tristesse. 

Martirier : martyriser , 
tourmenter. 

Mastiner : maltraiter , 
gourmander. 

Mau : mal , mauvais , mé- 
chant ; mau chief, mau- 
vaise fin. 

Maubàilli. r, Malbailli. 



MEN 

Mauf^. Fojr, Malvbz. 

Mau-fbu vous arde : im- 
précation qui paroit ti- 
rer son origine d'une 
maladie épidémique 
dont Paris ait affligé 
sous le règne de Louis- 
le-Gro , et qui iut ap- 
pelée la maladie iies ar- 
dens, 

Maumis : blessé , estropié. 

Mau TALENT : dépit, colère, 
déplaisir. 

Mauvestiez : méchanceté, 
malice. 

Max : maux ; et an vers 
61 58, méchant. 

JMEaz : abattu. 

Mecive : médecine, mé- 
dicament. 

Meffeire faire du 

mal. 

Mehainoitie : blessé, in- 
conunodé; mais au vers 
8985 , il paroit signifier 
mort , puisqu'on veut 
que Renard fasse son 
serment sur ses dents. 

Mehains : peine, mauvais 
traitement. 

Mellée : querelle, dis- 
pute. 

Mellomes : que nous les 
mettions mal ensemble. 

Membre-vos : qu'il vous 
souvienne. 

Mengoigne : mensonge. 

Mencongier : menteur. 

Mendre : moindre , plus 
petit. 

Menguent, menjueni : ils 



M£S 

mangent; menjus , je 
mange. 

Menra : il mènera. 

Mentiluez : couvert d'un 
manteau; mais ici il 
▼eut dire caché. 

Mentir (ne me) : ne me 
mentez point, l'infinitif 
se mettoit quelquefois 
au lieu de l'impératif. 

Meitue (gent) : le peuple. 

Menuement : c'est ce qu'en 
style familier signifie 
dru et menu. 

Menuiax : espèce de petit 
cor de chasse fait avec 
du bois. Voy, Ducange 
au mot menetum, 

Merir : payer, récompen- 
ser. 

Mérite : récompense ; 
maie mérite , punition. 

Mes : à présent, mainte- 
nant , encore , doréna- 
vant ; je n'en puis mes , 
ce n'est pas ma faute; 
mes hui, aujourd'hui ; 
mes que, pourvu que. 

Mescheance : malheur. 

Mescheu, du verbe mes^ 
chéoir : venir mal , tour- 
ner à mal. 

Meschief ( estre à ) : être 
en danger, dans le mal- 
heur. 

Mesgroirb : ne pas croire, 
soupçonner, se défier. 

Mesdite : mauvais dis- 
cours , médisance , ca- 
lomnie. 

Mesbl : lépreux; mais il 



M0£ 387 

est dit ici comme injure, 
5384; et au vers 32o8, 
missel. 

Mesestance : accident , 
malheur, déplaisir. 

Mesfaire, merfere : faire 
du mal, nuire. 

Mesnie, mesniée : famille, 
domestiques , suite. 

Mesnil : habitation, ferme. 

MsspREifnRE : faire tort à 
quelqu'un, lui manquer, 
l'offenser. 

Mesprison : faute, délit, 
offense, erreur, bévue. 

Mestier : besoin, néces- 
saire. 

Mestre de letres : savant , 
instruit. 

Mestrie : science, savoir, 
lumières. 

Mestroier : maîtriser , 
forcer. 

Metez sor moi : rappor- 
tez-vous en à moi; me- 
troi, je mettrai. 

MÉu : participe du verbe 
movoir, Voy, ce mot. 

Ml : mes , moi , à moi. 

Mi : moitié; par mi^ par 
moitié , par le milieu. 

Mi AUX : mieux. 

Mie : pas , point , non. 

MiEUDRE : meilleur. 

MiLEU : milieu. 

Mire : chirurgien , mé- 
decin. 

Misère LE : le pseaume 
miserere. 

Mite hypocrite. 

MoE : moue , grimace ; 



UH NEP 

mais au vers 92^8 il est 
mis pour la bouche 
même. 

MoiE : mienne. 

MoiLLiE : mouillée. 

M 01 L LIRE : femme, épouse. 

Mois ( des ) : de long- 
temps. 

Mont : monde. 

Monte : valeur, prix. 

Monter : valoir, servir, 
concerner ; à moi que 
monte-, que me vaul ? 
que m'importe ? 

MoEAiNE : moraillon, lo- 
quet. 

Mors, mort : morsure; et 
7683 , mordu. 

Mors, morsel : morceau. 

Moet (m'aura) : me fera 
mourir. 

Mortiex : mortel, cruH. 

Mos : mou. 

MosTELK : belette, fouine. 

MosTiER , moutier : églisr. 

3I0STRKR : montrer , faire 



NOI 

voir; mosterroies , tu 
montrerois. 

Moult : beaucoup. 

MorsEE : mousser, épar- 
piller. 

MovoiE : remuer, changer 
de lieu , aller , sortir ; 
moi*oir unplet, chercher 
querelle. 

MucEE , mucier : cacher. 

Muer : remuer , agir , 
changer; muet, il remue. 

MuEET : il meurt. 

MuiT : il crie. 

MuETEiE : vers i36. Je 
soupçonne qu'il faut li- 
re , mestrie , science , 
savoir. 

MusARDiE : sottise. 

MusART , musarde : fou , 
étourdi. 

MusEL : museau y face, vi- 
sage. 

Muser : regarder fixement 
comme un sot, s'amuser 
à des bagatelles. 



N. 



Nachf.s : les fesses. 

Naie : non. 

Naienz : rien. 

Naïs : natif, originaire. 

Narilles : narines. 

Néent : rien , aucune 

chose. 
Néis : même. 
Nel' : ne le. 
Nenil : non. 
Nfporqant , nequedant : 



cependant , néanmoins. 
Nés : ne les. 
IVestie : il nettoie. 
Neuer : nouer. 
Niés : neveu. 
Nis : même , pas même ; 

nis un , pas un. 
N«F : neuf, novem. 
NoEz : noué. 
Noient : rien ; por noient, 

en vain, inutilement. 



ONT 

NoiF : neige. 

Noise : querelle, dispute^ 

bruit de toute nature; 

lever la noise , donner 

Talarme. 
NoisEus : querelleur. 
Nos : nous. 



ORT 389 

Nou : non, ne. 

NouAx : boutons ; mais ici 

il signifie une. chose de 

petite valeur. 
Noz : notre, nos. 
NuEVE : neuve, 



0. 



O : avec 5 où , adv. de lieu. 

OciRRE : tuer, massacrer; 
oci , tue. 

Oe : oie, oiseau domesti^ 
que. 

Oeille : brebis. 

Oen : cette année. 

Oent : ils entendent; oez, 
écoutez, entendez. 

Oiis : œufs. 

Oi : j'ai, j'eus; j'entends, 
j'écoute. 

OiÀNCE : audience. 

OïL : œil, yeux; oui. 

OiRE , oirre : route , grand 
chemin ; allée , train ; 

• grand oire , prompte- 
ment , grand train. 

OiRS , héritiers , descen- 
dans. 

OiSEL : oiseau. 

OiSELER : ch iw^er aux oi- 
seaux. 

Oit : il entend, il écoute; 
ooît, il entendoit. 

Om : on ; s'om , si on. 

Ondéaitt : flottant, soule- 
vant. 

Oni, onni: égal. 

Onques : jamais. 

OsT (s') ; et ils ont, 2041. 



Or , ore : à présent , alors. 

Oràille : le bord, la li- 
sière d'un bois. 

Orains : il y a peu de 
temps , an instant. 

Orde : sale, dçshonnéte; 
terme d'injure. 

Ordené : qui a reçu les 
ordres sacrés. 

Ore : heure , hora. 

Oriê : vent, aura, 

Oreillier : écouter. 

Or'endroit : à présent, 
dans cet instant. 

Orent : ils eurent , ils 
àvoient. 

Orgeult ( s* ) : s'enor- 
gueillit. 

Orguener : chanter, faire 
de la musique. 

Orine : origine, lignée. 

Orle , orléure : bord, mar- 
ge, bordure. 

Ormel : orme , ormeau. 

Orne (à) : de manière à 
laisser des marques, très 
fort. 

Orrez, orroiz : vous en- 
tendrez ; orrons , nous, 
entendrons. 

Ort : sale, puant. 



390 



PAR 



PAR 



Os : hardi ; dur os, grande Or : il eut , il avoit ; il en- 



hardiesse. 



tend. 



Os : j'oses , tu oses ; c*osasty Ototikh : Octavien. 



qui osât. 
OscuRE : obscur. 
OscuETi : obscurité. 
OsMER : humer, flairer. 
OsT : qu'il ose. 



Otrai (rime) : 3 'octroi, je 
consens ; otriera , il 
conTiendra. 

Oublie : oublie. 

OuEH : cette année. 



OsT : expédition militaire. Outrage : insulte, affront;. 



armée. 

OsTELER : loger , héber- 
ger. 

OsTiEx : outils. 

OsToiER : faire la guerre, Outrer : passer outre, 
poursuivre ; camper ; Oveg : avec, 
mais au vers 5162a, il Ovre : œuvre, travail; 



au vers 878 , paroit si- 
gnifier excès de con- 
fiance. 
Outré : terminé, fini. 



signifie prendre son 
logement. 



maïs au vers 1177 , il 
ouvre. 



OsTOR : autour , oiseau de Ovrer : travailler, opérer, 
proie. entreprendre ; ouvrir. 

P. 



Paillier : tas de paille, 
celle qui a servi de litiè- 
re aux chevaux. 

Palefroi : cheval de pa- 
rade , de cérémonie. 

Paliz : clôture faite avec 
des pieux, des palis- 
sades. 

Palorde : je pense que ce 
mot est mis pour fa- 
lourde, conte fait à plai- 
sir, tromperie. 

Pan , panel : pan on bas- 
que d'un habit. 

Paor : peur, crainte. 

Par : très , beaucoup , 
grandement; par vos y 
tout seul. 



Parcevoir : apercevoir* 

Pardoihg : je pardonne. 

Parekz : qui paroit; mais 
au vers 8(92 il paroit 
signifier exposé. 

Parfin (à la) : enfin , à la 
fin. 

Parfont : profond. 

Parlemeitt : entrevue , 
conférence , pourparler. 

Parlèrent la traison : tra- 
mèrent la trahison. 

Parmaihe : 844^* 

Paroient : paroissoient. 

Paroler : parler, discou- 
rir. 

Parsome (à la) : à la fin , 
à la conclusion , enfin. 



PEL 

Pa&t : accouchement , par- 
tus, 

Pi&T (à une) : en particu« 
lier. 

PiRT (Tenir à) : partage , 
aToir part ; parte , qu'il 
partage. 

Pa&tancie : départ , sépa- 
ration. 

PiBTiE : partage, 2379. 

Partir : partager; paru" 
roiz , TOUS partagerez ; 
partisiez , tous parta- 
giez ; parton , parta- 
geons ; partiz , partagé. 

Pabtisoh , p€utisson : par- 
tage. 

PARTisséoR : celui qui fait 
les partages. 

Partuis : trou. 

Par tos : tout seul. 

Pasgor (tens d^) : le prin- 
temps. 

Passet : petit pas, pas lent. 

Passioh: mal, douleur; la 
maie passion , la colique 
de miserere. 

Patoger : marcher dans 
la boue, dans un lieu 
marécageux* 

Patous : nom donné à 
Tours à cause de ses 
grosses pâtes. 

PAUToirifiER : Til, coquin, 
etc. 

Pecun AILLE , pecune : ar- 
gent , monnoie y biens. 

Pel : peau; pieu, piquet, 

poteau. 
Pelice , peliçon : manteau 
fourré , robe fourrée. 



PLA 391 

Pendaitt : descente, peu' 
chant, colline. 

Peniax : guenilles , habille- 
ment ; trousser ses pe- 
niaxy Inir , se sauTcr. 

Psinns : plume. 

Pens : je pense. 

Pensis : pensif, reTeur. 

Péor : peur , crainte. 

Péor : plus mauTais,/?^*o/-. 

PÉOROSy/Teoirror : craintif , 
peureux. 

Per : pair, égal. 

Pereceus : paresseux , né- 
gligent. 

Perniez : preniez. 

Perrière : machine de 
guerre dont se serroient 
les anciens pour lancer 
des pierres. 

Pert : il paroît. 

Pertuis : trou. 

P&SAircE : peine , chagrin , 
malheur. 

Pesaz : paille de pois. 

Peser : fâcher, chagriner, 
être à charge. 

Pest : nourrit. 

VtVypéue : nourri, rassasié. 

PÉus : tu pus. 

Peux : poil. 

PiEz : pieu, piquet , levier. 
Pilez : dard , javelot. 

PiwTAiN , pinte : nom de 

poule. 
Pis : poitrine, gorge. 
Place ( j*à Dieu ne) : à 

Dieu ne plaise. 
Plairz : blessé. 
Plain , plaingne : plaine , 
campagne. 



39a POI 

Plain ( à ) : entièrement. 

Plais : procès, accord, 
convention. 

Plaiséiz, plaissié ; clos, 
parc fermé de haies. 

Plaît : discours , conver- 
sation. 

Plaïz : plie , petit poisson 
de mer. 

Plançoit : branche de peu- 
plier, de saule, etc. 

Plenté (à) : en abondance. 

Plentéive : abondante , 
bien garnie. 

Plès : lieu où Ton tenoit 
]es assises de la justice. 

Plesiez : plié ; mais ici il 
paroît signifier fatigué. 

Plessié : bois taiHis , forêt. 
Voy. Plaiskiz. 

Plet : débat , discours ^ 
plaidoirie. 

Plevir : assurer, pro- 
mettre avec serment. 

Ploi : pli. 

Plot : il plut, il fit plaisir , 
placuît. 

Pluet : il pleut. 

PoDRE : poudre , poussière. 

Poe : patte. 

PoEST^ : pouvoir, puis- 
sance. 

Poi : je pus. 

Poi : peu; jusqu'à poi , 
sous peu de temps ; par 
un poi y peu s'en faut. 

Poignant , poingnant : 
participe du verbe 

Poindre : piquer de Tépe- 
Ton\ point, il pique. 

Pois(desor son) : malgré lui. 



PRE 

PoiSE : terre ou pré dé- 
pouillé; du mot de la 
basse lut, pastica. 

PoiSER. Fqy. Peser. 

Poison : potion. 

PoiST ( bien lui ) : qu'il 
soit fâché. 

PoisT : il pourroit. 

PoNNOiT : pondoit. 

PooïR : pouvoir ; poez , 
vous pouvez; poi, je 
puis, je pus ; poisse , je 
pourrois ; poïst , il put , 
il pouiroit \poons , nous 
pouvons. 

PoRCHAciER : poursuivre, 
s'intriguer, chercher. 

PoRCHAz : intrigue y entre- 
prise , poursuite. 

PoRLoiNCNiER : prolougcr, 
différer. 

PoRPENS : réflexion, projet. 

PoRPENSER : penser, ré- 
fléchir. 

PoRpRis : enclos, jardin, 
cour. 

PoRQUERRE .* poursuivrc , 
chercher partout, fouil- 
ler. 

PoRRoiz : vous pourrez. 

PoRT-GE : je porte. 

PosTis : fausse porte. 

Pot : il put. 

Poudrière : amas, tas de 
poussière. 

PouïsT : qu'il pût. 

Pox ( saint ) : saint Paul. 

pRAEL , prée : pré , prairie. 

Pramettre : promettre. 

Premerain : premier. 

Pred : près , proche , 



RAC 

propè ; de preu enpreu : 
de proche en proche. 

Pretj ; profit , gain , avan- 
tage. 

Preuz : bon , avantageux , 
profitable. 

Primes : d'abord, premier. 

Prior : prieur. 

Prive : compagnon , fami- 
lier. 

Privé EMEWT : secrètement, 
en particulier. 

Prodom : probe, prudent, 
sage. 

Proier : prier ; proi, je 
prie. 



RAI 393 

Prolongues : prologue. 
Provoire : prêtre , curé. 
Proz : sage , prudent. 
PuEWT : ils peuvent ;/?tte/, 

il peut. 
PuiR : empirer , devenir 

pire. 
Puis que : depuis que, 

du moment que. 
Pure (ce est la) : il faut 

sous- entendre vérité , 

cela est très vrai. 
Put , pute : puant , infâme, 

mauvais. 
Putement : vilainement , 

méchamment. 



Q. 



Qarrel : flèche. 

Qasse : cassée ; qassié , 
battu, frappé. 

Qoi : tranquille. 

QuAiYQUE : tout ce que. 

QuATiR ( se ) : se bloquer , 
se tapir , se cacher. * 

Que w NE : dent. 

Que que : pendant que, 
quelque chose que. 

QuER : car. 

Querre : chercher , de- 
mander , s'informer ; 



querré , je demanderai ; 
quesist , il chercheroitj 
quiert, il cherche ; quist, 
il chercha, il dwnanda. 

QuESTRE : bâtard. 

QuEx : quel , quelle. 

Qui : se trouve souvent 
pour à qui. 

QuiDiER : penser, croire; 
quii, je pense, il pense^ 

QuiL* : qui le. 

QuiLLiER : cuiller. 

QuouE : queue. 



R. 



Raghaz : galeux , teigneux, Raengon : rançon, 
terme d'injure. Raiere : raie , sillon. 



^9/1 AEC 

Raiitb : grenouille. 

Raiitiiaus : braocbes , ra- 
meaux. 

Rauoh (mettre à) : adres- 
ser la parole. 

RAMiuEB : branches d'ar- 
bre. 

Ramillb : petite branche 
d'arbre, brouasailles. 

Rampbe : grimper, monter. 

Ramvoitbr : railler, se mo- 
quer, insulter. 

Rahdoh : Ti teste , prompti- 
tude , violence. 

Raohclb : tumeur , abcès , 
maladie de la peau. 

Ratihb : impétuosité, vi- 
tesse. 

Raz : rats. 

Re : cette syllabe qui se 
trouve souvent devant 
quelques verbes , est 
Viterum des Latins, et 
signifie derechef , en- 
core une fois. 

Ré : roi. 

Rebors^b : rebroussée. 

Rbbraceb ( ^c ) : se re- 
trousser , relever ses 
manches. 

Reckpter : se retirer, ren- 
trer dans son gttc. 

Reget : retraite , forte- 
resse, chÂteau-fort. 

Rechingnier , recfUnier : 
faire la moue; rechin- 
gnier les dents, grincer 
les dents. 

Recluz : moine , ermite. 

Recors : je nie souviens ; 
me recort, il me souvient. 



REM 

Rrcrbiht, recréa : fati- 
gué , harassé , lâche , pa- 
resseux. 

Recroibb (se) : se relâ- 
cher, se lasser. 

Recuit : fin , madré; en- 
contre vezié rectdi : c'est 
à peu près le proverbe 
fin contre fin n'est pas 
bon à faire doublure. 

Repaisowbs : faisons de 
nouveau. 

Refreher : chanter un re- 
frain de chanson. 

Refroiuiez : refroidi , raf- 
fraîchi. 

Refus, 3oi4. 

Recart (n'aiez) ; n'y 
faites pas attention. 

Regehir : révéler, con- 
fesser , déclarer. 

Regibbr : regimber. 

RsGifi : règne, royaume. 

Regors : rigole. 

Rehuche R : rappeler. 

Relet : il laisse de nou- 
veau. 

Rek AiHnaE : demeurer , 
rester; et dans un sens 
figuré , cesser , finir ; jà 
por ce ne reniaine y que 
cela n'empêche pas^ re- 
manez , remeingniez , 
restez, demeurez. 

Remaitaht : le reste. 

Remembre ( li ) : il lui sou- 
vient. 

Remès , remese : resté , 
demeuré, suspendu. 

Remest : il reste; remes- 
irent, ils restèrent. 



RES 

Rempl£ : il remplit de nou- 
veau. 

Remuer : changer , ôter. 

RENCHâom : retomber. 

Renglus. Voy, RsoiitTS. 

Rehdaoiov I couvent) mai*' 
son de religieux. 

Rehuu : moine , religieux. 

Renoer : renouer. 

Rent-toi : fais-toi moine« 

Réonge : ce mot paroit si- 
gnifier une partie de 
rhabillement de ces 
temps-là. 

Repairier ^ repërier : re- 
venir , rentrer chez soi , 
retourner. 

Repère : demeure 9 logis , 
retraite ; se mettre el re- 
père , se retirer, rentrer 
che2 soi. 

RepoihoiTiez : piquez des 
éperons de nouveau. 

Repohdrb : cacher. 

Repost y repus : caché. 

Reprovier : proverbe. 

Requeitu : reconnu. 

Requbrre : demander , 
s'informer , rechercher ; 
reqiUsisse > je deman- 
dasseï 

Requit : dur, bien cuit. 

Rere : raser ; résonner ; 
rés f rasé. 

Rès-A-RÈs : entièrement ^ 
tout-à-fait. 

Resgorre i sauver , déga- 
ger; d'où 

Rescous i action de déli- 
vrer, de mettre eu li- 
berté. 



RIE 395 

Resbus : filets , lacets. 

Resite ( tenir ) t suivre Une 
direction , un chemin. 

RESoiNOlitBR : craindre , 
appréhender. 

Resoit ( mettre à ) : parler, 
adresser la parole à quel- 
qu'uh. 

Rbsortir : échapper, sor- 
tir. 

Respasser : guérir, se 
rétablir , revenir en 
santé. 

Respit : terme , délai. 

Respitié : différé, ajourné. 

Respons : réponse, expli- 
cation. 

Resqeub , resquest : dé- 
gage ^ secoure. 

Restore : restaurer. 

RËStORiEirà : rhétoriciens. 

Resvertuer : reprendre 
courage. 

Reter : soupçonner, ac- 
cuser. 

Retor : retour. 

Retraire , retrete : reti- 
rer , raconter , dire , 
exposer ; retroiz , retiré. 

RiÊusER ; reculer , aller en 
arrière. 

Revel : badinage , amuse- 
ment. 

Revelous : fier , hautain. 

Reveitghier : venger. 

Reverser : trousser, ren- 
verser, anéantir. 

Revêt : il retourne. 

Revider : revoir, visiter 
de nouveau; de vidfere. 

Rien (une) : une chose. 



^g6 SAN 

RoBBR : voler, dérober; 
robe, ▼olé. 

RoBERRE : voleur, larron. 

RoiALTAT : royantë. 

RoiLLER : frapper d'un bâ- 
ton ; da mot rontieilum , 
dans la basse la t. 

Rois , roisel : rets , filets. 

RoifT : il rompt. 

RooiGiriER : raser, couper 
les cheveux. 



SEG 

Ros : roux ; rouse , rousse. 
RoTB : route , chemin ; 

troupe , compagnie. 
RoTRUEiroE : air, chanson, 

refrain de chanson. 
RovEa : prier, demander. 
RovF.z : vermeil. 
Ru : je jette , du verbe 

ruer, 
RuissEL : ruisseau. 



S. 



Sachibe : tirer, arracher, 
secouer; sachie, tirée. 

Saillir : sauter , sortir , 
paroi tre , avancer ; saU , 
saute , saillir sus ,] se 
lever. 

Saine (vois) : voix claire, 
agréable. 

S A i N E R , saingnier : saigner, 
perdre du sang. 

Saingnier (se) : faire le 
signe de la croix. 

Sains : cloches. 

Saintefié : sanctifié. 

Saintisme : très saint. 

Saintuerb : reliques. 

Sairement : serment. 

Sajete : flèche; sajete bar- 
belée y flèche garnie de 
plumes à Textrémité. 

Salt : il saut, du verbe 
saillir. 

Samit : étoffe de soie qui 
étoit brochée de fils d'or 
ou d'argent. 

Sane : synode, assemblée 
ecclésiastique. 



Saron : nous saurons. 

Saudeez : vous sortirez, 
vous viendrez , du verbe 
saillir. 

Sauf (en) : en sûreté, à 
Tabri. 

Saut : il sort , il paroit , il 
saute ; saut sus , il se 
lève , du verbe saillir. 

Saut ( Diex vos ) : Dieu 
vous conserve , vous 
sauve. 

Sauz menuz ( aller les ) : 
marcher «n sautillant. 

Savoir ( faire ) : agir pru- 
demment, sagement. 

Savor : sauce, assaisonne- 
ment. 

Savorbus : agréable, sa-* 
voureux. 

Séant ( en ) : étant assis. 

Seceure : il secoure. 

Seel : sceau, cachet , sigil^ 
lum ; seau , vase qui sert 
à puiser , de sitellum, 

Segur : assuré, sans in- 
quiétude. 



SEU 

Seignier : faire le signe 
de la croix. 

Seille : seau , vase. 

Séir : s'asseoir, se placer. 

SÉisT : il convint, du verbe 
seoir, 

Sejor ( estre à ) : être li- 
bre, en repos; plain de 
sejor y frais , dispos. 

Sel' : et le, et il le. 

Selonc : le long, auprès. 

Semaines ( des ) : de long- 
temps. 

Semonce : invitation, aver- 
tissement. 

Semondre : presser , exci- 
ter. 

Sempres : aussitôt , d'a- 
bord , toujours , semper. 

Séné : sensé , sage , pru- 
dent. 

Senestre : gauche. 

Sente : chemin , sentier. 

Sentele ; petit sentier. 

Sere : je serai. 

Serement : serment. 

Se RI : agréable, tranquille. 

Sériant : domestique, ser- 
viteur. 

Sermonier : avis. 

Seroiz : vous serez ; sero- 
mes , nous serons. 

Serondé : enveloppé par 
une grande abondance 
de glaçons. 

Serreement : à l'étroit. 

Sers : serviteur, valet , es- 
clave. 

Set : il sait. 

Seue : sa , sienne. 

Seus : seul. 



SON 397 

Seut : il suit. 

Seut , seult : il a coutume. 

Seuz : sureau, arbrisseau ; 
sentier. 

Sez : sais-tu? 

>Si : ainsi ; ses ; et il. 

SiET : il est assis , placé ; 
il plait, il convient. 

SiEURE : suivre ; sieu moi , 
suis moi ; sieuré,je sui- 
vrai ; sieut , siut , il suit. 

SiST : il convint , il fut 
agréable, du verbe seoir. 

SoAVET : doucement. 

SoDoiER : soldat , homme 
de guerre. 

SoÉ : gracieux, agréable. 

SoFFERoiE : je souffrirois , 
je permettrois. 

SoFFRiR : se contenir , at- 
tendre. 

SoFiciENT : suffisant. 

SoFRETEUs : qui est dans 
la disette , privé de ce 
qui lui est nécessaire. 

Soi : je sais, je sus. 

Soi : soif, sitis. 

Soi , soif: haie , palissade , 
sepes, 1349. 3ooi. 9087. 

SoiEz : coupés , sciés. 

SoiL : seuil d'une porte. 

SoiLLE : il salit , il gâte ; 
soiliiez, souillé. 

Soiomes : nous soyons. 

Sol : seul. 

SoLEz : vous avez coutume; 
soliez , vous aviez cou- 
tume , du verbe soloir. 

Son soit : qu'il soit à lui. 

Son { en ) : en haut , des- 
sus. 



3y8 TAN 

Suifr.T : petite chanion. 

Son : tur, iuper. 

SoBCiiFTB:etpèce decctn- 
lure fort large. 

SomcoT : maDtean, Téle- 
ment qui se meitoit par- 
dessus la cotte. 

.SoBDE : tonrda. 

SoarET ; crime, forfait. 
Sobheubk : tonnnenter , 

vexer , mal mener. 
SoBroataa porter à 

SoBPBF.SDKB : surprise, 

Sot : il sait , il sut. 

SouAiT : souhait, désir. 

SoucniBB : établir, fonder 
des soupçons. 

Sounis : paiement, récom- 
pense, solde; en toudée, 
à la solde , aux gages. 



TEN 

ÎJouBr ; doux, agréable, 

doucement. 
SoDricHiEB, soiffaichier : 

soulever ; à ce que je 

SourEBiB : l'abstenir, se 
priver ; mais au vers 
3976 souferra , suppor- 
tera ; or vos soi^rez , 
attendez. g8i. 

SooraitiR : misère , di- 
sette, pauvreté. 

SouciTE : sajètc. 

Sou LAI : plaisir, récréation. 

SouLZ : boule , ballon. 

SouLEUs : soleil. 

SonuEE : vous aviez con- 

SoarOHBH : soupeser. 
SouviH , tovin : couché , 

renversé sur le dos. 
SoE : sous. 




Tjlbobib : bruit de tam- 
bour, grand bruit. 

Taisir : taire, mais au vers 
8R3a,iil<>nce. 

tanière. 

Tii. : tel, telle chose. 

Taleht : volonté, désir, 

(se) : se tourmenter. 
i(par] : avec le temps. 
m Q*NT : en aucune 



TiitTKt : tant , un si grand 
nombre. 

TisSBL: il paroît qne c'étoit 
untndivida dont la mau- 
vaise foi étoit passée en 
proverbe. 

Tbnpbstbb : ravager, 

Tbhce : dispute, querelle. 

Temceh, lencier : querel- 
ler, disputer, répriman- 

TsicnBA : il tiendra ; ten- 



TOO 

drai^ je tiendrai ; ten- 
drez vil , vous méprise- 
rez, ferez peu de cas; 
tenissej j'eusse tenu. 

Tendrier , tenre : tendre , 
délicat; attendri, 

Teitser : protéger, soute- 
nir, défendre. 

Tentir : retentir , faire du 
bruit. 

Terdre : frotter, essuyer. 

TERMinE : temps, aaisoq. 

Terrail : rempart, fossé. 

Terrier : ce mot est mis 
ici ( yers 1 690 ) pour la 
terre. 

TESMOiHGNéEUR : témoin. 

Tesniere : tanière. 

Tessiez : taisez-Yous. 

Teue : ta, tienne. 

Tierz : troisième. 

TiEUS , $iex : tel. 

Tire (à) : tout droit. 

TiRON : nom d'un village 
dans la Beauce , où il y 
avoit une abbaye de bé- 
nédictins, fondée dans 
le commencement du 
douzième siècle. 

ToAiLLE : serviette, nappe. 

TocHER : toucher. 

Toise ( corre à ) : courir 
grand train. 

ToLAiTE, tolete : ôtée, en- 
levée. 

ToLiR : ôter, enlever, ra- 
vir; tolsist, qu'il enle- 
vât. 

Ton: à toi, tien. 533 1. 

TooiLLiER (se) : se rouler 
dans quelque chose. 



TRA. 399 

ToR : tour, finesse; une 

tour. 
ToR, torel : taureau. 
ToRVOiAHT : tournant, mis 

ici au lieu de piège. 
Tort : il tourne ; ne m* en 

tort y je ne m'en vais. 
Tort, torte : tordu; en 

tort y de travers. 
TouAiiiLiER. Foy» TooiL- 

LIER. 

Toucher : piquer de l'é- 
peron. 

TounRA : ôtera , enlèvera ; 
toudroie , j'6terois ; tou- 
droies , tu enleverois , 
du verbe toUr, 

Toutefois : excepté. 

Toz : tous ; toz tens , tou- 
j ours. 

Tracer , trader : suivre à 
la trace , poursuivre , 
chercher. 

Traïn : allure ; mais au 
figuré , penchant , incli- 
nation. 

Traire : tirer, déclarer, 
donner, dire; treùez-vos 
ça , venez ici ; traitez , 
vous tiriez ; par çà trai- 
rez, vous viendrez ici; 
traisist, qu'il tirât; mal 
traire, souffrir. 

Traite , traïtor : traître. 

Trametre : envoyer. 

Traitglotir : dévorer , en- 
gloutir. 

Trape : piège. 

Traveilliiî : tourmenté. 

Travers : détours, sen- 
tiers. 



4oo VAI 

Trk : irait, chemin, terri- 
toire. 

Treble (à) : trompette. 

TasBUCHica : renverser , 
faire tomber. 

TaRF : poutre, solive ; mais 
au "vers 8484 y tente , 
pavillon. 

Tasas. Voy, TaAiaa. 

TaESCBE : danse , bal. 

TaRscHiER : danser. 

Treslue : ruse, finesse, 
tour de passe-passe. 

Trespas : passage étroit. 

TaESPENsi : pensif, rêveur. 

Tresque : jusque. 

Tressaillir : franchir , 
sauter par-dessus ; tres^ 
saut , il saute. 

Tressuer : suer abondam- 
ment, peiner, souffrir. 

Trestorner : aller et ve- 
nir, écarter, retourner. 

Trestoz : tous. 

Tret : trait. 

Trrt, trez : partie, du 
verbe trere, V, Traire. 

Treu : trou. 



VAL 

Ta EU : tribut, subside, 
impôt. 

TaiEGE ; terrain , place. 

TaisTaix : Tristan, héros 
d'un roman de ce nom. 

TaivB : trêve. 

TaoBAT (nos) : nous trou- 
vons. 

TaopÉ : troupeau. 

Troton : le trot , allure de 
cheval. 

TauBLE : sorte de filet pour 
la pèche. 

Trueve : il trouve; truissCy 
qu'il trouve ; truisson , 
nous trouvions. 

Trusque : jusque. 

Trut : tour , finesse ; mais 
il paroit être ici une 
exclamation. 

Tue IL : tuyau, canal; je 
crois qu'il signifie ici un 
champ de froment, de 
tuella y dans la basse la- 
tinité. 

Tuen : tien , ton. 

TuiT : tous. 

TuMER : tomber. 



Uel : œil. 
UÉs : œufs. 
Uevre : œuvre. 
Ui : aujourd'hui. 



U. 



Ui , uis : porte, ouverture. 
Uller : hurler. 
User : avoir l'habitude. 
UsuRER : prêter à usure. 



V. 



Vaille : il veille , il garde. Vaingniez ( bien ) : soyez 
Vain : foiblc, abattu, sans le bien-venu, 
force. Valt : il vaut. 



VES 

Vanvole : chose futile , 
de néant , à laquelle on 
ne ^* fait aucune atten- 
tion. 

Vassax : vassal. 

Vautre : chien de chasse 
pour courre les bétes 
noires. 

Vavassor : arrière-^vassal ; 
mais paroît ici signifier 
fermier. 

YÉABLE : visible. 

Yé ANz ( ses iauz ) : en sa 
présence. 

Véel : veau ; véelet , petit 
veau. 

VièER : empêcher , refuser, 
défendre. 

VÉEZ : vous voyez. 

Vels : tu veux ; velt , il 
veut. 

Vendra : il viendra ; ven- 
drons , nous viendrons. 

Venéor, vénères, rémé- 
rés : chasseur. 

Venistes : vous vîntes. 

Venter : souffler, 

Ventrillier : se coiicher 
sur le ventre. 

VÉoiENT : ils voyoient. 

Vergonder : couvrir de 
honte , déshonorer. 

Vermoille : vermeille , 
rouge. 

Vers ( de ) : des environs. 

Verseillier : réciter des 
psaumes. 

Verser : pleuvoir à verse. 

Verte : vérité. 

Vesié : fin, rusé, adroit, 

Vespres : le soir. 

I. 



VOI 401 

Vessel : vaisseau,. vase> 

Vet : il va. 

Veue : jugement, enquête, 
examen. 

Vez : voyez , voilà. 

VEZiiâ. Voy. Vesiié. 

Viaut : il veut. 

Vi autre. Voy\ Vautre. 

ViEX : vieux, vieille; de 
viez, depuis long-temps. 

Vilain : paysan, labou- 
reur, fermier. 

Vilanie : action basse et 
infâme , outrage, injure ; 
malpropreté. 

Vile : village , ferme , 
villa. 

Viltance : honte , affront , 
mépris. 

Viola TE : violé. 

Vis : visage , figure , face. 

Vis : avis j ce m *est vis , 
il me semble ; que vos 
est vis? qu'en' pensez- 
vous? 

Vis : vif, vivant. 

Vis , viz : vil , abject , mé- 
prisable. 

ViTAiLLE : vivres, alimens. 

Vite : agile , alerte. 

ViTUPARAR : blâmer, mé- 
priser. 

Vivre : vipère. 

Vo : votre. 

Voie : chemin ; se mettre 
à la voie , partir , s'en 
aller. 

VoiER :. conduire, diriger ; 
se Diex me voie , si Dieu 
me guide. 

VoiL : vouloir , volonté. 

26 



4oa VOL 

Yoiif-CB : je veux. 

y 01 a f voire : vérité , ▼rai- 

ment , vrai. 
Voias : même. 
VoiSDiB : nue, artifice, 

subtilité. 
VoiSB : qu'il aiUe ; si voise^ 

je, et je m'en vais. 
VoiSBVft : prudent, sage , 

VoiST : q[u'il aille. 
VoLDBBHT : ils Youlurent ; 



vou 

volait f il Tonloit ; 7)oli , 
il voulut. 

VoLTom : vautour. 

Vos : vous. 

VosissB : je vondrois ; vo- 
sissent p ils eussent vou- 
lu; Tfosistes, vous vou- 
lûtes. 

VosTEBE ( se ) : se veau- 
trer» se rouler. 

Voue ( rime) : voie. 

VouT y vuie : il veut. 



riN DU CLOSSAIEE DU TOME PEBMIEE. 



TABLE DES BRANCHES 



CON.TENUES 



DANS LE PREMIER VOLUME. 



Avertissement de l'Éditeur Poge y 

C'est la branche de Renart et d'Ysengrin com il issirent 

de la mer i 

Si conme Renart manja le poisson aus charretiers. 29 

Si conme Renart fist Ysengrin moine 36 

Si conme Renart fist peschier à Ysengrin les an- 

gailes * 44 

Si conme Renart prist Chantecler le Goc 49 

C'est le desputement de la Mésange avec Renart... 6S 

C'est de Tybert le Chat et des deux Prestres 95 

Si conme Renart coupa à Tybert la queue loi 

Si conme Renart fist Primant le frère Ysengrin pres- 

tre 114 

Si conme Renart et Primant vendirent les vestemens 

au Prestre por un Oyson 189 

C'est de Renart et d'Ysengrin et don Lyon com il 

départirent la proie i8i 

Si conme Ysengrin parti la terre aus deus mou- 
tons ^36 

Si conme Renart fist avaler Ysengrin dedenz le puis. 

a4o 

De l'Ours et du Lou et du Vilains qui monstrerent lor 

eus 261 



4o4 TABLE DES BRANCHES. 

De Renart , si conme il conchia le 'Corbel du frou- 

mage P^^ 267 

C*est de Prestre Martin et du Lon Ysengiin. . . . ayS 

C'est de la Jument et de Tsangrin* a8i 

C'est li songe Renart si conme Ysangrin le bâti. . a85 
S» conme Taengrin s'ala plaindre de Renart â la Cort 

le Roi 307 

Glossaire 369 



FIN DE LA TABLK DU TOME PREMIER. 





ERRATA. 


Ver» 5oa 


rons. 


lisez 


, rous. 


853 


trêve, 




uevre. 


«479 


crenti 




erent. 


ai3i 


a restez-T08, 




arefttez*vo9. 


i6a4 


guerre, 




qnerre. 


3703 


vos. 




nos. 


>909 


sienre , 




sieure. 


3754 


longne , 




longue. 


5437 


sauz, 




sanz. 


5696 


«i» 




li. 


8767 


Bichier, 




Ricbier. 



'I. 



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